Les marches qui ont eu lieu � travers les chefs-lieux de wilaya ressemblent trop � celles commandit�es par le parti unique et ses organisations satellites pour que l�on puisse les consid�rer comme le signe d�un sursaut populaire pouvant r�duire les nuisances du terrorisme. Pire, en se faisant r�cup�rer par le courant islamo-conservateur, ces marches, vid�es de leur contenu, apparaissent comme un large mouvement de soutien aux id�es r�trogrades du gouvernement. Car, enfin, apr�s l�horreur du carnage et la signature claire de ce crime, ne fallait-il pas d�signer les vrais coupables et les livrer � la vindicte populaire ? Au lieu de cela, au lieu d�une condamnation sans �quivoque du terrorisme et de ses sponsors politiques, on s�est empress�, d�une mani�re aussi maladroite que contreproductive, � vouloir apporter une caution suppl�mentaire � la ligne islamo-conservatrice qui a v�cu le 11 avril comme un puissant aveu d��chec ! Sentant la col�re populaire monter et une �claircie sans pareille dans la perception des �v�nements par une large majorit� du peuple, cette ligne r�trograde a voulu renverser la vapeur, en r�cup�rant le l�gitime sentiment de r�probation contre les crimes terroristes et en le transformant en mouvement de soutien � sa morne politique de �r�conciliation nationale� qui s��loigne, peu � peu, des nobles objectifs qui ont accompagn� sa naissance. Nous assistons, ahuris, � une terrible manipulation qui nous replonge, encore une fois, dans les bas calculs politiciens, in�vitables � la veille d�une nouvelle mascarade �lectorale. On est vraiment loin de la fameuse marche de mars 1995 qui avait marqu� un tournant d�cisif, voire capital, dans la lutte anti-int�griste et la sauvegarde de la R�publique. Ce jour-l�, des centaines de milliers de citoyens � dont une majorit� de femmes � prenaient d�assaut les rues de la capitale pour clamer, haut et fort, leur refus du chantage terroriste et leur opposition � ses tuteurs politiques. Ce fut le point de d�part d�une nouvelle r�volution, la seconde en une moiti� de si�cle, o� l��lite r�volutionnaire, ainsi que les forces patriotiques prirent l�engagement de lib�rer le pays des hordes terroristes, en s�appuyant sur la lutte arm�e populaire comme moyen de d�fense de la patrie et de sauvetage de son caract�re r�publicain. Cette nouvelle �pop�e � que la ligne r�trograde essaye d�effacer de notre conscient collectif � eut son lot de h�ros et de martyrs, des noms qui resteront � jamais li�s au sursaut de tout un peuple. La gigantesque marche de mars 1995 �tait un signal fort, une lumi�re sortie du fin fond de la nuit, pour guider une nouvelle g�n�ration de h�ros vers la victoire. Victoire sur le terrorisme, mais aussi sur l�obscurantisme, sur l�islamisme r�trograde qui veut pr�cipiter notre pays dans les gouffres du Moyen-Age ! Mars 1995 a r�veill� l�Alg�rie progressiste en lui rappelant que le terrorisme et ses sponsors politiques n��taient pas une fatalit�. Des dechras isol�es aux grandes villes, des fermes aux centres industriels, des femmes et des hommes ont d�cid� de prendre ou de reprendre les armes pour d�fendre leur honneur et leur dignit�. Cette nouvelle r�volution, ses hauts faits d�armes, ses h�ros et ses martyrs sont superbement ignor�s aujourd�hui, victimes de l�oubli orchestr� par le courant islamo-conservateur qui brillait par son absence le 22 mars 1995 ! Lors de cette marche, nous n�avions pas vu les grands dirigeants des partis islamistes et conservateurs ! Nous avions vu, par contre, Abdelhak Benhamouda et Khalida Toumi. Le premier est tomb� en h�ros. La seconde est tomb�e dans les griffes de l�islamisme ! La r�conciliation nationale nous �tait pr�sent�e comme une tentative s�rieuse de fermer les pages d�une �poque tumultueuse, en inscrivant clairement et d�une mani�re d�finitive, la victoire de la R�publique sur ses ennemis, en r�habilitant la m�moire des martyrs de la cause r�publicaine et en jugeant �quitablement les terroristes auteurs de crimes. A relire les discours du pr�sident de la R�publique, prononc�s lors de la campagne pour le r�f�rendum de septembre 2005, on notera des prises de position in�dites qui feront �crire � certains �ditorialistes que M. Bouteflika �tait devenu un �radicateur convaincu. Etait-ce une ruse pour faire passer la �r�conciliation �, alors mal vue par certaines franges de la soci�t� � et notamment les familles victimes du terrorisme � ainsi que par les forces qui ont men� la lutte anti-terroriste, ou alors �tait-ce la vraie vision du pr�sident de la R�publique qui, apr�s 6 ann�es de pouvoir, venait de comprendre les pulsations profondes de la soci�t� ? En tout �tat de cause, ce que l�on peut dire aujourd�hui est que ces principes nobles qui ont accompagn� l�annonce de la politique de �r�conciliation nationale� ont �t�, peu � peu, vid�s de leur sens par les tenants du courant islamo-conservateur ! Cela se faisait-il avec l�accord du pr�sident ou �tait-ce sa maladie qui avait laiss� le champ libre aux obscurantistes qui m�nent actuellement le pays � la d�rive et sont, en partie, responsables du retour du terrorisme � un niveau jamais atteint auparavant ? Etait-il d�accord pour que la �r�conciliation nationale� se transforme en un long et in�luctable glissement vers l�islamisme absolu qui est en train de s�installer dans la soci�t� ? Le recul de la vraie soci�t� civile, et principalement des milieux d�mocrates et r�publicains, est aussi, en partie, responsable de cette chute en enfer. Il est vrai que beaucoup de familles, exasp�r�es par les coups port�s � la modernit�, ont choisi l�exil, r�duisant notre capacit� � nous organiser et � former un large front uni contre la b�tise int�griste. Mais, il y a aussi pire : certains intellectuels et cadres qui constituaient des �l�ments actifs de la soci�t� civile �d�mocrate�, ont �t� gagn�s par la fi�vre de la course au tr�sor, immense tombola sponsoris�e par Khalifa et consorts et o� les joueurs gagnaient � tous les coups. Mais, � quel prix ? En changeant simplement de veste, en acceptant de courber la t�te, en devenant un corrompu de plus dans cette immense caste de larbins et de l�ches qui sera, un jour ou l�autre, condamn�e par l�histoire. Au lieu de d�fendre la R�publique, comme ils le faisaient auparavant, ces nouveaux riches se sont mis � d�fendre leurs propres int�r�ts ! Ils ne voient plus de mal � tol�rer l�islamisme, et m�me � le servir ! Le tout sur fond de durcissement du pouvoir et de restriction des libert�s publiques, dans un climat g�n�ral d�opportunisme et de d�lation qui fera bien du mal aux anciens supporters du candidat malheureux Ali Benflis. D�sormais, Belkhadem et Soltani donneront libre cours � leurs app�tences, transformant, dans les faits, l�Alg�rie en R�publique islamique. Mais, le retour des actes terroristes majeurs, et bien que r�cup�r� et manipul�, semble sonner le glas de leur politique. Car, poursuivre dans cette voie d�abandon et de capitulation face � l�islamisme, c�est certainement pousser vers plus de pourrissement et, donc, vers plus de risques terroristes. Les attentats du 11 avril sont venus rappeler au pr�sident de la R�publique, ainsi � ceux que l�on appelle les �d�cideurs �, leurs responsabilit�s historiques dans une p�riode cruciale de l�histoire de notre pays. Une pr�cision quand m�me : il ne s�agit pas de renverser des gouvernements ou de mener de nouvelles purges. Il s�agit simplement de rappeler aux tenants de la ligne islamo-conservatrice qu�ils ne respectent plus les r�gles du jeu ; ni les termes de la charte pour la r�conciliation nationale, ni les engagements pris par le chef de l�Etat. Il faut leur rappeler que l�on ne peut venir � bout du terrorisme sans une politique moderne, d�barrass�e de la vision r�trograde et d�une utilisation abusive et sectaire de la religion. Le terrorisme ne sera d�finitivement vaincu que le jour o� l�Alg�rie s�engagera d�finitivement dans une autre voie, celle de l��mancipation, du progr�s, de la modernit� et de la d�mocratie. Lutter contre le terrorisme, c�est lutter contre l�int�grisme. Lutter contre l�int�grisme commence par lib�rer l��cole de la mainmise des fondamentalistes, moderniser la culture et la sortir du charlatanisme et du folklore moyen�geux, c�est donner � la femme les moyens de devenir r�ellement l��gale de l�homme, c�est emp�cher les forces de s�curit� de se transformer en �milices de protection de la vertu�, c�est r�duire le r�le des nouveaux messies de l�internationale int�griste qui n�ont jamais �t� aussi nombreux � circuler chez nous ; c�est, en clair, faire comprendre aux gens que nous sommes en 2007 et non en l�an 1000 !