Tr�s important colloque qu'a organis� l'ONG Transparence International France le 21 septembre dernier, en partenariat avec l'Aderse (Association pour le d�veloppement de l'enseignement et de la recherche sur la responsabilit� sociale de l'Entreprise), le Cercle d��thique des affaires, l'Orse (Observatoire sur la responsabilit� soci�tale des entreprises) et Secure Finance, et avec le soutien du grand bureau d'�tudes international PriceWatersHouseCoopers. Important par le th�me central, �Agir contre la corruption/Quels droits pour les victimes ?�, par la qualit� des communiquants et la tr�s large diversit� des participants (toutes les grandes institutions de la R�publique �taient repr�sent�es, les grandes banques, des multinationales, magistrats, universitaires, chercheurs, ONG, Organismes internationaux, experts du risque et d�ontologues d'entreprises, patronat, etc). Une des particularit�s du th�me est qu'il est nouveau, tr�s peu abord�, complexe, suscitant nombre de questionnements, toujours absent dans les l�gislations de lutte contre la corruption et les codes qui r�gissent la justice. Les organisateurs ont d'ailleurs bien fait de rappeler dans la pr�sentation de leur colloque que la corruption �tant par d�finition une atteinte � l�int�grit� de la vie publique et au bon fonctionnement du march�, les autorit�s publiques sont au premier rang responsables de la d�tection et de la r�pression des d�lits et autres infractions qui en r�sultent. N�anmoins, bien souvent, leur action demeure largement en de�� de ce que l�on peut d�cemment esp�rer. Et de s'interroger sur les raisons de ce d�ficit. Manque de ressources ? Insuffisance de la volont� politique ? Blocage des institutions ? Face � cette situation, quelle sera alors la place de l�action citoyenne dans la d�tection des victimes de la corruption, dans le soutien � leurs droits ? L�objectif de ce colloque, ont-ils soulign�, est que, tout en reconnaissant la difficult� inh�rente � l�appr�hension des faits de corruption, l'on parvienne n�anmoins � identifier des cat�gories de victimes. En principe, toute personne qui constate une atteinte imminente ou r�alis�e � l�int�grit� des institutions ou des personnes doit en avertir les autorit�s judiciaires. Mais pour les simples d�lits (dont la corruption), la loi ne l�y oblige pas et le contexte social souvent l�en dissuade. La protection lui est souvent refus�e et les t�moins, tout comme les victimes de la corruption, courent le danger d�ajouter � leur tourment le risque de devoir subir des mesures de r�torsion, tout en ne disposant pas de moyens suffisants pour d�fendre leur droit fondamental � l�int�grit�. Nature du pr�judice subi et moyens d'action D�finir les victimes de la corruption et en �tablir une typologie peut contribuer � l�objectif de r�tablir une situation plus �quitable, en donnant une �voix� aux victimes de la corruption pour les encourager � s�organiser et � se d�fendre, � nos institutions, les moyens de faire reculer le fl�au de la corruption ; et enfin, aux acteurs, une incitation accrue � agir dans la transparence et la responsabilit�. Le colloque, pendant plus de 5 heures tr�s denses, a organis� sa r�flexion autour de trois tables rondes : chercher d�abord � cerner les diverses situations de corruption et � identifier les cat�gories de personnes et d�organisations qui se trouvent l�s�es. Ayant d�fini le fait g�n�rateur et le lien de causalit�, des communicants ont essay� de d�crire le pr�judice subi. Compte tenu des situations particuli�res auxquelles sont confront�es les victimes de la corruption, les participants ont tent� d'apporter des r�ponses � une s�rie de questions. Quels peuvent �tre les moyens et les modes d�action de ces derni�res : action individuelle, action collective ? Peuvent-elles se porter partie civile, peuvent-elles porter plainte en r�paration ? Comment �valuer, le cas �ch�ant, le montant des dommages et qui doit en percevoir la �r�paration� ? Comment celui qui est de bonne foi et d�nonce publiquement des irr�gularit�s peut-il �chapper aux actions de r�torsion, aux menaces de sanctions ? Est-il possible d�agir aupr�s des pouvoirs publics pour d�clencher une action pr�ventive ou doit-on se contenter de l�action r�pressive ? Les associations, les syndicats, les organisations de la soci�t� civile et autres forces de pression peuvent-elles se substituer aux victimes pour faire valoir leurs droits ? Des dommages punitifs peuventils �tre demand�s lorsque la restitution devient impossible ? Quels enseignements peut-on tirer des actions collectives qui sont engag�es en mati�re sociale, environnementale, dans le droit de la concurrence et celui de la protection des consommateurs ? En mati�re de corruption, les ONG peuvent-elles assumer la charge de d�fendre les droits des victimes ? Quels seraient alors les risques et les cons�quences de telles actions, compte tenu des ressources financi�res et humaines dont elles peuvent disposer ? La n�cessaire d�mocratie participative Qui mieux qu'un magistrat de carri�re pour faire l'entr�e en mati�re d�un caract�re g�n�ral ? Guy Canevet, magistrat de formation, membre du Conseil constitutionnel et premier pr�sident honoraire de la Cour de cassation, s'est vu confier cette t�che. Il commencera d'abord par s'interroger sur le projet actuel du gouvernement fran�ais de d�p�naliser les affaires, projet tr�s controvers�. Il �voquera l'existence de corruption dans la justice et la n�cessit� de former les magistrats � la lutte contre la corruption. Il consid�re qu'il est essentiel, revenant au th�me de la rencontre, de renforcer le r�le des victimes dans la lutte contre la corruption et de se poser la question de l'efficacit� des dispositifs publics dans ce combat. Pour Guy Canevet, il faut qu'il y ait d'abord plus de d�mocratie participative et qu'il y ait la transparence des organes publics, ces derniers devant davantage s'ouvrir, se faire conna�tre et informer l'opinion publique. Et de se poser les questions suivantes : quelles sont les victimes de la corruption ? Victimes directes ? Par ricochet ou collectives ? Le pr�judice est-il direct ou contre la collectivit� ? Quels types de corruption pour quelles cat�gories de victimes ? Et de pousser plus loin le questionnement : un corrompu ou un corrupteur peut-il devenir victime s'il intente une action judiciaire, mais sans obtenir restitution ou r�paration ? Il consid�re par ailleurs, � propos du �pacte de corruption�, qu'il faut agir en rompant ce pacte, notamment en mettant en place des politiques de cl�mence ou de repenti. Quels sont les pr�judices pour les victimes de la corruption ? Guy Canevet r�pond que dans la loi fran�aise, seules les victimes directes peuvent obtenir r�paration. Mais il y a, ajoute-t-il, une exception qui a fait jurisprudence : la perte d'un march� public par un soumissionnaire, alors que dans l'attribution de ce march�, il y a eu corruption. Quelle incitation vis-�-vis de la victime ? Il faut qu'il y ait des dommages punitifs, notamment par une r�paration qui va au-del� du pr�judice et qui int�gre l'importance des risques pris, insiste le conf�rencier. La restitution des fonds vers�s de mani�re illicite fait partie du processus de r�paration g�n�rale. La victime, moteur central de la lutte contre la corruption Quant aux moyens d'action pour la victime, Guy Canevet en �num�re quelques-uns : protection � lui accorder et lui donner un soutien pendant toute la proc�dure judiciaire. Il faut aussi donner la possibilit� aux victimes de se r�unir pour mener une action collective � unir les moyens et partager les risques �, mais pour quels pr�judices ? Collectifs ? Dans le prolongement de cette r�flexion et de ce questionnement, l'intervenant pr�cise qu'il faut investir les associations pour qu'elles agissent au nom des victimes. Au niveau de la justice, il est indispensable de d�signer un procureur ind�pendant pour garantir le droit des victimes par rapport � l'action p�nale entreprise. Pour Guy Canevet, il faut faire de la victime le moteur central de la lutte contre la corruption, repenser sa place et lui donner les moyens d'agir. Il annonce qu'il existe en France un projet de cr�ation d'un juge des victimes. Une s�rie de communications suivra l'expos� de Guy Canevet, traitant des droits des victimes de la corruption (aspects positifs introduits par la Convention des Nations unies contre la corruption), victimes avec preuves ou sans preuves, ou victimes qui s'ignorent, le plus souvent ce sont des victimes indirectes. D'o� la n�cessit� de la formation des citoyens � la lutte contre la corruption. Philippe Mettoux, conseiller d'Etat, pr�cisera � juste titre que la premi�re victime de la corruption, c'est la soci�t�, et que les lois fran�aises ne reconnaissent les victimes que du bout des l�vres. Le repr�sentant du Medef, patronat fran�ais, d�clare quant � lui que nombre d'entreprises sont victimes de sollicitations de la part de pays et/ou d'entreprises clientes, voire de chantages lors de la signature des contrats ou en cours d'ex�cution. Il consid�re qu'il faudrait r�fl�chir � des voies de recours supranationales, tout en rappelant que dans les affaires de corruption, les proc�dures judiciaires sont trop longues, et que cela posait le probl�me de l'image de l'entreprise. La deuxi�me table ronde du colloque a essay� de passer en revue la nature des pr�judices pour les victimes de la corruption. Pr�judice moral, physique, mat�riel ? Dans le droit de la r�paration, il n'existe pas de pr�judice �ventuel ou hypoth�tique, a tenu � rappeler Yves M�dina, vice-pr�sident de l'ORSE (Observatoire sur la responsabilit� soci�tale des entreprises). Thierry Beaug�, expert en march�s publics, membre du conseil d'administration de Transparence International France, a dress� un tableau typologique tr�s int�ressant des infractions dans la corruption, en pr�cisant quels types de victimes cela engendrait et la nature du pr�judice. Marie Nigon, sp�cialiste de droit compar�, universitaire, Secr�taire g�n�rale de l'Aderse (Association pour le d�veloppement de l'enseignement et de la recherche sur la responsabilit� sociale de l'entreprise), et membre du conseil d'administration de Transparence International France, a anim� la troisi�me et derni�re table ronde de ce colloque, ayant pour th�me : Quels moyens d'action pour les victimes ? La notion d'alerte �thique � le �whistleblowing� � a �t� largement �voqu�e. L'action collective et les dommages punitifs ont fait l'objet d'un expos� de Fran�ois Franchi, conseiller � la Cour d'appel de Paris. Willam Burdon, avocat au Barreau de Paris et fondateur de l'association Sherpa, a trait� de la restitution des avoirs d�tourn�s. Juilien Coll, charg� d'�tudes � Transparence International France a pr�sent� le dispositif �Alac� � centres d'assistance juridique aux victimes de la corruption �, dispositif mis en place par plusieurs sections nationales de Transparency International. Daniel Leb�gue, pr�sident de Transparence International France, a cl�tur� le colloque en annon�ant que les chercheurs et les juristes devront poursuivre la r�flexion et l'analyse sur les th�mes abord�s. Vis-�-vis des pouvoirs publics, il faut donner � la justice les moyens d'agir et reconna�tre aux victimes de la corruption leurs droits et la possibilit� d'�tre prot�g�es.