La visite en Alg�rie de Azouz Begag, ministre fran�ais d�l�gu� � la Promotion des �galit�s des chances, est rest�e �nigmatique pour beaucoup d�observateurs politiques et de la soci�t� civile. Comment et pourquoi un ministre de la R�publique fran�aise, � deux mois des �lections pr�sidentielles de son pays, est venu rencontrer des enfants � Blida et � Alger, organiser une vente-d�dicace et aussi animer une conf�rence-d�bat, sans un th�me pr�cis. Les personnes qui ont assist� mardi, au Centre culturel fran�ais (CCF), � la conf�rence de M. Begag, ont, en toute certitude, �lucid� cette �nigme. Car, ce n�est pas un ministre fran�ais qu�elles ont d�couvert, mais un Alg�rien, un �migr�, un enfant de �la racaille�, comme les appelaient Sarkozy. Oui ! Les invit�s du CCF ont fait connaissance avec un homme exemplaire. Celui qui a r�ussi �zekkara�. Un enfant de la cit� qui a soulev� des montagnes pour imposer son nom. Un nom qui toutefois n�est pas assimil� � la politique, fort heureusement, mais au savoir et au livre. L�aventure de l��criture chez Azouz Begag a commenc� en 1986, avec la parution de son premier roman le Gone de Cha�ba, adapt� d�ailleurs � l��cran. Cependant, l�aventure de la lecture est n�e beaucoup plus t�t chez cet enfant de la cit�, qui n�a pas choisi de na�tre dans un bidonville de Villeurbanne, dans la r�gion lyonnaise. Originaires de S�tif, les parents de Begag se sont �tablis en France en 1949. Et �a ne serait pas sans surprise que cette famille qui d�barque de l�Alg�rie se joint � des centaines d�autres familles, arriv�es pour les m�mes objectifs : ceux d�offrir � leurs enfants un avenir prosp�re. �Quand j��tais gosse, je ne saisissais pas encore le message de mon p�re, qui � chaque fois, prenait un livre, l�ouvrait et imitait par un geste de ses doigts, l�envol des oiseaux, il nous disait, regardez bien ce livre, c�est lui l�avenir�. A cinq ans, Begag �tait trop jeune pour comprendre. A 50 ans, il prend le temps de transmettre tout ce qu�il a compris de ce message de son d�funt p�re. Car entre ces deux tranches de sa vie, une grande lumi�re a jailli de la vie de l��crivain. Refusant de se soumettre au destin de ses parents, Azouz, le r�volt�, l�enfant infatigable et incorrigible a dessin� son propre chemin. Il d�croche un premier dipl�me, un brevet en �lectronique. Pas suffisant pour ses ambitions, c�est pourquoi il s�acharne sur les �tudes qui se traduisent par un doctorat en �conomie. Seulement, son int�r�t pour les questions identitaires l�emmena � se sp�cialiser dans les sciences sociales, auxquelles il d�voue beaucoup de recherches. �Je voulais tout essayer dans ma vie. Tout explorer. Je voulais r�ussir, pas pour moi, mais pour mes parents�, t�moigne-t-il lors de sa conf�rence qui s�est transform�e en un r�cit de l�enfance douloureuse de l��crivain. Sa m�moire sera grav�e � jamais des souvenirs de ses voyages, chaque �t�, dans son pays d�origine. Des souvenirs qu�il relate avec beaucoup de talent, d�humour et d�amour aussi dans sa derni�re publication Un train pour chez nous, que le hasard a voulu qu�il soit �dit� par une maison d��dition alg�rienne, S�dia Editions, � qui revient l�honneur de la visite du ministre. �Je suis l�enfant de la vague de l�immigration. Je suis l�enfant d�une vague tout simplement �, confie-t-il � ses invit�s. �C�est gr�ce � mes allers-retours entre mes deux pays que j�ai construit mon identit�. Les images de mon enfance sont fondatrices de ce que je suis devenu aujourd�hui�. Emu, les yeux ruisselants, les mains tremblantes, Begag ne pouvait plus retenir ses larmes lorsqu�il s�est replong� dans la mis�re des bidonvilles. Il garde de son enfance les sacrifices de ses parents qui, contre vents et mar�e, revenaient chaque �t� au bled. Car c�est au bled que ses parents deviennent des noms reconnus, et non pas des personnes, des x, comme il l�ont toujours �t� en France. Une seule conviction anime aujourd�hui le ministre d�l�gu� � la Promotion de l��galit� des chances. Ce qu�il a v�cu dans son enfance est similaire � ce que vit aujourd�hui toute la communaut� immigr�e. La s�gr�gation, le regard m�fiant et m�prisant des Fran�ais, les in�galit�s de chances au travail et aux privil�ges sociaux, sont autant de maladies qui intoxiquent la soci�t� fran�aise. Que faire ? l�interroge un invit� du CCF ? �Eh bien qu�ils fassent comme moi. Je ne suis pas arriv� au gouvernement parce que je suis un arabe. Non. C�est gr�ce � mon parcours que je suis l� aujourd�hui et c�est comme �a que j�ai veng� mes parents�, r�pond-il. Azouz Begag nourrit un sentiment de patriotisme chez la communaut� maghr�bine et musulmane de France. Confirmant que l�int�gration se fait par l�engagement politique de cette communaut�, Begag se demande toutefois comment la communaut� � laquelle il appartient n�a �t� revaloris�e par sa soci�t� adoptive que par le ballon. �Les Arabes on les voyait qu�� travers le foot. Il est temps de leur d�montrer que nous sommes capables de faire mieux que beaucoup de Fran�ais, et ce, en s�imposant dans le politique�, a-t-il ajout�. Maniant si bien le verbe, Begag a termin� en disant que la promotion de la lecture sera d�sormais son cheval de bataille. �J�ai toujours dit lisez-moi avant de m��lire�. Il ne quittera pas toutefois son Alg�rie sans exprimer son grand plaisir de d�couvrir un lectorat exceptionnel au milieu des jeunes �coliers. Cette fois-ci, il a pris l�avion pour rentrer chez lui et non pas le train. Pour dire que son identit� ne souffre plus de d�chirure. Elle est construite !