Des raisons de d�sesp�rer : on en trouve � profusion pendant le Ramadan et � chaque coin de rue. Sans compter les pens�es morbides et les id�es noires qui vous assaillent � travers les m�dias. C�est comme si tous les musulmans du monde s�acharnaient � faire tout le contraire de ce qui est prescrit durant ce mois, dit de pi�t� et de g�n�rosit�. Tout ce monde s��vertue, c�est le cas, � contenter le Malin sous couvert, l�habit faisant le moine, du retour � Dieu. Pendant ce temps, l�autorit� de l�Etat s��tiole sous les assauts que livrent les fondamentalistes � l�ombre des minarets. L�Etat, avec sa police, son arm�e, ses ministres et ses cadres, ne r�ussit pas � contenir la conqu�te de la soci�t� par les tenants du djihad. C�est l�aveu le plus franc et le plus officiel du ministre en charge de nos affaires spirituelles. Et quand on ne peut pas emp�cher la propagation d�un mal, on se pr�pare � vivre avec. A ce rythme et avec cette logique, m�me le virus Ebola trouvera bient�t un foyer hospitalier en Alg�rie. La question qui se pose est de savoir jusqu�o� ira la cohabitation de deux forces apparemment antagoniques au sommet de l�Etat. L�une qui encourage, par d�mission ou par choix d�lib�r�, le fondamentalisme pourvoyeur de terrorisme. L�autre qui m�ne le combat contre l�islamisme arm�, repr�sent� par les cellules combattantes, force de man�uvre de l�islamisme � devanture politique. C�est le dilemme auquel semblent �tre confront�s les hommes qui dans la police, l�arm�e et l�administration s�emploient � contenir le terrorisme arm�. En attendant que la d�ferlante int�griste submerge aussi les derniers r�duits de la r�sistance r�publicaine. Et, comme d�habitude, pour ne pas c�der au d�sespoir, il faut toujours lorgner vers th�oriquement plus malheureux que soi. Il y a des pays qui r�v�lent plus de plaies, en cette p�riode, que durant les autres mois de l�ann�e. Ramadan des divines gr�ces port�es par des discours grandiloquents et que contredit la triste r�alit� quotidienne. C�est durant le mois o� les diables sont cens�s �tre prisonniers que des minorit�s religieuses sont attaqu�es. Vendredi dernier � Alexandrie, la r�gle n�a pas �t� contourn�e : des escarmouches ont mis aux prises des coptes et des musulmans. A l�origine, la bagarre aurait �clat� quand un jeune musulman a demand� � un autre jeune copte ce qu�il allait faire dans un immeuble en compagnie d�une jeune musulmane. Durant le mois o� s�ouvrent les portes du paradis et que se ferment celles de l�enfer, un musulman d�Egypte peut entrer dans un immeuble en compagnie d�une copte mais l�inverse non. C�est la conception de l��galit� entre citoyens, telle que voulue par une Constitution qui privil�gie l�appartenance religieuse et qui donne � la minorit� le droit de brimer et d�opprimer. Notre confr�re Medhat Kellada a r�pertori�, depuis 1978 dans le magazine Elaph, douze attaques contre les coptes, durant le Ramadan, mois des conflits religieux, mois au cours duquel les anges descendent sur terre. Mais l��cart entre la th�orie et la pratique est �norme. C�est le mois de la consommation et non pas de la pi�t�. Le budget de ce seul mois �quivaut au budget d�un semestre ordinaire, note le journaliste. Mois de l�anarchie et de la d�sorganisation de la circulation. Mois des pr�judices caus�s � l��conomie par la fr�n�sie de la consommation aux d�pens de la production. Mois de l�apathie, du repos et du sommeil. Mois des talk-shows et des loisirs. Au sujet des feuilletons du Ramadan, Medhat Kellada rel�ve encore que les atteintes aux coptes y sont devenues cycliques. Il cite quatre feuilletons diffus�s durant le Ramadan et attentatoires � l�honneur des coptes, � savoir : La saison des roses (2001), Qui n�aime pas Fatima ? (2002), J e ne vivrai pas dans le giron de mon p�re (2003), le fil du couteau (2004). La saison des roses avait, en effet, indispos� la communaut� copte parce qu�il mettait en sc�ne une copte, h�tesse de l�air, mari�e avec un musulman, ce qui est toujours le cas. Les musulmans aussi avaient mal r�agi parce que le feuilleton montrait une autre h�tesse de l�air musulmane arrondissant ses fins de mois, en vendant ses charmes lors des escales. Abdelmouti Hedjazi n�avait que ses po�mes pour charmer le public mais il n�a pas �chapp� � la vindicte int�griste. Ses meubles ont �t� mis aux ench�res pour r�gler le montant d�une forte amende � laquelle un tribunal l�avait condamn�. Il �tait poursuivi pour diffamation par le Savonarole local, terreur des �crivains et des po�tes, Abdessabour Chahine. Ce dernier, tel Big Brother, est � l�affut de la moindre parole, du moindre texte qui ne soient pas conformes � l��thique dite islamique. Plaideur enrag�, au nom de sa propre vision de l�Islam, il avait harcel� le penseur Nasr Hamed Abou Zeid pour ses �crits jug�s offensants pour l�Islam. Il avait obtenu un jugement pronon�ant le divorce entre Abou Zeid et sa femme, les contraignant tous deux � s�exiler en Hollande. Un autre Hedjazi risque, lui, de finir �gorg� si on en croit la presse �gyptienne. Celle-ci rapporte, en effet, que des voix s��l�vent de toute l�Egypte pour appliquer � Mohamed Hedjazi le ch�timent r�serv� aux apostats. Ce dernier a proclam� publiquement le mois dernier qu�il abandonnait l�Islam pour devenir chr�tien. Il avait d�, �tre encourag� par les d�clarations du mufti d�Al-Azhar proscrivant la sentence de mort contre les apostats. Cette d�claration qui �quivaut � une fetwa, s�appuyait sur le fameux verset divin qui dit : �Pas de contrainte en religion�. Cependant, des th�ologiens � l�int�rieur d�Al-Azhar m�me et au dehors, se sont mobilis�s pour demander des poursuites contre Mohamed Hedjazi pour apostasie. �En lisant ces informations, je me suis cru revenir cinq si�cles en arri�re, au temps o� on br�lait vives des femmes accus�es de sorcellerie dans le c�l�bre village de Salem en Am�rique. Ou bien encore en Europe lorsque les tribunaux de l�Inquisition catholique en faisaient de m�me avec les �apostats� qu��taient les noncatholiques, chr�tiens, juifs ou musulmans, �crit Fran�ois Vassili, un copte exil� � Washington. Il se rappelle l��poque o� tous les Egyptiens s�accueillaient le matin avec des �sabah al-kheir� ou des �sabah al-foul�. Aujourd�hui, dit-il, j�ouvre les yeux sur ces lignes dans la presse : �Des voix s��l�vent des villes et villages d�Egypte pour demander la condamnation pour apostasie de Mohamed Hedjazi qui a quitt� l�islam pour le christianisme�. Les Egyptiens ont donc oubli� tous leurs probl�mes quotidiens. Ils ont oubli� la soif, la grippe aviaire, l��cole en faillite, l�environnement pollu�, les aliments canc�rig�nes. Ils ont oubli� la corruption, la mis�re, le ch�mage des jeunes. Ils ont donc oubli� tout �a pour demander des poursuites contre un homme qui a abandonn� l�Islam pour le christianisme. Et ils voudraient que l�Etat le tue, constate Fran�ois Vassili avec amertume. Qu�est-ce donc que cette crise existentielle chez un peuple qui pousse des hommes � r�clamer la mort d�un autre homme qui vit au milieu d�eux ? Un homme qui vit, qui a une femme, des enfants, qui leur parle et qui les regarde dans les yeux, tout comme cette femme br�lant sur le b�cher regardait la foule de ses bourreaux�, conclut le journaliste. Comme vous le voyez, il suffit de regarder au bon endroit pour ne pas c�der imm�diatement au d�sespoir mais ce n�est que partie remise, souvenez-vous en !