Crise en haut lieu ? Je ne sais. Depuis avril 2004, je me m�fie des rutilances politiciennes et pr�f�re laisser ces savantes conclusions aux �rudits de la cour royale, tr�s au fait de l'humeur des chefs de l'arm�e et du DRS, et qui doivent piaffer d'impatience de nous en dire plus. Le fait est pourtant l� : deux ans apr�s la r��lection de Bouteflika, on voit � quoi ressemble une R�publique qui se noie dans une politique antinationale et qu'on tente, au prix de rixes souterraines, de sauver � la fois de la mort et du d�shonneur. Apr�s un premier sauvetage qui, dit-on, fut laborieux, mais qui a quand m�me permis de tuer dans l'�uf une honteuse loi sur les hydrocarbures d�fendue bec et ongles par Abdelaziz Bouteflika et ses plus proches alli�s, voil� qu'il faut jeter une deuxi�me bou�e � nos dignit�s bafou�es par la Charte pour la paix et qui, comme tout projet ch�ri par le pr�sident, s'est transform�e en une d�gradante pantalonnade doubl�e d'une criminelle collusion avec l'int�grisme islamiste. Tout le monde aujourd'hui, parmi les mar�chaux de la "neutralit�" politique r�veill�s � leur responsabilit� nationale comme parmi les nouveaux clercs fra�chement convertis � la pens�e pr�sidentielle, tout le monde convient que ladite charte a donn� un second souffle aux maquis islamistes, qu'elle s'est mu�e en un odieux chantage sur le pays et qu'il est, par cons�quent, temps d'y mettre un terme. Il semble bien qu'on s'y achemine. Au regard des �v�nements de ce riche mois de novembre, les d�cisions essentielles paraissent avoir �t� prises pour en finir avec cette morbide plaisanterie. Les terroristes, qu'on relaxait il y a trois mois � peine, sont de nouveau condamn�s � de lourdes peines de prison par des juges miraculeusement ressuscit�s au devoir de la balance et qu'on devine, les pauvres, ballott�s entre les ordres et les contre-ordres. Leur embarras rappelle celui de la juge Ghezloune Fella du tribunal d'El-Harrach, charg�e le 14 juin 2004, sur instruction sup�rieure, de condamner le directeur du Matinet qui offrait, ce jour-l�, l'image d�solante d'une pi�ce d'�chiquier command�e par des mains invisibles. Mais ne faisons pas la fine bouche. Quand on apprend que la cour de Boumerd�s en est venue, cette semaine, � infliger une peine de vingt ans � un terroriste pour le seul d�lit d'appartenance au GSPC, on se rem�more, avec effroi que cette m�me appartenance ouvrait droit, il y a six mois � peine, � tous les �gards de la R�publique. Il semble donc qu'il n'est non seulement plus question de prolonger les d�lais de la charte mais qu�on a divorc� avec le jeu malsain qui consistait � sournoisement interpr�ter ses dispositions au b�n�fice des terroristes. Un peu partout, des activistes islamistes, d�tenus et promis � la mansu�tude, sont renvoy�s devant le juge et d'autres, rentrant au pays pour �tre blanchis, sont directement conduits de l'a�roport vers la prison. M�me les sordides intrigues qui se nouaient, cet �t�, autour du tr�s curieux s�jour de Rabah K�bir, semblent brutalement avort�es au point que Belkhadem en fut r�duit, lundi dernier, � se renier publiquement et � interdire, � l'insu de son plein gr� comme disent les Guignols, �toute possibilit� du retour � l'activit� politique de tous ceux qui sont impliqu�s dans les affaires de terrorisme�. En septembre dernier, port� par un vent favorable, il promettait pourtant l'inverse � K�bir. Bouteflika enfin d�fait dans sa politique capitularde dite de r�conciliation nationale ? Tout semble l'indiquer. Du moins pour l'instant. Un r�pit bienvenu pour le pays astreint, depuis un an, � un ex�crable chantage politique. Abstenons-nous cependant de trop pavoiser devant un r�veil tardif impos�, avant tout, par une insoutenable r�alit� du terrain : le terrorisme, gr�ce aux maquis reconstitu�s, a repris un peu partout au point que l'arm�e, comme aux premi�res ann�es de la lutte antiterroriste, en est venue � multiplier les grandes op�rations militaires, de Bouira � Naciria, o�, assure-t-on, l'offensive est supervis�e par le commandant de la 1re R�gion militaire en personne. Il e�t �t� pour le moins baroque de persister dans la bienveillance envers un islamisme arm� qui affiche son intransigeance et qui s'est r�organis� pour mieux frapper. De plus, la politique islamiste de Bouteflika vient d'�tre d�savou�e par les principales capitales �trang�res qui s'inqui�tent de la remont�e des attentats en Alg�rie. Si on en croit le quotidien fran�ais Le Monde (�dition du 13 novembre), le GSPC, dont Paris doute qu'il soit en voie d'extinction, constitue actuellement la principale source d'inqui�tude des services fran�ais et devait se trouver au c�ur de la visite de Nicolas Sarkozy � Alger. Parmi les terroristes amnisti�s par la charte figurent, selon les services fran�ais, plusieurs centaines d'anciens, du GIA qui n'ont pas renonc� � frapper les r�gimes alg�rien et fran�ais et dont Paris redoute � pr�sent l'arriv�e clandestine de certains d'entre eux. D'apr�s Le Monde, le GSPC aurait m�me reconstitu� cet �t� une cellule op�rationnelle � Alger, dont la police locale connaissait l'existence fin ao�t et qui serait responsable des deux attentats � la voiture pi�g�e contre les commissariats de R�gha�a et Dergana. Ceci expliquant souvent cela, on retombe sur l'information donn�e lundi par El-Watanet selon laquelle les responsables de la lutte antiterroriste, pr�occup�s par la cellule d'Alger, ont d�cid� de mettre leurs services en �tat d'alerte n�1. Vous saviez, tout le monde savait Bref, le pays bless�, humili�, malmen�, conduit aux pieds de ses bourreaux, semble avoir encore quelques chances d'�chapper au pi�ge du p�tainisme, � la loi de l'islamisme et � l'infamie de l'asservissement. Il �tait temps. Mais quelle terrible le�on de politique ! Et quel terrible coup de boomerang sur la t�te des l�ches et des courtisans : on se d�bat, deux ans et demi apr�s la r��lection de Bouteflika, pour sortir d'une politique suicidaire dont tout le monde, en avril 2004, avait une parfaite connaissance ! Il est vrai, pour reprendre Peter Ustinov, que le courage n'est souvent d� qu'� l'inconscience, alors que la l�chet� s'appuie toujours sur de solides informations. Et qui mieux que les acolytes d'avril 2004 �taient inform�s de tout, eux qui soumettent m�me les malheureux journalistes de l'APS postulant � un poste � l'�tranger, � une minutieuse et d�gradante enqu�te d'un autre �ge ? Vous saviez que le projet de Bouteflika �tait celui-l� m�me dont se d�sole aujourd'hui l'Alg�rie et dont elle cherche d�sesp�r�ment � sortir. Vous saviez. Tout le monde savait. Surtout ceux qui, de Khaled Nezzar � Ali Benflis, en passant par ces anciens maquisards s�duits par le langage de l'argent ou les dorures des strapontins, ont couvert, par leur silence, ce formidable hold-up de la fiert� nationale. L'orgueil s'est dissous dans les affaires et dans le culte de la carri�re. Pendant que se jouait une capitale partie entre le pays et l'islamisme, entre le pays et les mafias, entre le pays et les sangsues, vos voix, messieurs, se sont r�fugi�es dans une honteuse aphonie, occup�es � s'�merveiller des foucades du moment. Deux ans apr�s, la poltronnerie, combin�e � une certaine fa�on de faire de la politique en important des m�dicaments, a failli accoucher d'un malheur national. Devant le nouveau seigneur, l'Alg�rie de Novembre a pitoyablement rivalis� d'obs�quiosit� et de servilit�. Des gloires anciennes troqu�es contre un avenir de verroterie ; des journaux �mascul�s et convertis au vaudou d�magogique ; l'art du baisemain promu sport national; les mamours avec les int�gristes pendant que de jeunes soldats se faisaient trucider � Zbarbar. Devenir une heure, une heure seulement Bill Gates au pays des enfants affam�s. Que chacun retienne alors de cette feuille qui se tourne une nervure, une trace pour l'avenir : ne plus jamais confier notre sort aux professionnels de la poltronnerie, compter sur nous-m�mes, ne plus se laisser s�duire par leurs faux remords ou leurs nouveaux serments. Regardez, au d�part de Bouteflika, ces langues pr�tes � se d�lier et ces intr�pidit�s sur le point de recouvrer leur patrimoine. Que chacun se rappelle alors que le mieux serait de continuer � se taire sur les puissants : s'il y a presque toujours de la flatterie � en dire du bien et du p�ril � en dire du mal pendant qu'ils vivent, il y a toujours de la l�chet� � en parler quand ils sont morts. Une complicit� assassine s'est tiss�e en 2004 sur le dos du pays. Bien s�r, chacun ira de son explication. La l�chet� rend subtil. V�rit� vieille comme le monde. Il y a vingt-cinq si�cles d�j�, Euripide nous enseignait que les ruses et les machinations t�n�breuses ont �t� imagin�es par les hommes pour venir en aide � leur l�chet�. Alors crise en haut lieu ? Non. Les fourbes rattrap�s par leur propre fourberie. N'oublions jamais que les duplicit�s se rejoignent dans une maudite parabole qui s'appelle syst�me, union margouline de deux ennemis que de vulgaires int�r�ts obligent � pactiser, le syst�me, celui qui r�ve de nous embrigader et qui, Dieu que le temps passe vite, nous gouverne depuis 44 ans d�j�. �a suffit, non ? M. B. P.S. / Reporters sans fronti�res organise aujourd'hui la 17e journ�e de soutien aux journalistes emprisonn�s. Il faut savoir que 131 journalistes sont actuellement emprisonn�s dans le monde pour avoir voulu nous informer. Si vous voulez en savoir plus, visitez les prisons des journalistes sur Google Earth. Reporters sans fronti�res a localis� sur Google Earth une dizaine de prisons de journalistes � Cuba, en Chine, au Rwanda, aux Etats-Unis et en Birmanie. Si vous utilisez Google Earth, cliquez sur : http://bbs.keyhole.com/ T�l�chargez et ouvrez le fichier .kmz puis cliquez sur les noms des journalistes dans le menu Lieux de Google Earth.