Incontestable chef de file de la chanson kabyle rythm�e, qui fait le bonheur des f�tards, et battant le record des ventes en ces temps difficiles pour les artistes, r�occupant un espace musical kabyle envahi par le ra�, Sa�d Youcef a aimablement accord� � notre journal le premier entretien de sa prometteuse carri�re, entam�e il y a neuf ans. Avec une rare modestie, il fait le point de son parcours atypique et, partant, de celui accompli par ceux de sa g�n�ration Guerbas, A�t-Hamid et autres Oujrih vou�s aux g�monies par les uns, qui les accusent de faire dans la chanson frelat�e, adul�s par les autres qu�ils plongent dans un univers enthousiaste sur un ton festif et dans un cocktail tonique� Le Soir d�Alg�rie: Qui est Sa�d Youcef ? A quand remonte sa carri�re et comment �value-t-il son cheminement artistique ? Sa�d Youcef : Je suis un jeune Alg�rien profond�ment attach� � ma culture et aux traditions de mon pays tout en �tant ouvert � la modernit� et tr�s r�ceptif � ce qui se passe ailleurs. Mes d�buts dans la chanson remontent � 1998. Je sors en moyenne un album par an. Je suis auteur-compositeur de mes �uvres. Mais tu n�as �t� v�ritablement r�v�l� au public qu�il y a deux ans environ et, de quelle mani�re, puisque ton tube C�est fini t�a valu un succ�s ph�nom�nal en Kabylie ! Je travaille beaucoup et je n�h�site pas � faire ma propre autocritique et � demander l�avis des connaisseurs. Ce qui explique sans nul doute le succ�s de mes deux derniers albums. Une juste cons�cration � mon travail. Paradoxalement, en d�pit de ton �norme succ�s, tu es le moins connu des autres chanteurs car tu n�as fait aucune tourn�e et tu ne te produis pas dans les galas et les f�tes en d�pit des sollicitations. Ce qui t�a m�me valu d��tre donn� pour mort par tes fans qui te v�n�rent� Comment expliques-tu cela ? Il est vrai que je ne chante pas partout. C�est dans ma nature d��tre discret et pas du tout port� sur l�ostentation. Cela n�emp�che pas que mes produits marchent tr�s bien dans le commerce. Ce n�est pas une attitude hautaine envers mes nombreux fans, mais une fa�on de leur montrer � ma mani�re combien je les aime. Cependant, je ferai tout pour les satisfaire � l�avenir en allant vers eux, � faire progressivement de la sc�ne� �a me fait �norm�ment plaisir d�aller vers mes fans quand je les rencontre. A ce propos, comment interpr�tes-tu cette rumeur ? N�est-elle pas loin d��tre fortuite ? Tr�s sinc�rement, je ne sais pas s�il y a une r�elle volont� de nuire � ma carri�re en lan�ant ce bobard mais je dis � mes fans que je suis bel et bien vivant et que je leur r�serve plein de belles surprises car la chanson repr�sente tout pour moi. Les filles qui forment la majorit� de tes fans disent aussi que cela est d� � tes obligations familiales en tant qu�homme mari� ? Tiens ! Je viens d�apprendre que je suis mari�, je ne le savais pas ! (Rire). Je suis c�libataire et mari� avec la chanson � laquelle je me consacre corps et �me. Certains de tes titres subjuguent les jeunes. D�o� puises-tu ton inspiration ? Je chante d�abord ce que moi je ressens. Et � travers moi, c�est tout le quotidien des jeunes et de la soci�t� qui me sert de source d�inspiration. Toucher la sensibilit� des jeunes, c�est une chose, leur faire prendre conscience de leur situation en est une autre. Chose � laquelle je m�attelle en toute modestie. Votre style fait recette dans les f�tes mais il est accus� de porter atteinte au patrimoine l�gu� par les anciens et on le pr�destine � une existence �ph�m�re ... Le seul juge, c�est le public. O� que nous allons nous drainons les foules comblant la grosse br�che ouverte ces derni�res ann�es dans la chanson kabyle avant l�av�nement de notre style qui lui a apport� un plus. La nouvelle g�n�ration que nous incarnons a lib�r� la chanson kabyle de bien des tabous qui l��touffaient. Gr�ce � notre style, la chanson kabyle est pr�sente partout en Alg�rie et on est l� depuis bient�t six ans. Quelle est donc la particularit� de votre style auquel on reproche �galement l�intrusion de mots fran�ais, tout comme le ra� ? Notre style touche tout le monde, il met les gens � l�aise et les d�contracte. C�est aussi une mixture bas�e sur l��nergie et la bonne humeur. En retour, on a un public accro dont on acc�de aux plus tendres d�sirs d��vasion. Tout cela est le r�sultat d�un travail minutieux qui passe par la modernisation de la chanson kabyle depuis sa conception en passant par les arrangements, les rythmes, l�instrumentation� Tout cela dans le respect des traditions et du cachet kabyles. Notre succ�s est aussi le fait d�une grande solidarit� entre chanteurs dits de la nouvelle g�n�ration. On est des amis, on se soutient et se compl�te de la composition au studio. Il nous arrive de faire �uvre commune. Pour l�emprunt de mots �trangers, nous nous inspirons de la langue populaire et de la fr�quence de certains mots-cl�s entr�s dans la langue. Le fran�ais a bien admis des mots d�origine berb�re et arabe dans son lexique. Pourquoi les produits des chanteurs � textes, qui faisaient vibrer les foules, ne marchent-ils pas sur le march� actuellement ? R�gression du public ou inadaptation des chanteurs anciens ? Je respecte beaucoup les anciens et il en sera toujours ainsi. Nous leur devons notre existence. Je conseille d�ailleurs au public d��couter le nouveau style sans n�gliger les anciens chanteurs qui se sont inspir�s des fondateurs de la chanson kabyle. Pour le reste, je dirais que c�est une question d�adaptation aux go�ts des jeunes qui forment l�essentiel du public. Une remarque � m�diter, cependant : quand on aime, on ne compte pas les influences musicales. Des projets� Je pr�pare un VCD et un DVD qui sortiront incessamment aux �ditions Irath. J�ai �galement des projets en France o� je ferai une tourn�e sur sollicitation de mes nombreux fans, d�associations culturelles et d�organisateurs de spectacles. Le mot de la fin ? Beaucoup de d�fis attendent la chanson kabyle qui a besoin de tous ses enfants pour progresser dans le respect des traditions mais aussi en tenant compte de l��volution des choses. Il ne sert donc � rien de s�entred�chirer mais de se compl�ter chacun avec son propre style et sa vision.