Avec son livre sur Amirouche, Sadi a tent� un baroud d�honneur. Les jeunes g�n�rations et les moudjahidine, d�senchant�s aussi bien par les luttes de l'�t� 1962 que par les �volutions actuelles, avaient esp�r� des r�ponses � leurs interrogations. Beaucoup resteront frustr�s d'une r�appropriation sereine de l'Histoire, d'un consensus sur l'identit� nationale et d'une critique cons�quente du boum�di�nisme permettant d'envisager un v�ritable pacte d�mocratique. Pourtant, ils existent ces historiens demeurant des chercheurs sinc�res et ces authentiques combattants qui bataillent pour r�unir une m�moire dispers�e, pi�tin�e et instrumentalis�e par les pouvoirs successifs. Leurs efforts de transmission demeurent indispensables pour renouer avec l'avenir. Tout en alimentant la pol�mique, Sadi feint, maintenant, de d�plorer la profusion des interventions autour de sa biographie du chef de la Wilaya III. Face � ses contradicteurs, de quel bord politique ou de quelle r�gion d�Alg�rie soient-ils, il temp�te, louvoie et sombre dans l�indignit� politique. Entre autres, il n�aura pas �t� en �tat de r�futer les erreurs de fond et de d�marche que je lui signale dans un texte publi� par Le Soir d�Alg�rie. En laissant croire que c'est sur deux bilans du boumedi�nisme que nous nous opposons � il en dresse un globalement n�gatif en sugg�rant que j'en ferais un positif �, Sadi voudrait �clipser le fait que nous avons deux visions de l'Histoire et que je critique Boumediene d'un point de vue diff�rent, tant philosophique, politique que socio�conomique. En pragmatique frisant l'opportunisme, Sadi accorde une grande importance au hasard, � la contingence, � l'exp�rience, ce qui est �tonnant de la part d�un scientifique doubl� d�un responsable politique national. M'inscrivant dans une conception bas�e sur l'universalisme, je m�int�resse � la signification historique des actes des protagonistes de l'Histoire plut�t qu�� leurs motifs. Au lieu d'approfondir ce d�bat, Sadi me reproche de l�attaquer. Mais sous pr�texte de juger Boumediene, n�est-ce pas lui qui se fourvoie en accablant la gauche alg�rienne? Geste plut�t ingrat, car les militants du PAGS se sont mobilis�s sans aucune arri�re-pens�e, contribuant � ce qu�il passe ses examens quand il �tait en prison. Sadi r�v�le un projet d�mocratique amput� d'une dimension �thique, ainsi qu'une conception de la lutte o� s�entrem�lent calculs politiques et ambitions personnelles. Toute critique de ses id�es lui appara�t comme une attaque personnelle donnant lieu � des r�ponses personnelles. Dans sa r�action � ma contribution, il n'est plus question d'Amirouche, ou si peu, ni d'�criture de l'Histoire. On est dans la chicane politique et Sadi m�affuble aussit�t du qualificatif de �totalitaire�. Il explique que c�est certainement parce que je n�ai pas lu Soljenitsyne. Il n'aura pas � perquisitionner dans ma biblioth�que pour v�rifier les ouvrages qui la composent, certains �tant, peut-�tre, destin�s � �tre br�l�s si notre courrouc� pr�sident du Rassemblement pour la culture et la d�mocratie en avait un jour les moyens. L�auteur de L�archipel du goulag ne fait pas partie de mes lectures. Sa d�rive ultranationaliste, son fanatisme religieux et son antis�mitisme t�moignent de l�ambig�it� de la critique qu�il portait au syst�me sovi�tique. Son attachement � l�autoritarisme lui vaudra d'ailleurs d'�tre d�cor� par un ancien officier du KGB, Vladimir Poutine. Voyons comment Sa�d Sadi et Lahouari Addi � qui le rejoint en me qualifiant d��utopiste totalitaire � � se laissent aller � la m�me pente, si peu d�mocratique, de la diabolisation. Le takfir n�est-il pas une m�thode d�testable qui vise � refuser le droit � la critique publique, � un d�bat entre d�mocrates ? Voudrait-on intimider le lecteur en �ructant des paroles redoutables ou l�exhorter par des oukases? Mais aucun Alg�rien n�a jamais �voqu� ma responsabilit� dans un assassinat politique. Je n'ai pas jet� un mouvement culturel dans un cercueil pour en faire le berceau d�un parti devenu ma propri�t� priv�e. Je n�ai pas poursuivi devant les tribunaux un adversaire politique, ni jamais prononc� d�exclusion ou liquid� des rivaux pouvant pr�tendre � des responsabilit�s auxquelles je m'accrocherais. Je n�ai jamais r�uni de conseil de discipline pour trancher un d�saccord politique. Il n�est pas s�r que Sa�d Sadi puisse en dire autant, mais c'est moi qu'il traite de �stalinien �. Quant � Lahouari Addi, le totalitarisme islamiste qu'il voulait �ins�rer dans les institutions� parce que �c'est un moindre mal�, ce n�est plus une utopie depuis longtemps. Il ne le fut que pour ceux qui feignaient de ne pas entendre les propos du GIA parus dans El-Ansar: �Le monde doit savoir que toutes les tueries, les massacres, les incendies, les d�placements de population, les enl�vements de femmes sont une offrande � Dieu� l�opinion de la majorit� n�est pas r�f�rence de v�rit�. Seul Dieu est apte � nous montrer la bonne voie, celle qui m�ne � la justice.� C�est au nom de cette conception que Tahar Djaout a �t� assassin�. Un crime revendiqu� par l�un des amis du sociologue. Libre � Sadi de s�y lier � son tour. D'ailleurs, d�s 2007, il accueillait un des chefs du parti des assassins dans un meeting et acceptait la r�habilitation de son organisation. Tentant de masquer la nature r�elle de ses amiti�s, Addi ne peut pourtant pas r�aliser un tour de passe-passe s�mantique pour faire croire que �les opposants au Contrat de Rome se sont r�f�r�s au mot char�i, traduction arabe du terme �l�gal� alors que le projet islamiste n'aurait rien eu � voir avec la chari�a. Le programme des th�ocrates �tait pr�cis : �Ce qui est charia est loi, ce qui n�est pas chariaest mensonge et injustice.� En juin 1991, convaincu que le gouvernement des hommes n'est l�gitime que s'il se conforme au Coran, le parti des assassins faisait d'ailleurs d�filer ses troupes au mot d'ordre �ni Charte ni Constitution�. Enfin, en ce qui concerne �la comp�tition d�mocratique � dont Lahouari Addi se pr�vaut c'est, parfois, � force d'amalgames, une forme d'endoctrinement subtil qui se r�v�le aussi ali�nante et porteuse de violences que le totalitarisme qu�il pr�tend d�noncer. L�exemple irakien est l� pour nous convaincre que les mensonges et le seul march�, aussi �r�volutionnaires� soient-ils, apportent souvent plus d'instabilit� politique et d�in�galit�s sociales que de lendemains d�mocratiques. Sadi et Addi d�battent de mani�re d�plorable. Cette fa�on a une origine et un nom : la pens�e unique. Toute pens�e autre que la leur est insidieusement suspect�e comme totalitaire ou r�duite � une �rupture d'intelligence�. C'est pourquoi ils ne r�pondent pas � mes raisonnements. Contrairement � ce que veut faire croire le suffisant professeur Addi, le d�bat, comme toute forme de confrontation, peut ne pas �tre d�mocratique. Vide d�arguments mais plein d�intentions grossi�res, il n�est que pur proc�d� rh�torique, charriant slogans, mis�re intellectuelle et univocit� du point de vue. A ce propos, m�me si cela agace le dirigeant du RCD, qui croit que j��cris avec un dictionnaire de citations sous la main, je me permettrais de rappeler Michel Foucault qui disait que le savoir pouvait �tre l�instrument d�un pouvoir. C�est l�usage que Lahouari Addi en fait. Plus grave, il semble en �tre rest� � une certaine perversion de la pens�e de Rousseau qui assimilait la conscience politique � une figure sup�rieure de la raison. Devenir citoyen co�nciderait avec la totale expression du bien, de la v�rit� et de la libert�. En France, � l'�poque de la Terreur, certains invoqu�rent cette conception. Cependant, chez notre sociologue, le savoir et la raison peuvent se r�v�ler approximatifs, puisqu�il n�h�site pas � se livrer � une contrefa�on du marxisme et � donner des le�ons de dialectique alors qu�il n�a pas compris que la r�gression ne f�conde que la r�gression. Et, quand le savoir vient � manquer, Addi n�h�site pas � faire valoir l�argument du nombre, celui de Staline qui � se questionnant sur le Vatican � demandait combien de divisions blind�es le pape pouvait aligner. C�est ainsi que le sociologue tente d�invalider mes arguments en m�opposant la faiblesse �lectorale du MDS. Repositionnement politique Sadi et Addi voient, d�confits, la soci�t� se radicaliser et s�orienter � gauche, dans un monde en pleine crise du n�olib�ralisme. Sadi fait alors mine de regretter que les bons communistes soient ou morts (Bachir Hadj Ali, Abdelhamid Benzine) ou � l��tranger (Sadek Hadjer�s). La famille de Bachir Hadj Ali avait d�j� repouss� l�hommage du vice � la vertu, quand le tortionnaire du dirigeant du PCA et du PAGS pr�tendait t�moigner de son respect pour le d�funt. Ne revenons donc pas sur ce proc�d�. En opposant communistes et �n�o-communistes �, Sadi voudrait contrarier des convergences dans la mouvance de gauche. Il incite Hadjer�s � intervenir, non pas sur la base sur laquelle se sont exprim�es les divergences entre deux courants issus du PAGS, � savoir la rupture avec l�islamisme, mais sur l�attachement au communisme. Sadi esp�re faire de Hadjer�s un communiste utile et l�amener � prendre parti en sa faveur, alors que durant l�affrontement avec le terrorisme islamiste ce dernier �tait un r�conciliateur vou� aux g�monies. Nul �tonnement au reniement de Sadi. Il �tait un temps o� le FLN menait la propagande contre la gauche alg�rienne, puis ce f�t l�islamisme terroriste, soutenu par des ministres s�indignant de l�assassinat de policiers qui n��taient pas communistes. Aujourd�hui, Sadi revendique cette t�che. L�anticommunisme a enfin une enseigne d�mocratique, m�me si sur la fa�ade � peine raval�e on per�oit encore les traces de sang laiss�es par les pr�c�dents occupants de la boutique en faillite. En v�rit�, les attaques contre la gauche ont toujours accompagn� la r�pression de toutes les forces d�mocratiques. Si cette �quation est av�r�e avec l�islamisme, elle est toute aussi saisissante sous Boumediene puis Chadli. L�article 120 ne servira pas seulement contre le PAGS. La r�pression du Printemps berb�re comme l�instauration du Code de la famille, dans le sillage d'un vaste mouvement orchestr� par l�Arabie Saoudite, seront d�autres expressions de cette r�gression. Cela se terminera dans le carnage du 5 octobre 1988, en pr�paration duquel le pouvoir avait arr�t� de nombreux militants du PAGS qui subiront la torture, comme des centaines de citoyens quelques jours plus tard. Sadi se d�shonore donc en reprenant les combats du parti unique et du parti des assassins. Il se retrouve d�j� � fustiger toujours plus de segments d�mocratiques puisqu�apr�s ses �amis de la presse� et le Mouvement citoyen, le CCDR n��chappe pas � ses foudres. On comprend mieux les �checs du rassemblement des d�mocrates. Se r�v�le un Sadi aux abois et sans autre perspective strat�gique que de rejoindre ceux qu�il d�non�ait hier. Isol�, il n�a plus ni la confiance des forces avec lesquelles il avait accept� de gouverner ni celle des autres pans d�mocratiques. Sadi esp�re, alors, superposer nature anticommuniste de sa ligne et pseudo-radicalit� d�mocratique, en devenant le plus grand opposant � Boumediene� 32 ans apr�s sa mort. Il se fait passer pour subversif alors que la plus banale conversation de caf� est tout aussi critique que son livre sur Amirouche. Mais tout en jouant au radical, il se charge de rendre leur lucidit� aux �gar�s auxquels il reproche de verser dans l�utopie. Car pour Sadi, l'utopie est une injure. C�est la mont�e du radicalisme dans la soci�t� qui oblige les politiciens comme lui, les hommes de compromis, voire de compromission, � se d�guiser en radicaux. Dans le m�me temps, il r�duit toute lutte autonome � une manipulation des services de s�curit�, le �cabinet noir� qu��voque Lahouari Addi, lequel � d�faut d�accuser la main de l��tranger trouve quand m�me une main coupable, refusant aux Alg�riens l�intelligence du raisonnement. Tous deux semblent plus craindre les forces radicales que les forces conservatrices. Ils ne se rendent pas compte que c�est l� l�origine de leur impuissance politique, car les concessions accord�es aux r�formistes sont toujours d�termin�es par les victoires des radicaux. Sadi cherche � imposer � la soci�t� ses �troitesses, rejetant sur elle la responsabilit� de son propre refus de consid�rer les sources du despotisme et de l�absence de libert�s. Il passe ainsi � c�t� de la n�cessit� d�une d�mocratisation de toutes les institutions. Alors qu�il pr�tend faire la critique du boum�di�nisme, Sadi veut laisser l�ANP telle que l�a forg�e Boumediene : un �l�ment du noyau dur de l�Etat li� aux seuls partis-Etat comme le FLN et le RND. Il refuse que l�ANP devienne transpartisane. Lahouari Addi tente de venir au secours de Sadi incapable d�argumenter. Mais on le sent lui aussi en pleine confusion avec son id�e de �d�politiser l'arm�e� tout en maintenant son caract�re partisan actuel. Alors il rejette l�id�e de la fusion entre l'arm�e, le peuple et l�Etat. C�est la d�finition du totalitarisme, ass�ne-t-il, en agitant l'�pouvantail l�niniste du peuple en armes. Pourtant, le peuple en armes c�est sa victoire contre le colonialisme et celle des patriotes qui ont fait barrage au projet d�Etat th�ocratique. Le peuple en armes, c�est l�arm�e de conscription avec toutes les contradictions d�une soci�t� d�mocratique mais qui a permis et permet aux jeunes Alg�riens de toutes les r�gions et de toutes les classes sociales de se rencontrer, d��changer et pour les plus pauvres de se former, voire d��tre, demain, un creuset des pratiques citoyennes. A l��tranger et au cours de diff�rentes �poques, ce furent aussi bien les r�volutionnaires de 1789 battant les arm�es royalistes, que les communards d�faits en 1871. C�est George Washington et �les dents de la libert� du peuple�, c�est James Madison qui d�clarait que �pour pr�server la libert�, il est essentiel que toute la population enti�re poss�de des armes en tout temps�, c�est Lincoln int�grant les Noirs dans l�arm�e nord-am�ricaine pour combattre le Sud esclavagiste. A cette conception d�mocratique de l�arm�e, Addi semble pr�f�rer le mercenariat. Une arm�e au service de ceux qui paient, comme la vantent les n�olib�raux ? Pourtant, les r�sistances aux plans n�oconservateurs pour le monde arabe sont bien le fait de peuples en armes, en Irak, au Liban, en Palestine. Il est vrai, aussi, que le Fatah, dont se revendique Sadi, a renonc� � la lutte arm�e. Cependant, il n�y a pas que le Hamas qui poursuit dans cette voie. Il ignore ainsi la gauche d�mocratique de Palestine, reproduisant l�-bas son attitude ici, en Alg�rie, o� il a choisi d�accompagner le pouvoir contre l�islamisme au lieu de pr�ner la double rupture avec le syst�me rentier et l�Etat th�ocratique. En pr�tendant rejeter le boum�di�nisme, Sadi tente de propager l�impression qu�il se radicalise. En v�rit�, tout en se livrant � une diversion tapageuse, il marchande avec l�aile la plus r�actionnaire du FLN au pr�texte qu�elle aurait �pris du recul�. Comme d�autres, au nom du rejet du syst�me, justifiaient leur rapprochement avec la r�action islamiste. C�est autour de son aversion de Boumediene et de la gauche que Sadi esp�re conclure un nouveau contrat. Il voudrait ainsi pousser les forces d�mocratiques dans le troupeau sociallib�ral. Bel �chantillon de la mani�re dont Sadi boucle ses affaires politiques. Il ne constitue aucune union ouverte, mais il est pr�t � une r�partition des r�les afin de mystifier l�opinion. Pour montrer qu�il est pr�t � assurer sa part du march�, il prend la d�fense de Djeghaba, cacique du FLN. En proc�dant ainsi Sadi s�est admirablement d�peint lui-m�me : je veux �tre partout. Il tisse des alliances en dehors du gouvernement, y compris avec ceux qu�il pr�tend avoir quitt�s. De son c�t�, Addi, pol�miste empress�, formalise une nouvelle entente entre le RCD et les signataires de San Egidio que Sadi, embarrass�, ne voudrait pas si ostensible. Ne reste � ce dernier que l�esquive molle, en faisant passer pour �intellectuellement sym�triques� ma position et celle d�Addi. Pourquoi Sadi tourne-t-il le dos � une alliance dans laquelle �tait durant l�affrontement avec le terrorisme islamiste ? Parce qu�il prend conscience que cet affrontement est devenu secondaire, que son issue d�pend de la lutte contre un autre adversaire. Soit, mais ceci autorise-t-il des alliances contre-nature ? L�exigence d�mocratique voudrait que non. En fait, Sadi essaie de retourner les nouveaux termes de la contradiction qui traverse l'Alg�rie en associant les forces d�mocratiques les plus radicales, � un homme du pass�, Boumediene. Celui-ci est pr�sent� comme l�incarnation du totalitarisme ou d'une �situation pr�-politique � selon la conception de Lahouari Addi qui ne voit pas que le despotisme, li� � l'existence m�me de l'Etat, au nom duquel pr�tend faire r�gner l'arbitraire, rel�ve au contraire d'une entr�e dans la modernit� politique. Comme hier en Occident, la monarchie absolue avait instaur� la toute puissance de l'Etat et annonc� la possibilit� de r�volutions d�mocratiques ult�rieures. Lahouari Addi refuse de voir que s'il ne peut pas y avoir de d�mocratie sans modernit�, par contre il peut y avoir une modernit� sans d�mocratie. A moins qu'il ne s'agisse pour lui, comme pour Sadi, de s'approprier une forme de radicalit� associ�e � la modernit� en rejetant Boumediene et la gauche dans l'archa�sme. Cette fa�on de faire n�est pas sans rappeler l�islamisme qui s�est pr�sent� comme la force la plus radicalement oppos�e au syst�me alors qu�elle en �tait l�expression paroxystique. Inflexion n�olib�rale S�engageant sur une nouvelle ligne, Sadi assume son anticommunisme et r�affirme son social-d�mocratisme. Il demande � revenir dans la maison paternelle et exprime son d�sir impudent de prendre, tr�s rapidement, tout l'h�ritage. Il frappe � la porte de l�Internationale socialiste gard�e de l�int�rieur par le FFS et devant laquelle piaffe aussi le FLN. En revanche, il semble troubl� de se voir reprocher une forme d�anti-arabisme d�plac�e aupr�s de ses nouveaux amis. Mais s�il y a une d�froque que Sadi refuse d�endosser c�est celle du n�olib�ral. Un homme honteux lorsque Lahouari Addi, n�olib�ral d�complex�, souhaite que les gens puissent �s�enrichir sans autorisation � pendant que d�autres n�ont plus que la harga �sans autorisation �. Quelles sont les caract�ristiques des n�olib�raux alg�riens ? Ils ne sont ni pour l�Etat th�ocratique ni cons�quents dans leur engagement d�mocratique. Ils d�fendent l�islam de leurs a�eux, celui des zaou�as, si ch�res � Bouteflika, et parfois ils plaident et deviennent les avocats des salafistes. Ils hurlent � l��tatisation d�s qu�on parle de r�gulation du march�. Ils r�citent des litanies sur la libert� d�entreprendre quand d�autres pointent les in�galit�s sociales et se soucient de protection des individus et du respect de la plan�te. Les n�olib�raux accepteront la d�mocratie� si d�autres la conqui�rent. Leur progression au sein de la classe politique, les succ�s de certains hommes d�affaires et leur int�gration du discours sur la r�conciliation nationale sont les diff�rents indicateurs des encouragements qui leur sont prodigu�s. Une partie du n�olib�ralisme s�est pratiquement vu attribuer le monopole de l�opposition tol�r�e ou l�gale. Bouteflika voudrait en faire son opposition, sociale-lib�rale et st�rile, apr�s avoir renvoy� dos-�-dos le p�le radical de l�islamisme et le p�le radical de la d�mocratie. Peut-�tre que cette �volution explique pourquoi Sadi a tourn� le dos � la m�moire de son camarade Bacha? Dans la conjoncture actuelle, il faut moins relever le remplacement d�un Zerhouni par Ould Kablia et le resserrement des forces islamo-conservatrices que la recomposition de la classe politique contrariant les aspirations d�mocratiques et sociales. D�o� cette concurrence entre n�olib�raux. Une partie de l�opposition conteste le pouvoir en se pr�sentant comme authentiquement lib�rale, de mani�re frontale pour Lahouari Addi, par la bande pour Sadi. Une autre partie reste � distance des uns et des autres, pr�te � favoriser la r�conciliation et assumer un destin national. Mais les diff�rences entre les factions n�olib�rales sont aussi instables et impr�cises que le sont les divergences � l�int�rieur du courant islamo-conservateur. Cependant, cette diff�renciation qui affecte les forces n�olib�rales accompagne un processus les d�marquant toujours plus de l�aile islamo-conservatrice devenue encombrante face � la radicalit� qui monte. L�ensemble indique l�h�g�monie grandissante des forces n�olib�rales au sein du pouvoir. La question qui se pose donc � ceux qui appellent au changement est : une deuxi�me r�publique doit-elle permettre d�an�antir le despotisme n�olib�ral ou obliger les forces qui dominent le syst�me � partager le pouvoir, � en faire un despotisme ��clair� ? Sadi, comme Addi, est pr�t � se r�signer � la seconde alternative, car r�duire la crise de la nature de l�Etat � une �crise de l�gitimit� c�est accepter de maintenir le caract�re n�olib�ral du syst�me tout en pr�tendant pouvoir lui apporter un suppl�ment de l�gitimit�. Derri�re le d�bat sur la v�rit� historique, il n'y a finalement que le d�bat sur qui d�tient la l�gitimit� historique, pas la remise en cause de son principe m�me. Sadi r�v�le ainsi de mani�re admirable sa parent� profonde avec Bouteflika et le v�ritable caract�re de leur �dispute �, simple querelle d�amoureux� qui ont pass� ensemble �les deux plus belles heures de leur vie�. Certains de ses ministres, plus cons�quents, pr�f�rent, selon sa propre formule �entrer dans l�Histoire plut�t que de poursuivre l�aventure�. Car pendant que Sadi fait des v�ux, des d�clarations, un programme qui reste sur le papier, il ne propose pas les moyens de les voir se r�aliser. La complaisance de Bouteflika vis-�-vis des courants islamo-conservateurs et des rentiers a, quant � elle, assur� le partage � l�amiable du pouvoir et des richesses nationales. Le Code de la famille qui maintient le tutorat, m�me formellement, le moratoire sur la peine de mort, qui n�y renonce pas, ou la chasse aux non-je�neurs sont des signes en direction de ces milieux. Et lorsque le ministre des Affaires religieuses proclame que si les libert�s politiques sont admissibles, la libert� religieuse est interdite, Sadi est coinc�, il ne pourra pas surench�rir. Il ne suffit pas d�aller inaugurer une mosqu�e � Aghrib pour nuancer son engagement la�que d�autrefois et donner des gages de tol�rance... � l'islamisme. D�un autre c�t�, le patriotisme �conomique de Bouteflika c�est une mani�re d'associer, maintenant, le secteur productif au partage des b�n�fices de sa ligne n�olib�rale. Ce n�est pas la remise en cause de cette ligne. Car le capital productif demeure soumis � la domination du capital sp�culatif et les milliards de dollars provenant du p�trole restent plac�s aux USA. Il appara�t donc que du point de vue n�olib�ral et conservateur, les r�formes de Bouteflika sont beaucoup plus �recevables� que celles que propose Sadi. L��volution en cours est une condition et un sympt�me de la coh�sion et du renforcement du camp d�mocratique radical. Car si tout le monde pr�tend vouloir en finir avec la rente et construire un Etat d�mocratique, les partisans de la rupture et du d�veloppement durable doivent contester, sur tous les terrains, en particulier sur celui de la d�mocratie, l�h�g�monie que tentent d�imposer les n�olib�raux. Tout le fond du probl�me de la libert� politique est donc d�expliquer que ce ne sont pas deux mais trois camps qui sont en lice et que seul le camp radical a la force de r�aliser la d�mocratie la plus compl�te. La lutte politique ne porte plus sur la n�cessit� de changer de syst�me, mais sur l��veil, le renforcement, la coh�sion d�un camp radical ind�pendant, libre des sympathies islamo-conservatrices du n�olib�ralisme. Une certaine conception de la d�mocratie se meurt. Elle �tait li�e � une classe politique obsol�te. Une nouvelle conception est en train de grandir, porteuse d�aspirations au changement social et politique profond. Les gr�ves et protestations populaires favorisent de nouvelles d�cantations et le rassemblement des forces radicales, leur pr�paration aux batailles futures. Finalement, s�il est vrai que la pens�e politique de Sadi est morte, Bouteflika s�en �tant empar�e, comme il s�est saisi de la r�conciliation nationale si ch�re � Lahouari Addi, les esp�rances port�es par les moudjahidine du 1er Novembre 1954, les mouvements culturels berb�res, les syndicats autonomes, les mouvements citoyens, les patriotes en armes et les d�mocrates sont, elles, bien vivantes. A Sadi et Addi, il ne reste que le ressentiment. En philosophie, c'est une �cole. Y. T. ����� * Membre du Mouvement d�mocratique et social