C�est le plus s�rieusement du monde que les journaux nous ont annonc� la semaine derni�re la tenue prochaine d�une conf�rence internationale sur la �th�rapie coranique�. Il n�aurait manqu� qu�un d�tail ou deux pour institutionnaliser l�affaire � notre niveau : 1) Faire valider le th�me par le sommet de la Ligue arabe, en guise de plat de r�sistance en cette p�riode de disette morale et politique. 2) D�l�guer � la conf�rence nos ministres gu�risseurs. Il para�t que nous disposons de v�ritable sp�cialistes de cette nouvelle m�decine, v�ritable pied-de-nez � nos facult�s, cens�es enseigner, entre autres, l�art de soigner. Mieux encore, il aurait fallu proposer que ladite conf�rence se tienne � Alger, en passe de devenir capitale incontest�e de l�industrie des divines prescriptions m�dicales. C�est ici, et nulle part ailleurs, que le Sganarelle de Moli�re aurait d� avoir le bonheur d��tre r�v�l� � lui-m�me. Il aurait �t� entour� des �soins� affectueux de toute une corporation de �m�decins� malgr� nous. Des m�decins qui n�ont pas eu besoin de coups ou d�intimidations pour affirmer leur vocation � transformer les textes sacr�s en officine pharmaceutique. Quoi de plus r�voltant, en effet, que cet acharnement � vider le Saint Coran de sa s�ve spirituelle sous pr�texte de soigner les maladies du corps, au d�triment de ceux de l��me. Je sais, les faux d�vots et les professionnels de la saign�e (sous toutes ses formes) vont r�torquer que �leur� th�rapie est aussi physique que morale. Question : pourquoi ne pratiquent-ils pas sur eux-m�mes cette m�decine miraculeuse ? Nous aurions ainsi l�immense avantage d�esp�rer que la Faucheuse finisse par les r�duire � la portion congrue. Il nous restera alors � soigner les m�decins, les vrais, qui sont issus de nos universit�s. La premi�re prescription sera le r�apprentissage du serment d�Hippocrate, rel�gu� dans l�oubli. Il faudra ensuite leur d�livrer des ordonnances contre la r�signation devant la mort (d�autrui). Il faudra bannir de leurs esprits cette expression-refuge : �Il est entre les mains de Dieu.� Doucement, docteur ! Qui vous dit que j�ai envie d�aller voir ailleurs ? Qui vous dit que la providence est press�e de m�accueillir dans son divin giron ? Vous n�en savez rien. Alors apprenez que la civilisation que vous �tes en train de d�voyer a donn� les plus grands m�decins � l�humanit�. Je dis bien m�decins et non pas charlatans ou gu�risseurs ou encore docteurs en m�decine fuyant devant l�ennemi. Comme le rappelle si bien l�Egyptien Khaled Mountassar dans le magazine Elaph, le Proph�te lui-m�me s�entourait de m�decins, n�ayant jamais pr�tendu l��tre. M�decin lui-m�me, notre ami Khaled Mountassar s�insurge notamment contre le terme de �m�decine proph�tique� invent� par Ibn Al-Qiam. Il rappelle que le Proph�te qui avait parl� des rem�des de son temps et de son si�cle ne nous a jamais demand� de les utiliser jusqu�au jugement dernier. �Comment peut-on alors parler de m�decine proph�tique alors que le principal concern� n��tait pas m�decin�, s�interroge le chroniqueur �gyptien. Khaled Mountassar, qui d�nonce � intervalles r�guliers le �commerce religieux� qui fait fureur en Egypte, cite, � cet �gard, le cas d�un charlatan Khaled Abd-Al-Al qui s�est d�cern� le titre de �douktour�. Ce dernier, titulaire d�un simple dipl�me en �ducation physique, s�adonne � la �m�decine proph�tique � sur les cha�nes satellitaires arabes. �voquant les d�g�ts occasionn�s par les gu�risseurs de tous bords, Khaled Mountassar salue cependant le sursaut des m�decins et des scientifiques d�Egypte. Il nous informe ainsi que des associations de m�decins et de chercheurs ont d�cid� de porter devant la justice et jusqu�au Parlement le probl�me de l�exercice ill�gal de la m�decine. Khaled Mountassar rapporte ainsi les propos d�un m�decin authentique, doubl� d�un th�ologien, Ahmed Chawki Ibrahim qui se dit r�volt� par les facilit�s offertes � ces charlatans. �J�ai vu sur les cha�nes satellitaires beaucoup de spectacles d�hommes se r�clamant de la m�decine, dit-il. Or, il appara�t clairement qu�aucune de ces personnes n�a jamais �tudi� ou approch� la m�decine. Je les ai donc entendues tenir des propos d�notant une ignorance crasse qui pr�te � rire mais aussi � pleurer. Car la majorit� des gens tiennent pour argent comptant ce qu�ils racontent comme mensonges.� Parlant du cas particulier de Khaled Abd-Al-Al, le Dr Chawki Ibrahim d�plore qu�il ait �t� invit� par les t�l�visions. �Ce qui a eu pour effet, dit-il, d�augmenter son audace. La faute en incombe aussi bien aux m�decins d�Egypte qu�aux responsables du minist�re de la Sant�. Ces derniers regardent les Egyptiens se faire gruger par des gens qui n�ont jamais mis les pieds dans une facult� de m�decine et ils ne font rien�. C�est une autre vari�t� de charlatanisme, encore plus insidieuse, qu��voque l�hebdomadaire Rose-al- Youssef, celle des marchands de fetwas. Le journal �num�re la s�rie des �harams� lanc�e sur Internet et qui touche aussi bien � l�apprentissage de l�Anglais qu�aux connexions de femmes sur Internet sans un guide m�le. Ces fetwas, dont la niaiserie le dispute � l�absurdit�, font flor�s sur le Web et ont leurs sites attitr�s. Cependant, Rose-al-Youssef distingue particuli�rement une nouvelle venue sur la �bourse des fetwas �, une certaine �Cheikha Oum Anass�. Cette derni�re met en �vidence sur son site ces deux marques d�identification : �La savante des deux maisons, de la vie et de l�Au-del� et �La ma�tresse des deux temps, celui qui s�est �coul� et celui qui vient�. Outre ces proclamations d�humilit�, Oum Anass a valid� une fetwa originale qui interdit aux femmes de s�asseoir sur une chaise. D�sormais, Mesdames, et � en croire la �Cheikha�, vous serez coupables d�adult�re pour peu que vous laissiez aller � vous reposer sur une chaise ou un fauteuil. Le principal argument pour interdire la chaise est que les premiers musulmans ne l�utilisaient pas et s�asseyaient � m�me le sol. �Si la chaise avait une quelconque utilit�, le Proph�te l�aurait utilis�, dit Oum Anass. Et puis, c�est une cr�ation de l�Occident qui peut d�tourner le musulman de sa foi. Les chaises et autres canap�s peuvent, en effet, entra�ner des sentiments d�admiration � l��gard de l�Occident qui les a fabriqu�s. Or, le bon musulman doit s�interdire tout sentiment d�admiration � l��gard de son ennemi. Sans compter que le fait de s�asseoir � m�me le sol permet l��l�vation vers Dieu.� Ce � quoi la journaliste de Rose-al-Youssef r�plique que le Proph�te n�a jamais utilis� l��lectricit�, l�automobile et m�me l�Internet, alors que la Cheikha doit en user et en abuser. Suivent d�autres arguments propres aux femmes que Rose-al-Youssef s�interdit par pudeur de citer et qui tendent tous � d�montrer qu�il n�y a pas loin de la chaise � la lubricit�. En plus de cette fetwa � l�originalit� incontestable, Oum Anass interdit �galement d�offrir des fleurs naturelles ou artificielles aux malades dans les h�pitaux. Elles n�apportent rien et finissent � la poubelle. C�est encore une imitation aveugle de l�Occident. Enfin, le nec plus ultra de la fetwa, celle-ci : �Il est permis de mentir et de commettre un faux, au service de la nation musulmane et contre les B�ni-Oulmane (les la�cs et plus g�n�ralement les Occidentaux). Par cet �dit, Oum Anass pr�tend manifester son soutien � une pr�cheuse saoudienne, r�cemment convaincue de mensonges et de calomnies. A part �a, tout va tr�s bien dans le monde de �Hadj Ubu�.