L'Institut fran�ais des relations internationales (Ifri) vient de publier son encyclop�die annuelle de l'actualit� internationale, le rapport Ramses 2007. Le document est int�ressant � plus d'un titre : il figure parmi les premi�res r�f�rences en la mati�re, donne une lecture typiquement fran�aise de la situation internationale et son �laboration mobilise les meilleurs experts de l'Hexagone. La synth�se sign�e de Thierry de Montbrial, son directeur, par ailleurs membre de l'Acad�mie des sciences morales et politiques, dresse un tableau de la situation politique, diplomatique et �conomique du syst�me international et approfondit les cas du Moyen-Orient et de l'Europe. On s'int�ressera ici particuli�rement au regard et aux projections qu'il porte sur le monde arabo-musulman en g�n�ral et sur notre pays en particulier. Sur le plan id�ologique, et �contrairement � la th�orie, ou � l'utopie, de la �fin de l'histoire�, la d�mocratie � au sens occidental de la d�mocratie lib�rale � n'a pas gagn� de terrain en dehors de l'Union europ�enne �largie �. Ailleurs, les avanc�es d�mocratiques ne sont gu�re r�jouissantes. En Egypte, en Palestine, pour ne citer que des pays qui nous sont proches, ces �avanc�es� contredisent les int�r�ts occidentaux. En Egypte, quoique bien timide, l'ouverture de novembre-d�cembre a confort� la tendance islamiste, qui gagne 71 si�ges au Parlement (elle passe de 17 � 88 si�ges sur un total de 454). En Palestine, o� les traditions d�mocratiques semblaient mieux assises, les r�sultats des �lections de janvier 2006 ont d�pass� les pr�visions les plus pessimistes : Hamas rafle la majorit� absolue des voix. Du coup, les Occidentaux, Etats- Unis en t�te, se discr�ditent en refusant d'affronter les cons�quences des choix qu'ils avaient eux-m�mes pr�conis�s. Il y a deux premi�res raisons � cela : l'une interne (la population �gyptienne ne se reconna�t pas dans le pr�sident Moubarak, et la corruption du Fatah a jou� pour une part dans la victoire du Hamas), l'autre externe (l'image des Occidentaux, principalement celle des Am�ricains, est de plus en plus r�duite � celle de troupes arm�es jusqu'aux dents pour mener une croisade jud�o-chr�tienne couvrant le dessein de s'emparer des puits de p�trole en terre d'Islam). Le drame est que rien ne vient contredire s�rieusement cette th�se et l'arrogance occidentale gagne y compris la sph�re religieuse incarn�e par un Vatican acquis aux th�ses lib�rales n�o-conservatrices. Six mois apr�s l'affaire des caricatures du Proph�te, les propos du pape Beno�t XVI tenus � l'universit� de Ratisbonne (Allemagne) � l'occasion d'un discours aux repr�sentants de la science sur les relations entre foi et raison, ont d�clench� un nouveau toll� anti-occidental dans le monde musulman. L'�vocation par le pape de la �septi�me controverse� ayant oppos�, en 1391, l'empereur chr�tien de Constantinople, Manuel II Pal�ologue, � un �rudit persan, a jet� de l'huile sur un feu qui couve depuis sept si�cles. A Ratisbonne, Beno�t XVI donnait l'impression forte d'adh�rer au jugement de l'empereur chr�tien : �En revanche, pour la doctrine musulmane, Dieu est absolument transcendant. Sa volont� n'est li�e � aucune de nos cat�gories, pas m�me celle de la raison.� En r�alit�, il n'y a rien d'in�dit dans les propos du pape. Ils rejoignent dans leurs grandes lignes les analyses des id�ologues de la d�mocratie lib�rale, pour ne pas dire bourgeoise. Le rapport de l'Ifri rel�ve, par exemple, que �pour les Egyptiens la notion de la�cit�, par exemple, est radicalement incompr�hensible, comme pour les musulmans en g�n�ral �. La conclusion du rapport soul�ve �le dilemme devant lequel peut se trouver la communaut� internationale� ou plut�t la partie de cette �communaut� � attach�e aux valeurs de la d�mocratie lib�rale lorsqu'elle pr�tend forcer l'av�nement de r�gimes d�mocratiques. Le dilemme ainsi identifi� ressemble � un drame corn�lien. �En ouvrant la porte aux islamistes, on court un risque de d�rapage de type iranien. Mais, en la leur fermant, on s'expose � l'amplification et � l'intensification de la haine et � leurs cons�quences.� Selon l'Ifri, le monde est gouvern� par des �id�es d�sincarn�es� qui, en fonction des strat�gies concr�tes et des calculs d'int�r�t, n'ont qu'une part implicite ou explicite, en fonction du mode op�ratoire des �usines de fabrication� des d�cisions. Et c'est au Moyen-Orient au sens large que culmine le hiatus entre les valeurs proclam�es et les int�r�ts qu'elles occultent. Ici, l'Alg�rie est class�e dans le m�me groupe que �des pays comme le Venezuela ou la Bolivie en Am�rique du Sud (qui) croulent sous l'argent� et dont �malheureusement, les leaders suivent la pente de la facilit� et n'en profitent pas pour pr�parer l'avenir�. La crainte sugg�r�e ici est que l'�quation entre les id�ologies et les int�r�ts ne favorise l'un des p�les du capitalisme (celui des Etats-Unis). Alors que les grands pr�tres de la mondialisation continuent de broder sur le th�me d'un march� plan�taire qui en fait n'existe pas, les Etats les plus sensibles � la puissance � comme les Etats-Unis (dont le r�alisme pratique ne c�de jamais � l'id�ologie proclam�e) ou la Chine � se pr�occupent d'acc�der directement aux ressources, comme ils l'ont toujours fait dans l'histoire. Le p�trole donne une parfaite illustration de cette culture du �bons sens� qui pr�side � l'�quilibre des int�r�ts en pr�sence. Le rapport souligne que les grands pays offreurs peuvent �tre anim�s par des pr�occupations qui vont bien au-del� des prix. C'est aujourd'hui le cas de la Russie. �Du point de vue de la demande, les trois p�les dominants de la plan�te sont aujourd'hui les Etats-Unis � de plus en plus d�pendants du monde ext�rieur �, l'Union europ�enne � que nous retrouvons � propos de la Russie � et la Chine � �toile toujours montante de l'�conomie plan�taire. On comprend ainsi qu'en un temps o� l'Europe d�laisse l'Afrique, les Etats-Unis et la Chine s'y engouffrent pour acc�der � des ressources potentiellement immenses (hydrocarbures et plus g�n�ralement mati�res premi�res). Leur int�r�t se manifeste jusque dans des pays comme la C�te-d'Ivoire ou l'Alg�rie.� En fait, les nouvelles puissances �mergentes viennent tout simplement bousculer l'ordre �tabli et disputer les march�s captifs des anciennes puissances. L'exemple alg�rien l'illustre parfaitement bien et le rapport de l'Ifri ne manque pas de le souligner, m�me au moyen d'une caricature d'options lourdes recherchant un �quilibre entre partenaires �trangers. Ces options sont ramen�es aux choix d'un seul homme que les int�r�ts fran�ais commandent aujourd'hui de tirer sur lui � boulets rouges, apr�s une br�ve lune de miel. Thierry de Montbrial n'h�site pas � �crire : �R��lu en 2005 dans des conditions contest�es, malade, Abdelaziz Bouteflika appara�t aujourd'hui comme un autocrate principalement soucieux d'assurer son maintien au pouvoir jusqu'au bout. Ses attaques r�p�t�es contre la France avec qui, nagu�re, un trait� d'amiti� et de coop�ration semblait en bonne voie, ob�issent � d'obscurs calculs. Le choix d'un Premier ministre islamo-conservateur augure mal de l'accomplissement de r�formes alors m�me que la rente p�troli�re ouvre au pays des possibilit�s immenses. Dans sa man�uvre contre la France, le chef de l'Etat alg�rien joue la carte am�ricaine.� Inutile de dire que les conditions �contest�es� de la r��lection de Bouteflika n'�taient pas mentionn�es dans l'�dition pr�c�dente, ni le caract�re �islamo-conservateur � de M. Belkhadem qui pr�sidait pourtant d�j� la principale formation politique du pays.