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A FONDS PERDUS
La d�possession du secteur public Par Ammar Belhimer [email protected]
Publié dans Le Soir d'Algérie le 03 - 07 - 2007

D�cid�ment , tout porte � croire que �bien public� rimera encore longtemps avec �res nullus � ou �bien sans ma�tre�. Quatre d�crets ex�cutifs r�cents viennent t�moigner de la pr�carit� de la propri�t� publique dans notre pays. Le d�cret ex�cutif n� 07-119 du 23 avril 2007, publi� au Journal officiel du 27 avril de la m�me ann�e, porte cr�ation d�une agence nationale d�interm�diation et de r�gulation fonci�re et fixe ses statuts. D�nomm�e Aniref par abr�viation, l�agence est un EPIC plac� sous tutelle du ministre charg� de la promotion des investissements qui a pour mission la gestion, la promotion, l�interm�diation et la r�gulation fonci�res.
Jusque-l� rien de bien nouveau. La premi�re id�e qui vient � l�esprit est la mise en place d�une structure op�rationnelle destin�e � solutionner l��pineuse question fonci�re qui fait obstacle � la promotion des investissements dans notre pays. Pareil pour l�autre structure attach�e � cette noble finalit� : le d�cret ex�cutif n�07-120 de la m�me date, porte organisation, composition et fonctionnement du comit� d�assistance � la localisation et � la promotion des investissements et de la r�gulation du foncier. Le comit� est charg� de constituer une banque de donn�es de l�offre fonci�re au niveau de la wilaya, d�assister les investisseurs � localiser les terrains d�implantation des projets d�investissement, de proposer la cr�ation de nouvelles zones industrielles ou d�activit�s, etc. Il en est autrement des deux derniers textes. Le d�cret ex�cutif n� 07-121 fixe les conditions et modalit�s de concession et de cession des terrains relevant du domaine priv� de l�Etat destin�s � la r�alisation de projets d�investissement. Les assiettes fonci�res susceptibles de faire l�objet de concession ou de cession dans ce cadre doivent relever du domaine priv� de l�Etat, �chapper � toute affectation ancienne ou en cours � des services publics de l�Etat et �tre situ�es dans des secteurs urbanis�s ou urbanisables. Le plat de consistance est laiss� pour la fin. La colonne vert�brale du nouveau dispositif est constitu�e d�un dernier texte : le d�cret ex�cutif n� 07-122 qui fixe les conditions et modalit�s de gestion des actifs r�siduels des entreprises publiques autonomes et non autonomes dissoutes, des actifs exc�dentaires des entreprises publiques et des actifs disponibles au niveau des zones industrielles. Les actifs �r�siduels� comprennent les biens immeubles des entreprises publiques locales et des entreprises publiques �conomiques dissoutes. La cession ou la location de ces biens �chappe d�sormais aux liquidateurs de ces entreprises dissoutes. Ils sont consign�s par les services des domaines dans le sommier des biens relevant du domaine priv� de l�Etat et non affect�s. La cat�gorie des actifs �exc�dentaires� couvre les terrains des entreprises publiques consid�r�s comme �tant �non objectivement n�cessaires � leurs activit�s�. L�expression recouvre les terrains non exploit�s ou n�ayant re�u aucune destination, les terrains dont l�utilisation ne correspond pas � l�objet social de l�entreprise, etc. La troisi�me cat�gorie (les actifs disponibles au niveau des zones industrielles) couvre les lots de terrain qui sont demeur�s propri�t� de l�organisme propri�taire de ladite zone et qui n�ont pas fait l�objet d�attribution ou qui ont �t� attribu�s mais non encore utilis�s. Ils sont alors r�cup�r�s par l�Etat et leur gestion confi�e � l�agence ci-dessus �voqu�e. On croyait les EPE soumises aux seules lois commerciales qui r�gulent le march� et nombre d�entre elles ont, � juste titre d�ailleurs, pr�f�r� investir leurs exc�dents dans l�acquisition de biens que le temps r�mun�re g�n�ralement mieux que les placements disponibles en banques. D�autres les hypoth�quent pour couvrir des investissements nouveaux. Ces biens sont d�sormais expos�s � une sorte d�expropriation syst�matique qui pourrait marquer un moment important dans la longue trajectoire de la d�possession du secteur public. Peut-on mettre en comp�tition un secteur public constamment d�pec� des fruits de ses r�ussites, l� o� elles existent, et livr� aux convoitises des pr�dateurs successifs ? Il n�est pas dans notre intention ici de pr�ter aux r�dacteurs des textes comment�s la volont� de s�inscrire dans cette voie. N�anmoins, tout dans notre jeune histoire postcoloniale inspire la plus grande vigilance. L�imbroglio de la propri�t� publique semble �tre g�n�tiquement attach� aux d�sordres successifs ayant accompagn� la construction/privatisation de l�Etat-nation dans notre pays. On conviendra que tout a commenc� avec les d�crets des 18 et 22 mars 1963 et la cons�cration de l�insaisissable et arbitraire notion de �biens vacants�. Leur consistance est sans cesse �tendue, d�abord avec un troisi�me d�cret (celui du 9 mai 1963) qui ajoutera � leur liste �les biens mis sous la protection de l�Etat� et issus de la d�possession des Alg�riens eux-m�mes. Ils furent naturellement affect�s � d�autres Alg�riens pour le seul privil�ge qu�ils avaient du fait de leur proximit� avec les sph�res dirigeantes du moment. L�in�vitable retour de balancier des ann�es 1990 r�habilitera les propri�taires originaires dans leurs droits spoli�s. A l�exception de cette parenth�se, la lame de fond qui organise la propri�t� �uvre � transf�rer au profit des d�positaires de l�autorit� de l�Etat les biens qu�eux-m�mes ont d�clar�s �vacants�. Il trouvera une parfaite illustration dans la loi du 7 f�vrier 1981 dont l�aboutissement est connu de tous : elle a carr�ment d�pouill� l�Etat, les collectivit�s locales et les entreprises de leur patrimoine immobilier. M�me les logements de fonction ou d�astreinte n�ont pas �chapp� � l�app�tit vorace des pr�tendants. Les domaines se sont accord� la libert� d��tablir des actes de vente de locaux appartenant aux OPGI, aux collectivit�s locales, entreprises, �tablissements et organismes publics de toute nature juridique. La Commission nationale de r�forme de la justice a relev� les cas les plus aberrants dans la mise en �uvre de la loi de 1981 : �Des entreprises publiques et m�me des h�pitaux ont d�couvert un jour que tel de leurs locaux a �t� vendu par les Domaines. C�est ainsi que l�appartement de fonction situ� dans l�immeuble administratif m�me d�une direction r�gionale de Sonelgaz a �t� vendu par les Domaines de la wilaya du lieu de situation et la vente consacr�e par les juridictions�. Cons�quence : �La loi du 7 f�vrier 1981 a permis au simple citoyen de devenir propri�taire de son logement, mais a permis aussi la constitution de v�ritables patrimoines immobiliers, et vu l�Etat et nombre de collectivit�s et entreprises publiques d�pouill�s de ce qui peut �tre essentiel � leurs activit�s. La d�rive continue puisque la loi est toujours en vigueur.� Une autre loi faite sur mesure pour les pr�dateurs est relative aux biens des �trangers r�sidant en Alg�rie. Le d�cret n� 83-344 du 21 mai 1983 leur exige une autorisation de la wilaya pour pouvoir les vendre. Dans les faits, il ne s�agissait de rien d�autre que de leur mise sous contr�le pour se les approprier ult�rieurement. L�intention pr�datrice des r�dacteurs du texte est d�autant plus flagrante qu�en mati�re contentieuse la partie �trang�re est souvent victime de partialit� et qu�elle pr�f�re faire l��conomie de longues et fastidieuses d�marches. Une partialit� connue des techniciens du droit et souvent rattach�e � un patriotisme primaire qui s�inscrit en porte-�-faux avec les engagements internationaux de l�Etat alg�rien lui-m�me.

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