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DE LA NOTION D�EFFECTIVITE DES LOIS CONTRE LA CORRUPTION Des dispositifs l�gislatifs abusivement utilis�s � des fins de r�glements de comptes politiques
Face � la multiplication des affaires de corruption, de nombreux pays ont adopt� des lois sp�cifiques destin�es � la lutte contre le ph�nom�ne, ainsi que l�Alg�rie vient de le faire, mais sans strat�gie nationale et sans programme d�action. L��laboration et l�application de ces lois posent des probl�mes. La question de l�effectivit� des lois se pose avec acuit�. Il ne suffit pas, en effet, d��laborer une loi et de la faire voter, encore faut-il en assurer une application �quitable et effective conform�ment � la philosophie qui sous-tend la notion d�Etat de droit. Le dispositif l�gal contre la corruption doit �tre compris comme l�ensemble des textes ayant pour vocation sp�cifique de pr�venir et de r�primer la corruption, mais aussi la r�glementation destin�e � assurer la transparence, voire les textes qui consacrent la d�mocratie et garantissent les droits fondamentaux des citoyens. Dans nombre de pays, les affaires de grande corruption impliquant des autorit�s du pouvoir ex�cutif, des �lus, des hauts fonctionnaires et des patrons de grandes entreprises se sont multipli�es ces derni�res ann�es. Cette situation qui mine la d�mocratie et menace la stabilit� des institutions a amen� les gouvernements � faire voter des lois sp�cifiques contre la corruption. C�est souvent � la suite d�alternances politiques que des lois sp�ciales de lutte contre la corruption ont �t� �dict�es et parfois abusivement utilis�es � des fins de r�glements de comptes politiques. Paradoxalement, l�adoption de lois anticorruption n�emp�che pas les initiateurs desdites lois de faire voter des lois d�amnistie taill�es sur mesure pour s�assurer une retraite politique paisible. S�il suffisait de lois r�pressives pour venir � bout de la corruption, celle-ci n�existerait plus. Il est imp�ratif d�assurer l�effectivit� des lois et leur application par des institutions judiciaires fiables. La volont� politique du pouvoir ex�cutif et la culture d�int�grit� de la magistrature sont indispensables � cet effet. Sans une v�ritable volont� politique, les lois anti-corruption restent lettre morte. Il est, par ailleurs, illusoire d�esp�rer d�une justice elle-m�me gangren�e par la corruption qu�elle puisse s�vir avec efficacit� contre ce ph�nom�ne. Il existe un large consensus sur la priorit� � donner � la pr�vention. En effet, une politique exclusivement r�pressive est insuffisante. En outre, le recours syst�matique � la r�pression traduirait en partie l��chec de la pr�vention. Les poursuites judiciaires sont n�anmoins incontournables et participent �galement � la pr�vention, l�effet dissuasif. Les r�formes l�gislatives doivent donc tout autant s�attacher � la pr�vention qu�� la r�pression des actes de corruption. Le dispositif l�gal pour combattre la corruption ne peut pas �tre consid�r� uniquement sous l�angle p�nal mais doit inclure toutes les th�matiques suivantes : l�acc�s � l�information ; les conflits d�int�r�ts ; les march�s publics ; la libert� d�expression ; la libert� de la presse ; la protection de ceux qui d�noncent la corruption et de ceux qui portent plainte ; les conditions permettant � la soci�t� civile de se mobiliser ; les �lections d�mocratiques ; la lutte contre l�enrichissement illicite ; le contr�le de la l�galit� des d�cisions et des actes de l�Administration par le juge ; la s�paration des pouvoirs, notamment l�ind�pendance des juges, etc. De la qualit� du syst�me judiciaire Dans tous les pays, la corruption constitue un d�lit et � ce titre elle est passible de sanctions p�nales. Cependant, force est de constater que la l�gislation p�nale traditionnelle en mati�re de corruption s�est r�v�l�e peu efficace du fait des limites qu�imposent certains principes g�n�raux de droit. Ces limites sont d�autant plus contraignantes que la corruption a la particularit� de constituer un d�lit particulier impliquant des protagonistes qui ont objectivement int�r�t � prot�ger le secret de leur transaction d�autant plus que le corrupteur et le corrompu sont passibles de sanctions p�nales. Le principe de la pr�somption d�innocence et l�obligation faite au parquet d�apporter les preuves de la culpabilit� sont les principes g�n�raux majeurs susceptibles de constituer des facteurs limitants. Il convient d�ajouter que le juge d�instruction doit instruire � charge et � d�charge. En d�autres termes, son information doit tendre aussi bien � asseoir l�accusation qu�� �tablir, le cas �ch�ant, l�innocence de l�inculp�. Il appara�t que les m�canismes juridiques traditionnels destin�s � la lutte contre la corruption souffrent d�obsolescence manifeste. Certaines r�formes juridiques se sont donc av�r�es n�cessaires pour tenir compte des difficult�s sp�cifiques de poursuite des actes de corruption. Si ces r�formes sont n�cessaires, elles ne sauront suffire. En effet, hormis la qualit� intrins�que des textes, leur application effective et �quitable par des juridictions ind�pendantes compos�es de magistrats comp�tents et int�gres constitue l�indicateur le plus significatif de l�efficience des r�formes dans le domaine juridique. Le pr�requis fondamental est li� � la qualit� du syst�me judiciaire tant il est �vident que quelle que soit la qualit� des r�formes de la l�gislation celle-ci ne serait d�aucune utilit� si la justice charg�e de son application n�est pas ind�pendante de toutes les forces de pression ou si un nombre significatif de magistrats sont incomp�tents, craintifs, irresponsables ou corrompus. Aussi est-il indispensable de proc�der pr�alablement aux r�formes, � une �valuation objective et rigoureuse du syst�me judiciaire afin d��tre en mesure d�apporter les correctifs appropri�s et, partant, cr�er un contexte favorable de r�formes. Ces r�formes qu�imposent les difficult�s sp�cifiques de poursuite des actes de corruption portent notamment sur le droit de la preuve. Du couple corrupteur-corrompu En dehors des situations o� la corruption propos�e n�est pas accept�e, il s�agit essentiellement d�un pacte entre un corrupteur et un corrompu. Ces personnes veillent � garder occulte cet accord ill�gal. A l�oppos� de la plupart des crimes, les actes de corruption ne font pas de victimes apparentes. Tous les protagonistes en sont les b�n�ficiaires et ont int�r�t � pr�server le secret. La preuve de l�infraction est donc difficile � rapporter, ce qui n�est pas sans influence sur l�extension de telles pratiques. On peut encourager les parties impliqu�es dans une infraction � se d�voiler et � fournir des preuves pour obtenir en contrepartie une immunit� de poursuite. En Europe centrale et orientale, une disposition en vigueur depuis des ann�es stipule que le corrupteur qui se d�nonce dans un d�lai d�environ 24 heures �chappera � toute poursuite. Il semble, toutefois, que cette disposition n�ait pas eu les effets escompt�s. Aux Etats-Unis, une personne impliqu�e dans un d�lit boursier b�n�ficie automatiquement de l�impunit� si elle d�nonce la premi�re ce d�lit. Ceci introduit un �l�ment de risque dans la relation de corruption au lieu que chacun d�pende du silence des autres, tous ont un pouvoir absolu sur les autres. Si on a souvent des pr�somptions, les preuves mat�rielles d�actes de corruption font parfois d�faut. Le douanier qui roule dans une grosse cylindr�e dernier mod�le �veille sans doute � juste titre les soup�ons, tout comme le chef de gouvernement qui a v�cu toute sa vie d�un modeste traitement de fonctionnaire et qui m�ne grand train, bien au-del� de ce que ses propres revenus pourraient lui permettre. L�extravagance du train de vie des corrupteurs et des corrompus, et l��talage ostentatoire de leur richesse constituent des indices qui peuvent fonder une pr�somption mais qui ne permettent de diligenter des poursuites sur le fondement des textes traditionnels qui sanctionnent la corruption. Le d�lit d�enrichissement illicite a �t� institu� dans certains pays (l�Alg�rie vient enfin de le faire, voir article ci-dessous) pour sanctionner certaines cat�gories de personnes dont le niveau de vie est sans commune mesure avec leurs revenus l�gaux. Ce d�lit peut permettre de prononcer une condamnation sur la base de l�impossibilit� pour la personne mise en cause de prouver l�origine licite de son patrimoine. Les puristes du droit n�ont pas manqu� de consid�rer que les poursuites sur la base du d�lit d�enrichissement illicite ne sont pas compatibles avec les principes g�n�raux de la pr�somption d�innocence, d�une part, et reposent sur l�inversion de la charge de la preuve, d�autre part. Cette critique n�est pas mal fond�e mais une question fondamentale est de savoir si la d�fense obstin�e de certains principes traditionnels doit pr�valoir sur la d�fense des int�r�ts fondamentaux de la soci�t� face � un ph�nom�ne dont la persistance est susceptible de miner l��quilibre social. Il est toutefois imp�ratif que les lois contre la corruption � et toutes les autres � soient conformes aux normes fondamentales en mati�re de droits humains, telles qu�elles sont exprim�es dans les constitutions nationales et les instruments internationaux.