Comme au th��tre, entre les deux entractes, le rideau tombe et le d�cor change subitement dans les rues d�Alger. Chez les commer�ants, parasols, serviettes de plage et glaci�res ont fait place � toute une panoplie de cartables et de tabliers. L��t� ne jouera pas les prolongations. Cette ann�e, Monsieur ramadan s�invite dans les foyers plus t�t que d�habitude. R�sultat des courses : les Alg�rois ont d� �courter leurs vacances et rentrer dare-dare � la maison afin de se pr�parer � recevoir cet invit� de marque dans les r�gles de l�art. Les m�nag�res ont �pousset�, briqu�, frott� et nettoy� leur �sweet home� de fond en comble, comme nous le confie Amina (54 ans) : �Avec mes filles, on a fait le grand m�nage. On en a m�me profit� pour passer une couche de peinture dans la cuisine. C�est la tradition qui veut qu�on re�oive sidna ramadan dans une maison toute propre.� Sa fille Samah (19 ans) ne semble pas du tout partager le m�me avis. Elle l�ve les yeux au ciel et l�che avec une pointe d'impatience : �Je pense que c�est tout simplement de l�exc�s de z�le. Nous faisons le m�nage tous les jours, alors pourquoi se ruiner la sant� � astiquer les plafonds et les murs � la vielle de ce mois sacr� ? !� Les mendiants en force Comme par magie, une nouvelle escouade de mendiants a pris possession de chaque coin de rue. Une escarcelle entre les mains, ils supplient les passants de faire un geste. C�est le cas de cette mendiante install�e, avec sa petite fille, dans les escaliers reliant la rue Burdeau au boulevard Mohammed V. A la veille du ramadan, les passants semblent plus g�n�reux. Certains riverains rapportent m�me des v�tements et des jouets pour la petite fille. Rush sur la vaisselle Dans tous les march�s, grand rush sur les vendeurs de vaisselle. M�me les vendeurs informels s�y mettent puisqu�une carriole a �t� install�e au beau milieu de la rue Ahmed-Zabana, (rue Hoche). Dans le nouveau centre commercial souterrain de Meissonier (un exparking), la gent f�minine se presse, papillonne et joue des coudes autour des �tals ployant sous le poids des bols, ramequins, assiettes, marmites et autres ustensiles de cuisine. Le jeune vendeur ne sait plus o� donner de la t�te et confirme que la tendance est � l'achat compulsif et au renouvellement de la vaisselle par les ma�tresses de maison. �Nappes, verres � eau et bols de chorba s�arrachent la vedette�, s'�crie-t-il. Comme pour aller dans son sens, une dame choisit 10 bols � chorba � 50 DA pi�ce. �Le ramadan est le bon pr�texte pour remplacer la vaisselle �br�ch�e, sans pour autant faire de grandes folies�, s�exclame-t-elle. �Entre les d�penses des vacances, les nombreux cadeaux de mariage, les frais de la rentr�e scolaire et ceux gargantuesques du ramadan, les budgets sont s�rieusement grev�s !� Sacr� mois ou mois sacr� ? Et c�est vrai que toutes les personnes approch�es se plaignent de la chert� de la vie et des augmentations des prix des fruits, l�gumes et viandes � la veille de ce mois sacr�. Au march� R�da- Houhou (ex-Clauzel), les prix affich�s ont pris l�ascenseur. Tomates : 60 DA, haricots verts : 100 DA, courgettes : 120 DA, poivrons : 100 DA... La palme d�or est remport�e par dame laitue qui joue les starlettes, nous snobant du haut de ses... 150 DA ! De quoi donner le tournis � tous ces p�res et m�res de famille qui arpentent d�sesp�r�ment les all�es du march� ne sachant � quel saint se vouer. Sp�culation, pouvoir d�achat en berne, c�est la m�me partition qui se joue chaque ann�e, � la m�me p�riode, �� chaque ramadan, c�est la m�me rengaine �. �Les commer�ants font leur beurre, raclant le fond de notre maigre porte-monnaie devant l�indiff�rence des pouvoirs publics�, s��crie un monsieur. Et d�ajouter : �J�ai 59 ans, et je n�ai jamais vu la laitue se vendre � 150 DA le kilo. Et le pire, c�est qu�il y a des gens qui l�ach�tent. C�est tout simplement ind�cent !� Cigale ou fourmi ? Les plus malins ont pris les devants, congelant poivrons, haricots verts et tomates lorsque les prix �taient encore raisonnables. Pendant que certains faisaient bronzette, Salima (48 ans), m�re de famille, a pass� des heures devant ses fourneaux durant tout le mois de juillet, �J�y est consacr� tout mon cong�, nous dit-t-elle. M�me les boureks sont pr�ts. Avec la reprise du boulot, j�aurai tr�s peu de temps � consacrer � la cuisine durant le ramadan. � Incontournables fruits secs Grande tension �galement chez les commer�ants de fruits secs. Les grands sacs remplis d�amandes, cacahu�tes, pistaches, noix de cajou, noisettes... diminuent � vue d��il. �Je pr�pare moi-m�me le qalb ellouz et autres sucreries genre qta�ef, m�hancha et khobz toun�s�, nous confie cette m�re de famille s�approvisionnant chez l�un de ces commer�ants. Du monde aussi chez les vendeurs de raisins, pruneaux et abricots secs. Les incontournables l�ham lahlou et couscous b�zbib sont au programme de tous les foyers. Le fric (bl� concass�) 200 DA et le vermicelle sont �coul�s � vitesse grand V. Pas moins de 30 chorbas ou h�rira par famille sont au menu. L�occasion fait le larron Ramadan, rentr�e scolaire, A�d, conjugu�s en m�me temps, ces trois �v�nements donnent des cheveux blancs aux chefs de famille. Un v�ritable casse-t�te chinois pour les petites bourses qui ne savent plus sur quel pied danser. Quant aux commer�ants, ils se frottent les mains s�adonnant � leur jeu pr�f�r� : la sp�culation, l�occasion faisant le larron ! N�emp�che que d�aucuns auront sans doute remarqu� des comportements insolites qui nous laissent sur le derche. Des clients se plaignent de ne pas pouvoir joindre les deux bouts, ach�tent � tour de bras des aliments qui finiront probablement au fond des poubelles. Des tonnes de baguettes de pain, fruits, viandes et nourritures sont ainsi gaspill�es � chaque ramadan. Motif : les yeux plus gros que le ventre. Des folies qui font le bonheur des sp�culateurs et qui obligent ces m�mes p�res de famille � serrer la ceinture ensuite pour payer leurs dettes. Il faut savoir garder raison et ne pas c�der aux chants des sir�nes. A bon entendeur, salut !