La pol�mique qui bat son plein dans le monde du sport n�a pas laiss� indiff�rent Mahour Bacha Ahmed qui, dans l�entretien qu�il a bien voulu nous accorder, livre son appr�ciation de la situation. Cet ancien athl�te, ex-entra�neur national, ne m�che pas ses mots. Le Soir d�Alg�rie : Le mouvement sportif national traverse une zone de turbulence qui s�est personnalis�e � travers un combat entre le pr�sident du COA qui est consid�r� comme la plus haute autorit� morale du sport en Alg�rie et le ministre de la Jeunesse et des Sports. Plusieurs personnalit�s du sport alg�rien sont mont�es au cr�neau pour d�noncer �la caporalisation du sport par l�Etat�. Or, jusqu'� maintenant, nous n�avons pas beaucoup entendu les principaux acteurs, � savoir les sportifs et l�encadrement technique. Quelle lecture faites-vous de cette confrontation ? Mahour Bacha Ahmed : Avant de vous livrer mon analyse, permettez- moi d�abord de m�interroger sur cette nouvelle notion de �la plus haute autorit� morale du sport en Alg�rie�. A moins que j�aie loup� un �pisode, je n�ai pas � ma connaissance eu vent de l�existence d�une organisation cens�e repr�senter la morale sportive que ce soit au niveau national ou international. Maintenant, il est fort possible que quelques individus aient pu mandater une personne pour �tre leur �pape� et ils sont libres d�ailleurs de le faire et ils peuvent m�me s�ils le veulent aller s�y confesser ; en ce qui me concerne, comme beaucoup d�athl�tes, d�entra�neurs et de dirigeants, la seule autorit� du sport qui existe en Alg�rie c�est bien entendu le minist�re de la Jeunesse et des Sports. Beaucoup de personnes ont pris la f�cheuse habitude de parler au nom de l�ensemble du mouvement sportif national, il est temps, je pense, de remettre ces gens � leur juste place. Le mouvement sportif national compos� d�hommes et de femmes aussi divers et h�t�rog�ne que possible ne peut mandater une personne pour �tre son porte-parole et a fortiori les techniciens et entra�neurs qui font l�objet d�attaques en r�gle de la part, justement, de ces porte-parole autoproclam�s, afin qu�ils ne puissent �tre repr�sent�s m�me � 30% dans les diff�rentes AG des structures d�animation sportives. Pour revenir � votre question, je pense que nous assistons � la fin d�un cycle qui dure depuis une dizaine d�ann�es, qui a vu l��mergence d�une nouvelle race de dirigeants et de responsables sportifs qui ont su profiter du laxisme des pouvoirs publics au niveau de notre secteur ; l�Etat �tant occup� il est vrai par la lutte contre le terrorisme ; pour investir le mouvement sportif national en ayant comme seul et unique objectif le pouvoir et l�argent. Depuis, le constat fait par l�ensemble de l�opinion publique et l�ensemble de la presse nationale, m�me celle qui critique la politique sportive actuelle, est le suivant : perversion de la morale sportive, politisation outrageuse et outrageante du sport sans parler de l�essentiel, � savoir la d�gradation du niveau g�n�ral des r�sultats sportifs. Cette fin de cycle a �t� signifi�e par les pouvoirs publics � travers la promulgation de la loi 04 /10 du 14 ao�t 2004 par les d�put�s puis � travers le d�cret ex�cutif 405-05 du 17 octobre 2005. En clair, la fin de la r�cr�ation vient d��tre siffl�e et beaucoup de personnes ne peuvent admettre cela. D�o� les convulsions que nous constatons actuellement et que je comprends par ailleurs. De toute fa�on, les choses ne pouvaient durer devant les multiples humiliations que re�oit notre pays dans pratiquement toutes les comp�titions internationales. L. S. : Vous doutez, donc, des d�clarations de d�fense de la d�mocratie, de l��thique et de la morale de la part du pr�sident du COA. M. B. A. : Je prends d'autant moins au s�rieux les proclamations de d�mocratie, d��thique et de respect des lois que le bilan du COA dans ces domaines est absolument accablant : violation � plusieurs fois de l�article 2 / point 10 de la Charte olympique qui interdit �toute utilisation abusive politique ou commerciale, du sport et des athl�tes� sans que le COA ait manifest� la moindre objection. Violation par le pr�sident du COA lui-m�me de la Charte olympique et notamment l�article 6 du chapitre 28 relatif � la �n�cessit� de pr�server le COA de toutes pressions y compris les pressions politiques et �conomiques �. Absence de r�action, voire parfois complicit� lorsque certains pr�sidents de f�d�ration et de club ont �t� par le pass� suspendus par le MJS ; les cas les plus significatifs �tant ceux de l�ex-pr�sident de la F�d�ration de tennis et de l�ex-pr�sident de notre f�d�ration en d�cembre 2001. Absence de r�actions lors d��lections de certaines f�d�rations sportives entach�es d�irr�gularit�s, voire parfois de violation grave des lois alg�riennes. J�aurais aim� voir le pr�sident du COA monter au cr�neau et d�noncer la derni�re assembl�e �lective de la FAA de d�cembre 2004 qui a vu l��lection de l�ex-pr�sident avec 47% des voix du 1er tour alors que la loi alg�rienne exige un score de 50% + 1 voix et donc qu�il fallait organiser un 2e tour entre les deux premiers candidats. M�me notre pr�sident de la R�publique est tenu d��tre �lu avec plus de 50% des voix. Enfin j�aimerais bien voir le COA d�noncer � la FIFA ou au CIO les clubs de football alg�rois qui refusent de se plier aux lois du pays et de la FIFA et d�organiser leurs assembl�es g�n�rales. Voil� un cas flagrant de d�ni de d�mocratie. On peut rester des jours et des jours � �num�rer des cas similaires o� le COA a brill� par son mutisme. Et d�ailleurs je me pose s�rieusement la question de savoir si le COA est bien dans son r�le en essayant de jouer � �Humain Rights Watch�, voire � �Greenpeace�. En fait, on se rend compte que le COA ne monte au cr�neau pour d�fendre la Charte olympique que quand les copains et certains int�r�ts sont touch�s. L. S. : La position des entra�neurs dans le conflit MJS /COA ne rel�ve-t-elle pas du double jeu classique. Vous avez brill� par votre absence, non ? M. B. A. : Franchement, je ne crois pas. D'abord, le poids du COA n'a pas de consistance particuli�re dans la communaut� des entra�neurs et techniciens. Pour nous, le COA est consid�r� comme une agence de voyage. Chaque quatre ann�es, il s�occupe de l�achat des �quipements sportifs et des billets d�avion pour la d�l�gation alg�rienne en vue de la participation aux Jeux olympiques. Quand les r�sultats sont bons, il s�en attribue le m�rite comme cela a �t� le cas � Sydney. Quand, par contre, les r�sultats sont m�diocres comme l�ont �t� ceux d�Ath�nes, il s�en lave les mains en rejetant la responsabilit� sur le MJS et les f�d�rations. Maintenant, il est vrai que nous avons �t� absents du d�bat depuis le d�but de cette situation mais nous n�avons pas ch�m�s, puisque, entre-temps et depuis 3 semaines, nous nous sommes attel�s � pr�parer l�assembl�e g�n�rale constituante de l�Association nationale des entra�neurs alg�riens. Actuellement, nous sommes dans la phase finale de cette initiative et nous comptons regrouper � la mi-novembre plus de 2000 entra�neurs d�l�gu�s des 48 wilayas du pays, toutes disciplines sportives confondues, bien entendu. Les entra�neurs qui veulent se rapprocher de l�association peuvent prendre contact par e-mail aux adresses suivantes : [email protected] ou [email protected] L. S. : C�est encore une association de circonstance qui viendrait au secours du ministre de la Jeunesse et des Sports� M. B. A. : D�abord, je voudrais juste vous faire remarquer que l�actuelle politique sportive n�est pas le fait d�une seule personne, M. Guidoum en l�occurrence, mais d�abord qu�elle est l��manation d�un programme du gouvernement approuv� par la majorit� des repr�sentants du peuple � l�APN, nonobstant l�adh�sion d�une opinion publique d�go�t�e et d�pit�e devant l��tat de d�labrement avanc� du sport alg�rien. De ce fait, l�association en question vient surtout voler au secours du sport en g�n�ral et de la jeunesse en particulier et faire barrage aux fossoyeurs du sport. La �standing ovation�, unique dans l�histoire du mouvement sportif national, faite au ministre lors de la r�ception donn�e par le MJS en l�honneur des meilleurs sportifs et entra�neurs de la saison sportive �coul�e, renseigne sur l��tat d�esprit de la cr�me des athl�tes et des entra�neurs de notre pays quant � la justesse du combat men� pr�sentement par l�Etat alg�rien. Mon sentiment est que le ministre de la Jeunesse et des Sports n�a pas besoin de s�encombrer de notre association pour faire son boulot. Je tient d�ailleurs � rassurer tout le monde, notre association ne dispara�tra pas au lendemain d�un �ventuel remaniement minist�riel mais au contraire fera d�sormais partie du d�cor et sera un passage oblig� et un partenaire d�termin� d�s lors qu�il s�agira de sport et de jeunesse. Quant au r�le de notre association, il sera essentiellement de f�d�rer l�ensemble des entra�neurs alg�riens toutes disciplines confondues autour des missions suivantes : - La valorisation de l�encadreur sportif. - L�instauration d�une v�ritable d�mocratie au sein des diff�rentes structures d�animation du mouvement sportif national (association, ligues et f�d�rations). Cette d�mocratisation passera in�vitablement par une parit� entre les administratifs et les techniciens dans la composition des assembl�es g�n�rales. - La d�politisation de notre secteur afin que notre pays puisse �tre, enfin, en harmonie avec la Charte olympique. - Faire barrage � tous ceux qui se sont auto-intronis�s comme porte-parole du monde sportif. L. S. : A moyen terme, si ce conflit perdure, l�Alg�rie ne risquera- t-elle pas d��tre isol�e, voire suspendue par un certain nombre de f�d�rations internationales ? On pense, bien s�r, au football et � l�athl�tisme. M. B. A. : J'ai du mal � imaginer l�athl�tisme alg�rien suspendu pour la simple raison que les propres statuts de l�IAAF ne lui donnent aucun droit de s�ing�rer dans les relations entre la FAA et les pouvoirs publics. Je juge personnellement le courrier adress� par l�IAAF comme un abus et une ing�rence inacceptable. D�ailleurs, l�athl�tisme marocain, qui a �t� dirig� pendant plus de 4 ans par un directoire d�sign� par le minist�re marocain des Sports, n�a jamais re�u ni de remontrance ni de menaces de suspension. Maintenant, si la crise s'envenimait et que l'IAAF choisissait l'�preuve de force, il faut imaginer que le MJS ou quelques membres de l�assembl�e g�n�rale de notre f�d�ration aillent devant les juridictions internationales comp�tentes, d�abord le TAS puis la Cour de justice mon�gasque conform�ment aux articles 15 et 16 des statuts de l�IAAF. C�est un combat qui m�rite d��tre men� juste pour montrer aux adeptes du droit d�ing�rence des f�d�rations internationales et autres bouchkaras qu�il n�y a pas de fatalit�. Mais on n'en est pas l�, et pour l'instant, le pr�sident de l�IAAF semble au contraire craindre une escalade qui ne servirait s�rement pas ses int�r�ts ni ceux de l�athl�tisme mondial. L. S. : Selon vous, est-on all� trop loin dans la pol�mique pour esp�rer une d�sescalade ? MBA : La position prise par les quelques r�calcitrants quant � l�application des lois de la R�publique consiste � proposer un choix irrationnel aux pouvoirs publics. En substance, les propositions qui sont faites � l�Etat reviennent � dire : �Vous abrogez l�article qui fixe le nombre de mandants � 1, vous abrogez l�article qui permet de pr�voir 30% d�experts et de techniciens dans la composante des AG, vous nous donnez de l�argent, on l�utilise comme bon nous semble, et en plus on ne vous garantit aucun r�sultat sportif au niveau international.� Avouez qu�aucun gouvernement au monde, aussi d�mocratique et lib�ral qu�il puisse �tre, ne peut admettre une telle h�r�sie. Ajoutez � cela que comme c�est une minorit� insignifiante sur le plan du nombre qui exerce un tel chantage, l�issue de ce conflit ne fait donc aucun doute et que force reviendra � la loi. Chacun regagnera son terrain de jeu et celui qui voulait �tre calife � la place du calife devra d�chanter. L. S. : Pourquoi la reprise en main du sport par l�Etat inqui�terait- elle les nouveaux barons du sport, pour reprendre la formule du ministre des Sports, alors que les athl�tes et les entra�neurs � qui seraient, eux, directement sous l�autorit� de l�Etat tout-puissant � ne semblent pas inquiets ? M. B. A. : Les athl�tes et les entra�neurs ne semblent pas autant persuad�s que les barons de la volont� de l�Etat de caporaliser le mouvement sportif. Ces deux principaux producteurs de la performance sportive (athl�tes et entra�neurs) n�ont comme seul souci que celui de pouvoir avoir les moyens n�cessaires pour se pr�parer aux diff�rentes �ch�ances internationales et que l�argent de la pr�paration ne puisse �tre utilis� �par le processus d�mocratique� au bien-�tre des apparatchiks du sport national. Et justement les nouvelles dispositions de la loi permettent aux pouvoirs publics d�exercer un meilleur contr�le de l�utilisation des deniers publics et donc d�avoir une esp�ce de tra�abilit�. Ceux qui ont peur de cette nouvelle politique consid�rent que c'est l'avenir de leur standing de vie, digne parfois d�un rang de ministre, qui se joue (location de villas, factures de t�l�phones portables qui avoisinent parfois les 20 millions de centimes par mois, voiture de service avec chauffeur, et j�en passe) entretenus bien s�r avec l�argent de la pr�paration des athl�tes. Ce qui explique toute cette agitation, bien orchestr�e, il faut l�avouer. Les diff�rents r�seaux d�int�r�ts ont mieux fonctionn� que lors de la remise en cause de la promulgation de la loi, il y a quelques mois. D�ailleurs, tous ceux qui ont lutt� contre certaines dispositions de la loi en question continuent d�activer toute honte bue au sein des structures du mouvement sportif national pour essayer de sauvegarder ce qui peut rester encore comme privil�ges. L. S. : Pas tous, quand m�me� M. Raouraoua d�missionn� � sa mani�re, en ne sollicitant pas un autre mandat au niveau de la FAF. M. B. A. : C�est vrai et c�est tout � son honneur. Ses d�tracteurs comme ses admirateurs lui reconnaissent son honn�tet� lors de son passage � la t�te de la FAA et c�est pour cela qu�il a droit au respect m�me si mes positions et ma conception du sport sont diam�tralement oppos�es aux siennes. M. Raouraoua joue dans un autre registre, qui n�est pas celui de certains qui sont en train de r�fl�chir � d�missionner pour la troisi�me fois de leur poste de pr�sident en moins d�une ann�e. L. S. : �a et l�, des gens s�interrogent sur les tenants et les aboutissants de comportements contradictoires, s�agissant de responsables d�fendant th�oriquement un m�me projet politique. M. B. A. : Chacun perd son latin, et d�aucuns ne comprennent pas cette lev�e de boucliers de la part d�un �responsable meneur�s cens� promouvoir une politique initi�e par sa propre formation politique. Ne serait-ce pas l� des incoh�rences dans un parti politique qui d�teignent sur le mouvement sportif national ? Le mouvement sportif national a-t-il perdu de sa vigilance l�gendaire pour �tre otage de luttes intrapartisanes en pr�vision des prochaines �ch�ances l�gislatives ? La question est pos�e.