Lire ses chroniques est un exercice de routine, mais l�interviewer est un exercice plut�t difficile. Hakim La�lam, le chroniqueur du Soir d�Alg�rie a organis� hier, au si�ge de la F�d�ration internationale des journalistes, une vente-d�dicace de son coffret de chroniques (six volumes de 2001-2006), paru aux �ditions Lazhari Lebter. Nous avons rencontr�, pour la premi�re fois (quoi que nous le croisons tous les jours dans les couloirs de la r�daction), le regard de cet homme qui ne cesse de projeter son regard sur la soci�t�. Des milliers de lecteurs sirotent, tous les matins, leur caf� avec le fumeur de th�. Certains m�me se sont mis � siroter, eux aussi, du th�, pour mieux s�approprier le contenu du �Pousse avec eux�. Hakim La�lam semblait tout aussi g�n� que moi. Quelles r�ponses � quelles questions fallait-il donner ? C�est sans importance. Notre chroniqueur n�est pas un �crivain. C�est lui-m�me qui le dit. Il se veut juste un �producteur d��crits quotidiens�. Pourtant, regrouper chaque volume de ses chroniques constitue � lui seul deux ou trois nuits blanches de lecture. Et une bonne semaine pour les plus fain�ants des lecteurs. D�ailleurs, s�il n��tait pas aussi fain�ant que ces derniers, La�lam aurait d�j� mis en vente un roman, qui est en construction depuis des ann�es mais qui ne trouve pas encore son �pilogue. Le regard du chroniqueur est celui d�un Alg�rien qui porte sa patrie dans l��me. Lorsqu�il a cr�� sa chronique �Le nez et la perte�, �Nif oulakhssara�, au quotidien Libert�, il voulait par l�, afficher son combat face � l�embrasement de la R�publique. �La R�publique �tait en danger et il n��tait pas question de la laisser tomber�, dit-il. Le terrorisme avait mis � feu et � sang le pays et la plume du chroniqueur continuait � saigner des mots d�humour et de d�rision pour d�crire les maux de la soci�t�. �Pousse avec eux� o� �Dez ma�houm� est venu par la suite comme un signe de r�sistance face � un r�gime politique dictateur. En arrivant au pouvoir en 1999, le pr�sident Bouteflika se croyait l�homme de toutes les situations et de toutes les certitudes. Heureusement que les chroniques de Hakim La�lam �taient pr�sentes tous les matins pour rappeler � la soci�t�, en portant son regard sur des faits r�els, hallucinants et parfois indignes d��tre inscrits dans l�histoire d�une R�publique d�mocratique, que les certitudes ne sont pas toujours des faits. D�ailleurs, les personnalit�s politiques sont g�n�ralement les personnages du chroniqueur. Si ces derniers s�imposent presque tous les matins au regard des lecteurs, c�est tout simplement parce qu�ils continuent, selon La�lam, � v�hiculer le mensonge et l�illusion. �Le jour o� ils deviendront s�rieux, je cesserai peut-�tre de me payer leur poire�, fait-il remarquer. � Je ne vous cache pas que les hommes politiques, c�est une bonne client�le. Ils croient que le peuple est sans m�moire. Ils se trompent�, ajoute-t-il. Incorrigible, le fumeur de th� n�a, malgr� les menaces d�emprisonnement qu�il a subies ces derni�res ann�es, jamais cess� de porter son regard aussi loin que la situation qui se pr�sente devant lui le permettait. Sa proximit� avec la soci�t�, sa courtoisie avec ses lecteurs et sa grande qualit� de modestie ont toujours guid� son �il vers le bon sens du regard. Celui du peuple. Son regard, il l�a suivi d�un projecteur. Un appareil photo num�rique qu�il a toujours port� sur lui pour m�moriser chaque enseigne dans les rues, sur les livres et autres institutions, pour les regrouper aujourd�hui dans un ouvrage, qui va �tre bient�t �dit�. Hakim La�lam veut rendre son regard visible. Il le sera peut-�tre par la photo, mais la grande visibilit� est celle que chacun peut acqu�rir gr�ce � la lecture. Le fumeur de th� se dit pr�occup� par le constat qui est fait aujourd�hui dans notre pays concernant la lecture. Ayant encore la fra�cheur du Salon du livre de Paris, auquel il a particip�, Hakim La�lam regrette am�rement la disparition de la culture du livre de la soci�t� alg�rienne. �C�est un drame. Nous ne lisons pas assez et nos librairies se transforment en pizzerias. On est entour�s de mod�les de gastronomie, sans mesurer les d�g�ts sur notre culture. Je me projette avec effroi de ce que sera demain la culture de nos enfants�, constate le chroniqueur dont le r�ve est de construire une maison recouverte de livres. Sa rencontre avec les grandes maisons d��dition fran�aises est pour lui un fantasme assouvi. �Il est si extraordinaire de voir un espace immense consacr� exclusivement au livre. C�est un bonheur, un moment privil�gi� pour tous les amateurs de la lecture�, raconte-t-il avec beaucoup d��motion. Pour ce qui est du r�ve alg�rien, le cauchemar continue. Lors de sa rencontre hier avec ses lecteurs, La�lam fumait encore du th�