A l�occasion de la 7e �dition du festival europ�en, l�institut Cervant�s d�Alger a organis� une exposition, sous le th�me �Mediterraneo�, du photographe espagnol Fernando Herraez. Les �uvres de Fernando Herraez sont des natures mortes d�un genre pr�cis : sans �me, sans vie, inertes, ses sites naturels, sa statuaire et ses vestiges gr�co-romains gravitent autour d�un seul th�me, l�inanim�. Les sites Les falaises du d�sert de Tabernas (Alm�ria) arborent un majestueux drap�, taill� dans la roche par quelque dieu courrouc� ; au centre de l�ample v�tement pliss�, un profil humain, portant bonnet pointu, pirouette de la nature, pied de nez venant de l��rosion �olienne et saline ; au sol, un paysage lunaire s�habille en reg saharien. La mer, � travers quelques clich�s est d�huile ; �tale, elle pr�sente une surface soyeuse l�g�rement rid�e qu�aucun flux ni reflux n�agite. Les plages (Castellon de la Plana, Ith�a, Palas Epidaurus) dont l�une d�elles est une immensit� de galets, ronds, ovales, lisses, provoquent une sensation physique douloureuse, dure... Meteora (Gr�ce centrale) est un ensemble montagneux, loin de toute vie ; surgie d�un brouillard opaque, cotonneux, dense, une construction se devine presque, sur un piton rocheux, au milieu de nulle part, au sein d�une nature hostile et inhospitali�re, dans un relief montagneux. Sans doute, l�un de ces monast�res (Meteores) de la vall�e du Pen�e en Thessalie, datant du XIIe si�cle, et construit sur un roc. Mina (P�lopon�se) campe des arbustes : ni feuillage, ni fleurs, ni fruits, seules des tiges tourment�es, nues, s�ches, l�vent leurs branches, osseuses et squelettiques vers un ciel plomb� et nuageux qu�accentue le noir-blanc et gris de la photo. Une nature p�trifi�e, o� l�eau bienfaitrice a manqu� depuis longtemps. Stromboli (Sicile) pr�sente un rocher, seul, au bord de la gr�ve, battu par le ressac ; les galets amoncel�s alentour ont �t� p�tris � la main : tendres, ronds, lisses, noirs... La statuaire Ostia Antica (Rome) est un tribun, v�tu de sa toge, bras repli�, le socle est imposant, mais la statue est �t�t�e. Korintho (P�lopon�se) laisse deviner un corps f�minin sous le fin drap� de la toile de lin : ni bras, ni t�te, le personnage est fig�, pour l��ternit�, contre un mur, face au mur, anonyme, seul, mutil�. Vestale du temple d�Aphrodite, comment te nommes-tu ? Olympia pr�sente d��normes t�tes sculpt�es dans le roc, mi-humaines, mi-animales, alors que Oropesa Castellon immortalise, dans le marbre glacial, l��treinte fig�e de 2 adolescents. Monuments, ruines, vestiges gr�co-romains Ils font l�objet d�un choix �clectique, Ostia Antica (Rome) est le reste d�une colonnade qui fut autrefois imposante, colossale. Un pan reste encore debout, de forme tot�mique, o� seules les �paules et la t�te sont esquiss�es, demeure le t�moin impuissant d�un temple qui n�existe plus. Les temples romains (Sagasta en Sicile et Sounion en Gr�ce) ne sont plus que quelques colonnes retenant un reste de chapiteau. Entre chien et loup, la lumi�re cr�pusculaire ajoute � la photographie une note surr�aliste. L�Agrigento (Sicile) offre, au premier plan, le tr�ne massif et noueux d�un bellombra, alors qu�au second plan, un temple romain subit les outrages du temps. A Delphes (Gr�ce), une brisure, colossale, d�une colonne g�t sur le sol, unique survivante, seule rescap�e d�un s�isme que l�oracle n�a su pr�dire, et dont les restes sont �parpill�s entre les broussailles et les �pineux. Vestige de la religion hell�nique, serait-ce une colonne du temple d�Apollon ? Moignon muet, t�moin du d�membrement de sa structure, fragment d�architecture et d�histoire, il porte en lui l�h�ritage d�un pass� prestigieux, car il est le r�sultat d�une science, d�un savoir, d�une technique ; il garde en m�moire l�intelligence des b�tisseurs qui le cr��rent et la vitalit� du g�nie grec qui a construit � travers l�histoire de ses dieux et de ses h�ros une mythologie vivante et immuable. Le th�me de la mort, omnipr�sent tout au long des tableaux expos�s, � travers les paysages, les ruines, ou les statues, se pr�cise davantage : une amphore est expos�e dans un �cimeti�re de c�ramique� (Ath�nes) et un squelette humain dort, du sommeil du juste dans les �ruines de Nemea�. Le clou de l�exposition sera ce brigrandin, voilier d�charn�, �chou� sur la gr�ve tel un leviathan perdu ; couch� sur le flanc, agonisant... Image fugace du mythique hollandais ? Tout au long de ce p�riple, sublime, en noir et blanc, la pr�sence lourde, ent�tante, lancinante, de la Grande Camarde, la Grande Faucheuse, qui mutila les corps, figea la flore, p�trifia les roches et dompta la mer, est r�it�r�e, r�p�t�e, psalmodi�e, comme un leitmotiv morbide et macabre. Son empreinte est si r�elle que chaque site, chaque personnage, chaque monument, porte sa signature. Dans son allocution de bienvenue, le directeur de l�Institut Cervant�s dira : �Avant de vous laisser seuls avec l��uvre de Fernando Harraez, je vous demanderai juste de ne pas observer cette M�diterran�e comme un paradis perdu. Dans tous les cas, prenez en compte que les paradis se perdent peut-�tre, pour concevoir la joie et l�esp�rance de les r�cup�rer un jour...�.