Il faudra bient�t faire un sort � l'id�e r�pandue selon laquelle les Arabes agissent sans r�fl�chir. Les derniers �v�nements tendent � d�mentir la r�putation d'impulsivit� que les int�ress�s eux-m�mes s'acharnaient � entretenir. Prenez le sommet de Khartoum ! Plus de la moiti� des chefs d'Etat et de souverains ont pris le temps de la r�flexion avant de se pr�cipiter au Soudan. Apr�s quoi, ils ont choisi de s'abstenir. R�sultat : un sommet �court� d'une journ�e au lieu des deux jours initialement programm�s. Un sommet pour rien, dites-vous ? Ce n'est pas si �vident. L'Arabie saoudite a d�j� refus� d'organiser le prochain. Ils ne veulent pas courir le risque de voir d�barquer l'encombrant Kadhafi et de voir ces assises tourner au dialogue � trois. Je vous laisse � vos supputations concernant l'identit� du troisi�me. On peut dire, n�anmoins, que les seuls qui prennent au s�rieux la Ligue arabe, ce sont encore ceux qu'elle r�tribue. Quant aux autres, ceux qui pensent trop ou qui cherchent � comprendre, comme le disaient nos lib�rateurs en 1962, ils s'attendent au pire, r�sign�s ou non. La r�action la plus significative � la pantalonnade de Khartoum est celle du quotidien libanais Al-Nahar. Tirant le bilan de ces assises, le journal tire � boulets rouges sur les chefs d'Etat, donneurs de le�ons. L'�ditorialiste cible en particulier deux pays, le Soudan et l'Alg�rie. Il reproche aux pr�sidents de ces deux pays leurs sermons nationalistes aux Libanais. A en croire le journal de Beyrouth, ces "conseils" se r�sumeraient � ceci : cesser de r�clamer le d�part du pr�sident Lahoud et la dissolution du Hezbollah. Or, il est de notori�t� publique que Lahoud est l'homme des Syriens et que le Hezbollah est l'alli� de Damas. Le Hezbollah et Bachar Al-Assad n'ont pas encore lib�r� la Palestine mais ils bloquent toute ouverture d�mocratique au nom de la lutte contre Isra�l. En fait, si les Libanais veulent se d�barrasser de l'emprise de Damas et des milices du Hezbollah, ils devront attendre que ces derniers aient lib�r� tout le monde arabe, en attendant mieux. S'adressant � Bouteflika, Al-Nahar s'interroge : "Quand le pr�sident alg�rien tiendra-t-il les promesses qu'on lui pr�te de soutenir le Liban et le Hezbollah avec les millions de dollars de surplus des recettes p�troli�res ? Quand enverra-t-il un armement lourd pour contribuer � la bataille pour la lib�ration de la plaine de Shaba ?". Quant � Omar Al-Bachir, le pr�sident soudanais, Al-Nahar lui sugg�re de mettre fin aux tueries du Darfour avant de donner des conseils de nationalisme. En fait, ce que sugg�re le quotidien libanais en filigrane, c'est que les r�gimes arabes ne sont pas pr�s d'accepter un Liban d�mocratique et, surtout, multiconfessionnel. Ce qu'ils veulent, c'est un Liban vitrine d'un monde arabe tel qu'il est r�ellement et non pas tel qu'il devrait �tre. Or, le Liban tel qu'il se veut, avec ses �diteurs, ses t�l�visions et ses journaux libres est tout sauf l'image d'un monde arabe de plus repli� sur lui-m�me. Elles sont de plus en plus rares les voix qui parviennent encore � se faire entendre de ce ghetto culturel et spirituel. L'une d'elles est Ta�f Al- Halladj, auteur d'un roman introuvable dans les librairies mais disponible � l'achat sur Internet, Al-Qirane al mouqadas ( L'union sacr�e) (1). Ce roman, �tiquet� comme libertin, narre la vie et les malheurs d'une jeune Saoudienne Le�la. Devenue veuve apr�s seulement une ann�e de mariage, elle erre de ville en ville et d'aventure en aventure. Selon le r�sum� disponible sur le Web, on la voit, notamment, aller � la rencontre d'une tenanci�re de maison de plaisirs. Et tout le monde sait que ces lieux de d�bauche n'existent pas dans les soci�t�s parfaites que sont les soci�t�s musulmanes. C'est cette hypocrisie que d�monte, entre autres, ce livre paru depuis sept mois. Comme pour les caricatures, il a fallu donner du temps � la r�flexion et au touillage. Ce n'est que la semaine derni�re que le quotidien saoudien Al-Watan s'est int�ress� � ce livre. Il le fallait bien, l'auteur, qui se cache, et pour cause, sous le pseudonyme de Ta�f Al-Halladj, met � mal beaucoup de poncifs sur la soci�t� saoudienne. L'int�r�t de l'article est qu'il r�v�le encore une fois la permanence de la cha�ne du silence qui unit les vell�it�s et les l�chet�s intellectuelles arabes. Ce n'est qu'en r�ponse aux questions du quotidien saoudien que la maison d'�dition �gyptienne "Dar Layla" a courageusement d�menti avoir publi� ce roman. C'est pourtant son estampille qui figure sur le livre mis en vente sur le Web plusieurs semaines. Apr�s ce d�menti indign�, l'�diteur �gyptien a affirm� qu'il allait attaquer en justice les auteurs de ce br�lot. Encore faut-il les trouver. Le seul � avoir apport� un semblant de r�ponse, c'est l'homme qui commercialise l'ouvrage, un Syrien �tabli � Bahrein. Tout ce qu'il a pu dire c'est que Ta�f Al-Halladj est le pseudonyme d'une jeune femme de la bonne soci�t� saoudienne qui vit aux Etats-Unis.(2) En d�cembre dernier, une romanci�re, Raja Al-Sanii, saoudienne elle aussi, a provoqu� la sensation avec son roman Banat Ryadh (Les filles de Riyad). Il a certes provoqu� l'ire des bien-pensants et des th�ologiens mais c'est surtout � cause de son titre. Il renvoie, en effet, � la capitale de l'Arabie saoudite avec tous ses ors et ses clo�tres. Il n'y a pas de filles � Riyad, vous pensez bien. Cependant, un autre roman a fait plus de bruit. Ce roman, toujours saoudien et sign� de son vrai auteur, Badria Al- Bachr, aurait �t� aper�u un temps sur les �tals de certaines de nos librairies. Il s'agit de Zineb wal Askar" ( Zineb et les Militaires) qui relate la vie quotidienne d'une jeune fille de bonne famille. Il est sorti en janvier dernier. J'ai relev� sur le journal en ligne "Middle East Transparency " (http://www.metransparent.co m/) ce passage �vocateur et truculent concernant une proche de la narratrice : "Mawdhi a des nerfs d'acier que je n'ai pas (�)Il fallait qu'elle introduise chez elle l'homme qu'elle aimait. Elle lui a demand� de mettre un "khimar" et une "abaya" noire et de faire comme s'il �tait une amie venue lui rendre visite. L'homme qu'elle aime est venu frapper � sa porte apr�s avoir �t� accompagn� par l'homme que j'aime. Sur la derni�re marche de l'escalier menant � sa chambre, il a failli se prendre les pieds dans sa "abaya", tellement il �tait press� d'arriver. Mawdhi a �clat� de rire et, d'en bas, sa m�re lui a demand� ce qui se passait. Elle a r�pondu : "Rien du tout, maman, c'est ma copine qui a failli tomber." L'homme qu'elle aime s'est mis � l'aise et s'est allong� sur le lit. Il lui a demand� du th�. Comme la bonne ne r�pondait pas sur l'interphone, elle est descendue au rez-de-chauss�e apr�s avoir ferm� de l'ext�rieur la porte � cl� et laiss� la cl� sur la serrure. En se rendant � la cuisine, elle a vu sa m�re qui regardait la t�l�vision dans le salon. En remontant, elle a vu que la porte �tait ouverte. L'homme qu'elle aime lui dit que quelqu'un avait ouvert en son absence (�) Alors qu'elle s'interrogeait sur l'identit� de la personne qui avait ouvert la porte, l'interphone a sonn�. Mawdhy a d�croch� et elle a entendu sa m�re lui dire d'une voix feutr�e mais ferme : "Sors le de ta chambre sur-le-champ !". Ce n'est pas encore Leila Baalbaki mais il faut reconna�tre que ces Saoudiennes osent en d�pit du carcan qui p�se sur leurs �paules. Avec la Syrienne Wafa Sultan, ces dames ont encore de belles pages de contestation � remplir. A. H. (1) www.neelwafurat.com (2) C'est � croire que tous les Arabes qui veulent s'exprimer librement et � contre-courant vivent aux Etats-Unis. C'est surtout pour �a qu'on n'aime pas l'Am�rique et Bush n'est qu'un d�rivatif momentan�.