Du 8 au 15 mars, s�est tenue � l�Oref dans le cadre d�Alger capitale de la culture arabe, la 2e �dition du festival �Femmes en cr�ation�, organis�e par le minist�re de la Culture, et � l�occasion du 8 Mars, Journ�e internationale de la femme. Expositions, expositions-ventes, conf�rences, animations, concerts, spectacles, cin�ma et th��tre, ballets, r�citals de po�sie, d�fil�s de mode et chorales ont ponctu� chaque matin�e et chaque apr�s-midi de cette semaine d�une richesse culturelle intense et vari�e. Constantine, Cherchell, Blida, Miliana, Kol�a, Tlemcen, Annaba, S�tif, Alger, Batna et Tizi- Ouzou y ont particip�. Seules Cherchell et Constantine feront l�objet de notre sollicitation, que les autres groupes nous excusent, l�espace imparti � ce reportage ne le permettant pas. CHERCHELL Selon le rite de Sidi Ma�mar �Les amies de Cherchell�, se sont distingu�es par les �uvres d�art, s�culaires pour certaines, repr�sentatives au plus haut point du savoir-faire des femmes de la cit�. Gisantes sous verre, expos�es aux regards admiratifs, belles dormant entre des draps parfum�s de jasmin et de lavande, 5 vestes surann�es de mari�es attestent, pour deux d�entre elles (�g�es de plus de cent ans) du raffinement du mod�le, de l��l�gance de la broderie, de la perfection du point, du design du motif brod� et de la sveltesse et de la taille de gu�pe de l�adolescente de 15 ans qui s�en v�tit le jour de ses �pousailles, il y a de cela 1 si�cle... Le caraco grenat au motif floral somptueux a appartenu, selon la pr�sidence de l�association, Mme Hamdine, � Afifa Hussein, un amour de veste beige aux motifs fetla ottomans � Toma Youcef- Khodja, un autre caraco, noir � paillettes � Zahia Khellaf, le rouge en velours � la famille Hamdine, et le dernier, noir � Mme Rebzani- Roumani. Ces reliques, d�licatement serr�es dans des linges de soie pour �tre rang�s � la fin de la journ�e, attestent, on ne peut mieux, du degr� de raffinement d�une soci�t� s�culaire qui, gr�ce aux apports, andalou d�abord, turc par la suite, s�est enrichie au fil des g�n�rations et des si�cles, au contact des diff�rents flux migratoires et cela dans tous les domaines de la vie sociale, architecture, hammam, ch�chias, p�tisseries, art culinaire turc, et maisons andalouses avec patio et pr�aux. Les ouvrages en broderie � l�aiguille (chbika) et en nabeul et berb�re, laissent pantois. Des motifs g�om�triques courent le long des tissus (coton, lin, m�tis) sans avoir �t� au pr�alable ni dessin�s, ni calqu�s, seule la trame du tissu sert de rep�re. Du grand art. Depuis la nuit des temps, ces citadines pratiquent divers savoir-faire, art culinaire, p�tisseries, confiseries, confitures et broderies en tous genres. Dans chaque demeure, la cha�ne ne s�est jamais rompue, de nouvelles petites mains se sp�cialisent et prennent la rel�ve des m�res. Expos� �galement, le voile blanc �tait jadis diversifi� selon le lieu o� l�on se rendait : faire des courses ? �ha�k zanka�. En hiver ? le Berouali, � rayures soie et laine, ou totalement laine. En �t� ? Soie et rayonne. A une f�te ? Mramma : pure soie, bord� de chbika, ou brod� de Richelieu. Les us et coutumes ont fait l�objet de spectacles d�animation offerts chaque apr�s-midi, ainsi, tour � tour, le public a d�couvert par le biais du m�tier � tisser (le guerguef) tout le c�r�monial du montage et de la pose du m�tier � tisser, la c�r�monie �galement du henn� pour la mari�e cherchelloise, selon le rite de Sidi Ma�mar, le rituel du bain, le pain et les p�tes faits maison, diversifi�s selon les f�tes religieuses ou familiales. Chants religieux, (medh) musique, boqala ont r�uni chaque jour dans une symbiose extraordinaire Constantine et Cherchell belle ambiance, festive et color�e ponctu�e de youyous qui ont �gay� quelque peu l�ambiance froide et morose du maqam, en ce d�but de semaine pluvieuse. Mme Malika Noufi, infatigable, enjou�e, laine de verve et de faconde, figure de proue du vaisseau cherchellois, d�cline les boqalas comme on d�roule un fil de soie, et les jeunes filles alentour s�empressent de jeter leur bague dans le broc plein d�eau pour consulter l�oracle. A chacune d�interpr�ter l��nigme, selon les attentes, et les rires fusent... Jeudi soir, lors de la cl�ture de cette semaine m�morable, les num�ros de portable et les cartes de visite s��changent d�une r�gion � l�autre de notre belle Alg�rie. Cherchell songe � un jumelage avec Constantine et les groupes de ces dames comptent s�inviter mutuellement afin que l�Est et le Centre aillent � la rencontre du patrimoine de l�autre. Belle initiative o� les cultures se c�toient, se d�couvrent, s�emm�lent, trouvent des ressemblances et des dissemblances et gr�ce aux femmes, ces battantes, des arts de vivre continueront � �tre pr�serv�s. Mme Nouar-Hamdine Assia, pr�sidente de l'association culturelle "Les amies de Cherchell" "Des projets, mais pas de sponsors" Le Soir d�Alg�rie : Toutes les Cherchelloises ont r�v� de cr�er cette association vous, vous l�avez fait ! Comment l�id�e a-t-elle germ� et fait son chemin ? Mme Hamdine : Le patrimoine mat�riel et immat�riel de Cherchell est tr�s riche. �tant moi-m�me artisane � j��uvre dans le tricot d�art � je suis sensible aux productions manuelles et artisanales qui existent ici depuis plusieurs g�n�rations et qui se sont transmises de m�re en fille. Pr�server donc ce patrimoine a �t� l�id�e de d�part. Quelles sont les productions typiquement cherchelloises ? La dentelle � l�aiguille (chbika), appel�e aussi randa, la broderie aux �fils compt�s� (nabeul) et la broderie au point de croix (berb�re); autre particularit�, les franges (f�toul), qui agr�mentent les coiffes des mari�es et des personnes �g�es, ainsi que divers v�tements d�apparat. Vous avez cit� le patrimoine immat�riel. Qu�envisage votre association dans ce domaine ? Nous avons un projet qui nous tient toutes � c�ur : celui de faire revivre les chorales f�minines de chants religieux et liturgiques. Les anciennes ont disparu et ne sont plus qu�un vague souvenir. Nos meddahate nous ont quitt�es et notre souci actuel est d�assurer la p�rennit� de cet art par le biais de la rel�ve mise en place actuellement. Comment cela ? Nous avons sillonn� la ville et ses environs, et nous avons enregistr� quelques v�n�rables dames ayant encore en m�moire un r�pertoire. Les voix existent. Nous avons fait appel aux jeunes filles faisant partie des associations musicales andalouses de la ville. Celles-ci vont pouvoir, d�s lors, assurer, la rel�ve. Reste � apprendre � jouer du bendir et du tar. Nous esp�rons donner notre premi�re repr�sentation pour le Ramadhan prochain, au Bastion 23. D�autres aspects de votre programme ? Oui, notre association est en contact avec le Mus�e des arts et des traditions d�Alger (Dar Khedaoudj) pour des expositions et nous comptons recevoir �galement des conf�renciers � la biblioth�que municipale de Cherchell. Votre association n��uvre-t-elle que sur Cherchell intra-muros ? Pas du tout. Nous �tendons nos activit�s aux villages proches avoisinants vers l�ouest, pour atteindre T�n�s qui a les m�mes traditions et les m�mes us et coutumes que Cherchell : Messelmoun, Sidi-Ghiles, Gouraya ; ces villages ont un patrimoine et nous voulons faire la promotion de leurs productions ancestrales. Le mot de la fin ? Bien que nous ayons eu des subventions, cela reste insuffisant. Nous avons des projets, mais sans sponsors et moyens financiers (locaux, t�l�phone, ordinateur, mat�riel, etc.) Nous ne pouvons aller bien loin, m�me pas jusqu�� T�n�s ! Appel est lanc� aux bienfaiteurs pour s�int�resser � ce que nous faisons et s�investir avec nous pour l�association. Pour vos adh�sions : Association culturelle �les amies de Cherchell� rue Abdelhak Cherchell. T�l. : 017 07 78 86 Entretien r�alis� par Nora Sari
CONSTANTINE Balade dans les m�andres de la ville L�association des �Amis du mus�e national Cirta� a particip� � l�exposition �Femmes et cr�ation� par des espaces diversifi�s et riches, retra�ant les �v�nements marquants de la vie quotidienne d�une Constantinoise. La c�r�monie de distillation de fleurs d�oranger et de p�tales de roses, l�espace hammam les tenues vestimentaires anciennes, masculines et f�minines, l�ambre et le bijou, le caf�, l�art culinaire constantinois, et pour le patrimoine oral, les contes et les proverbes. Pour ce faire, cuivres rutilants, ustensiles, tapis, coussins brod�s de fil d�or, vaisselle et alambics de toutes tailles, tr�nent sur les tapis de haute laine, brillent du doux �clat de la patine et dans une savante mise en sc�ne, se donnent la r�plique dans une pi�ce th��trale alg�roise. Mme Habiba Dib, membre de l�association et professeur d�universit�, raconte le rite � accomplir lors des pr�paratifs de la distillation : �On encense la cour ou le jardin, l� o� se fait la distillation : avec de l�ambre et du benjoin, et on pr�pare une tamina avec de la semoule grill�e, du beurre, du miel et des noix. On pr�l�ve une pinc�e pour chaque coin de la maison que l�on saupoudre pour conjurer le mauvais sort ; et une grosse poign�e de sel est tourn�e 7 fois dans un sens et 7 fois dans l�autre, autour de l�alambic puis mise � cr�piter dans le kanoun, pour �loigner le mauvais �il. La distillation peut commencer. Outre les roses et les fleurs du bigaradier, ces dames distillent diverses plantes m�dicinales qui figureront dans la pharmacopie des produits � base de plantes et qui servent � gu�rir de menus bobos, migraines, mal de ventre, naus�es, etc. Ces plantes, � usage curatif sont la lavande (khezama), le jasmin, le pellargonium (�atarcha), l�origan (za�ter), l�armoise (chih), etc. La visite se poursuit avec l�espace �caf�. �Moment privil�gi� que celui de �kahou�te et �asar�, dira Mme Dib. Lieu de rencontre, de convivialit�, pause de l�apr�s-midi et retrouvailles. Les cuivres expos�s vont du gril (hammas) au plateau rond (s�ni). Entre ces deux ustensiles, les interm�diaires de grandes pi�ces rondes de vannerie qui servent � l��pandage du caf� grill� pour stopper sa cuisson, et, curieux, l�instrument qui sert � l��taler et le touiller est... l�omoplate droite d�un mouton ! Pour la baraka. C�est ainsi. Puis interviennent, le moulin, la cafeti�re (briq), l�aspersoir (m�rach) pour l�eau de rose, le sucrier, le r�cipient minuscule pour pr�parer une seule tasse de caf� emmanch� d�un long bras afin d��viter de se br�ler (djezoua), puis la skempla, tr�pied � 2 ou 3 branches servant de r�ceptacle au plateau, en bois sculpt�, incrust� parfois de nacre. Un caf� constantinois sans un jet de fleurs d�oranger serait une h�r�sie... Le bain accueille les visiteurs au d�tour d�une d�dale de ruelles de la m�dina, caract�ris� par ses cuivres, et une recherche vestimentaire faite de luxe et de raffinement. Pour la citadine, jadis confin�e et clo�tr�e dans sa maison, le hammam �tait un espace social. Lieu de rencontres autres que celles familiales ou de voisinage. Les costumes et les objets se devaient d��tre d�apparat. Les cuivres (mahbes, tassa, toffelk, broc) rivalisaient de beaut� et exaltaient l�adresse des dinandiers de l��poque. Cothurnes (kabkab) en bois sculpt�, et incrust� de nacre, peignes en ivoire d�cor�s de fleurs en filigrane d�argent ou d�or, pagnes en soie ray�e de fils d�or �sebba�, malle en osier, tapiss�e de soie rose, agr�ment�e d�un miroir et de poches lat�rales, contenant draps de bain, bonnets (bniqa, meloua) foulard en tulle piqu� d�argent (�abrouq) et les serviettes. Un r�cipient en terre cuite (zeledjia) contient la �medda�, composition de plantes carbonis�es servant � dessiner le harqouss ou la �mouche� sur la joue. Autre particularit� de l�Est alg�rien : l�ambre et les bijoux le contenant. Le grand collier (skhab), arrivant � la taille, et accroch� aux �paules compos� d�ambre et d�or, chaque maison d�tient le secret de sa fabrication, et en fa�onne un pour chaque nouvelle mari�e. Avec la ceinture de louis d�or, les kholkhal aux chevilles et le makiass aux poignets, c�est l�ensemble que se doit de porter chaque dame avec une gandoura constantinoise et de tout l�Est alg�rien. Des d�monstrations sur l�art culinaire constantinois ont �t� propos�es au public sous forme de d�gustation de tamina. La tamina ferkh (� la semoule) tamin�te el moghraf (farine grill�e, moul�e � la cuill�re), z�rir (bl� et pois chiches grill�s) et tbikh (entremet � base de miel et d�amandes). Un costume port� par un mannequin attire l�attention des visiteurs. Il fut port� par l�honorable Monsieur Bensa�di, qui fut le 1er guide de Constantine et est une copie parfaite d�anciens costumes constantinois de l��poque beylicale. Balade dans les m�andres de la vieille citadelle du temps jadis, il plane une odeur d�ambre de musc et de benjoin, les m�nes des anc�tres devaient �tre l� ce jour-l�.