1) Comm�moration du 20 Ao�t 1956 Il �tait attendu que la presse (El Khabar, Libert�, Le Jour, Le Soir d�Alg�rie, Le Quotidien d�Oran, El Watan) se fasse largement l��cho du cinquanti�me anniversaire du �Congr�s de la Soummam�. Evidence, en effet, que celle de dire que la halte historique �tait obligatoire au regard de l�importance capitale de l��v�nement lui-m�me. Fondamental pour la guerre de Lib�ration, mais aussi pour le devenir de l�Alg�rie post-ind�pendance. N�anmoins, au-del� m�me de cette raison incontestable, voire de ce truisme, il est int�ressant de relever que contrairement aux ann�es pr�c�dentes o� le 20 Ao�t �tait �voqu� par la presse �� titre indicatif� articles de presse et contributions, � l�occasion de ce cinquantenaire offrent des pistes de r�flexion dignes d�int�r�t pour les historiens, cela va de soi, mais aussi pour les jeunes g�n�rations qu�il faudra bien �r�concilier avec leurs rep�res historiques� (un intervenant au cinquantenaire). a) R�flexions par rapport � l��criture de l�histoire : Consid�r� durant de longues d�cennies comme la �chose du pouvoir et sa propri�t�, le Congr�s de la Soummam a �t� l�objet de graves falsifications et mensonges. Il �tait un �v�nement �officiel� avec une version �officielle�. En ce sens, on pourrait citer le premier chef d�Etat alg�rien qui avait affirm� : �Je consid�re qu�� la base de la R�volution existe un contrat entre neuf fr�res � (suivent les noms, celui de Abane Ramdane n�y figure pas) � Ben Boula�d et Didouche �tant tomb�s au champ d�honneur, le fr�re Bitat �tant en prison, je ne me consid�re li� par ce contrat avec les fr�res de l�int�rieur que vis-�-vis de Krim et Ben M�hidi. Aucune consid�ration relative au r�le aussi important soit-il par d�autres fr�res ne peut alt�rer ce principe intangible conditionnant ce contrat moral.� (S. Blomberger Les rebelles alg�riens, �dition Plon 1958). �C�est une loi de l�histoire, vieille comme le monde, qui veut que l�on ne saurait efficacement diriger une r�volution sans vivre au milieu de cette r�volution. Ceux qui, quotidiennement, sont en contact avec l�ennemi d�une part et le peuple et les combattants de l�autre, sont � m�me de juger de la situation et d�agir en cons�quence�, r�pondent Abane Ramdane et Larbi Ben M�hidi dans leurs lettres adress�es aux prisonniers de �la Sant� (France) (S. Blomberger Les rebelles alg�riens. Edition Plon 1958). La confiscation de cet �v�nement, �tape d�cisive dans la guerre de Lib�ration, par le pouvoir politique d�s 1962, n�a pas seulement d�tourn� les objectifs et les r�sultats voulus par Abane Ramdane, � savoir la primaut� de l�int�rieur sur l�ext�rieur, elle a �galement engendr� des cons�quences qui perdurent jusqu�� ce jour puisque les enjeux toujours actuels tiennent � l�existence de deux projets de soci�t� totalement antinomiques. En affirmant � maintes occasions : �Nous sommes arabes, nous sommes arabes�, le premier pr�sident de l�Alg�rie n�alt�rait pas seulement l�histoire de l�Alg�rie voire du Maghreb, il nous inf�odait sans notre consentement � des pays �fr�res� trop heureux quant � eux, de se d�barrasser de leurs fr�res musulmans en les envoyant en Alg�rie endoctriner nos enfants. Et il faut reconna�tre au courant conservateur d�avoir effroyablement s�vi : le nationalisme ? C�est sa chose, sa propri�t� et il en a le monopole. L�islam ? Qui ose parler de modernit�, de d�mocratie n�est que m�cr�ant. Face � ce courant, justifier son islamit� et son patriotisme doivent �tre c o n s t a n t s . Comment s��tonner alors qu�il ait impos� d�tenant le pouvoir jusqu�� ce jour, le code de la famille ? Comment s��tonner que toute autre conception du pouvoir, de la soci�t�, �tait qualifi�e par ces m�mes conservateurs d�occidentalisation excessive et ses �d�fenseurs� de tra�tres � la solde de l��tranger ou �assimiliationnistes� ou �la�co-assimiliationnistes�. Ce n�est pas tout. Les d�tracteurs de Abane Ramdane � puisque m�me mort, il continue � �tre pour eux terriblement d�rangeant � n�ont surtout jamais cess� de croire que les d�fenseurs de ses id�aux ne pouvaient aucunement �tre des dirigeants au plus haut niveau puisque semeurs de �fitna� en raison de leurs id�es et convictions modernes et d�mocratiques. Les seuls capables d��tre les hommes de �l�unit� nationale� ce sont eux, les conservateurs, superpatriotes, super-nationalistes et super-musulmans. Le r�sultat est l� avec entre autres les ann�es de terrorisme islamiste combattu certes, mais l�islamisme en tant que projet de soci�t�, id�ologie n�a jamais d�rang� ou g�n� le pouvoir politique qui l�a agr�� comme formation politique dissoute par d�cision de justice seulement parce qu�elle devenait trop gourmande et qu�elle pr�nait la violence comme moyen d�acc�der au pouvoir. Enfin, faut-il rappeler � mais c�est chose entendue � la pr�sence tant au gouvernement qu�au Parlement, d�islamistes qui ne manquent aucune occasion de se faire entendre et de brandir leurs menaces lorsqu�est annonc�e la plus timide avanc�e de la soci�t� ? Ainsi, le Congr�s de la Soummam d�vi� de ses objectifs durant la guerre de Lib�ration, notamment apr�s l�assassinat de Abane Ramdane, puis d�s 1962, n�a pas encore r�v�l� tous les enjeux dont un et le plus important : l�opposition pleine et enti�re entre deux projets de soci�t�. Et puisqu�il n�est pas interdit de r�ver, il est permis d�imaginer une Alg�rie qui aurait �t� dirig�e par Abane Ramdane ou Ferhat Abbas. Enfin, ce cinquantenaire qui a cass� tous les tabous r�duira au silence ceux que le fant�me de Abane Ramdane hante les nuits et qui se sont r�pandus en insanit�s, insultes, � sa m�moire oubliant � ou feignant l�oubli � que Abane Ramdane appartient � tous les Alg�riens sans exception parce qu�il appartient � l�histoire et que celle-ci ne devra plus jamais �tre confisqu�e et falsifi�e. Laissons donc les vrais historiens prendre leur plume ! Ce n�est pas l� une esp�rance, c�est une demande pressante parce que l��criture de l�histoire est affaire urgente et que les acteurs, t�moins et autres protagonistes n�ont plus le droit de se taire. b) R�flexion par rapport � la v�rit� : Cette �criture de l�histoire n�aura cependant un sens que si toutes les v�rit�s � toutes � seront r�v�l�es. Bonnes ou mauvaises. Un autre tabou est tomb� entourant la mort de Abane Ramdane puisque c�est r�cemment (depuis les ann�es 1990) que l�on ose enfin dire que l�artisan du Congr�s de la Soummam a �t� assassin�. Assassin�, par ses compagnons de combat. Les jeunes g�n�rations ont le droit de savoir qui a fait cela pour mieux comprendre que la guerre � l�intelligence, au savoir, � la modernit�, n�a pas commenc� en 1962 ou en 1992, mais en 1954 ? En assassinant Abane Ramdane, ce sont des id�aux qu�on enterrait avec lui. Celui d�une conception tout � fait autre du pouvoir, ainsi que celui du mode de gouvernance. Deux raisons suffisantes pour �liminer celui qui aurait pu �tre un concurrent s�rieux, tr�s s�rieux m�me. Et non pas un �contre-r�volutionnaire� ainsi qualifi� par l�un de mes professeurs d�histoire un jour que nous lui avions demand� de nous parler, �g�es alors apr�s l�ind�pendance de dix-sept ans, de Abane Ramdane, de Mohamed Boudiaf ayant eu notre overdose avec Staline et Fidel Castro. Je n�oublierai jamais son front en sueur et sa promptitude � fermer la grande fen�tre en ce mois de mai � un mois du baccalaur�at. �Contentez-vous de conna�tre votre programme, ce sera d�j� beaucoup.� Ce professeur n�est certainement pas le plus � bl�mer si l�on se souvient du contexte politique. Le pouvoir ne nous a-t-il pas r�p�t� : �Contentez-vous de ma version, sinon gare � vous ?� Lorsqu�on constate que la date, le lieu de naissance de Ferhat Abbas ainsi que son nom �Ferhat Mekki Abbas� (le vrai) ont �t� falsifi�s et qu�un homme se bat pour que les rectifications soient apport�es, on a peine � croire que l�expression �v�rit� historique� ait une quelconque signification. R�cemment un p�re meurtri dans sa chair rappelait l�assassinat de son enfant avec ses quatre camarades par la barbarie terroriste. Il r�clamait v�rit� et justice. Sans vouloir aucunement faire dans le pessimisme, je dirai quelle v�rit� ? La page du terrorisme serat- elle seulement �crite ? J�en doute, pour ne pas dire jamais. Comment esp�rer qu�elle soit l�objet de v�rit� historique lorsqu�on ne sait toujours pas qui a assassin� Khider, Krim Belkacem et pour quelles raisons feu Ahmed Medeghri se serait �suicid� ? Comment esp�rer cela dans cette Alg�rie qui marche d�cid�ment sur la t�te o� une rue porte le nom du colonel Chabani ex�cut� pourtant par le pouvoir en 1963 ? Comment esp�rer v�rit� et justice lorsqu�on constate jour apr�s jour que l�on se h�te de blanchir les terroristes islamistes toujours un peu plus, un peu mieux afin qu�il ne subsiste plus de traces de ces ann�es infernales ? Resteront seulement nos meurtrissures, celle de voir les bourreaux de nos victimes nous narguer �tant la plus insupportable. Le cinquantenaire du Congr�s de la Soummam qui n�a pas �t� r�cup�r� � pour une fois ! � par le pouvoir donnera-t-il un �lan tout � fait in�dit � l��criture de l�histoire de la guerre de Lib�ration ? C�est absolument souhaitable car l�on ne peut travestir l�Histoire �ternellement. 2) Abdelaziz Belkhadem et ses d�rapages verbaux A la conf�rence de presse � B�ja�a, pour justifier la prorogation de d�lais de la charte de la paix, Abdelaziz Belkhadem a affirm� que �la concorde civile avait bel et bien �t� enferm�e dans des d�lais et qu�au dernier moment d�autres mesures ont �t� prises�. En d�clarant cela, le chef du gouvernement nous rappelle que les terroristes islamistes qui devaient �tre jug�s et exclus du texte de la concorde civile ont �t� amnisti�s gr�ce au rajout � la derni�re minute de l�article 41 de la loi qui ne figurait pas dans le projet. Nous avons bien compris : toutes ces discussions qui n�en finissent pas autour des prorogations ou pas du d�lai vont se terminer par une belle d�cision pr�sidentielle d�amnistie pour tous les terroristes. Le hic est que sur sept cents, trois cents terroristes seulement se sont rendus ( El Watan 23 ao�t). C�est vraiment peu. Et la grande prouesse historique du premier magistrat du pays sera d�avoir m�content� � et le mot n�est pas assez fort � les familles des victimes du terrorisme sans s��tre attir� les bonnes gr�ces des �gorgeurs. R�sultat des courses ? C�est un tr�s bel adage qui le donne : �On ne peut pas contenter le chacal et prot�ger les moutons.� La r�conciliation disent-ils ? Avec dix-sept militaires bless�s dans une embuscade la semaine derni�re et un tu� ? Avec des familles de victimes qui demandent judicieusement la mise en place d�une commission type �V�rit� et Justice� comme au Maroc ? Avec nos ranc�urs et nos blessures ? A d�autres que nous, qu�ils fassent ingurgiter leur r�conciliation ! Autre d�rapage : � la question de savoir o� �tait le pr�sident, Belkhadem a r�pondu au journaliste lors de cette conf�rence de presse : �Le pr�sident n�a pas besoin de cong� ou ne se fait pas signer des titres de cong�.� Humour ? C�est plut�t rat� et ne fait pas qui veut de l�humour. Echappatoire comme une autre ? Peut-�tre. L�on veut bien croire que le premier magistrat prenne du �cong� quand il veut, comme il veut. Cependant, qui peut nous dire pour quelles raisons ce m�me premier magistrat qui nous invite � nous solidariser avec les Palestiniens (message lu � Ifri par le ministre des moudjahidine) n�a pas re�u Mahmoud Abbas, s�est �clips� alors que la guerre faisait rage au Liban, devait effectuer des visites sur le terrain annul�es � la derni�re minute ? Oui, cet homme peut prendre du �cong� sans permission de quiconque, sauf que ce monsieur au cas o� son chef du gouvernement l�aurait oubli� est le chef de l�Etat de la R�publique alg�rienne. A ce titre, ses �vacances� prolong�es comme son �tat de sant� sont des questions d�ordre public int�ressant son peuple. Il e�t mieux valu �luder la question que r�pondre par ce qui n�est ni de l�humour encore moins une r�ponse satisfaisante. Autre d�rapage : d�ordre s�mantique celui-ci. Abdelaziz Belkhadem a qualifi� l�opinion de M. le ministre, Boualem Benhamouda sur l�inutilit� d�une r�vision constitutionnelle �comme la position personnelle d�un militant � si elle est personnelle elle n�est pas celle d�un militant qui se doit d��pouser dans ce cas les positions de son parti. M. Benhamouda n�aurait jamais commis cette f�cheuse confusion lorsqu�il �tait secr�taire g�n�ral du FLN. Mais que dis-je ? Tous les habits sont d�cid�ment trop grands pour Abdelaziz Belkhadem. Et lorsque celui-ci dit �avoir savour� la victoire du Hezbollah�, il ne faut pas seulement comprendre contre l�agression d�Isra�l mais se souvenir des ann�es ensanglant�es o� ce monsieur faisait �ami-ami� avec les islamistes d�ici et d�ailleurs, ses amis de toujours d�ailleurs. L. A.