Donner l�illusion � l�opinion publique que les choses bougent, que les choses vont changer � en mieux � est pr�cis�ment le m�tier des politiques. Pour nous faire croire qu�ils �sacrifient� leur temps si pr�cieux, leur sant�, leurs nombreux loisirs, leurs �pouses et leur ma�tresses, au seul profit de la m�re patrie que nous ne saurions aimer comme eux �l�adorent�, ils n�h�sitent pas � exhiber leurs �actions� au grand jour. Convoquant ainsi, pour la circonstance, l�ENTV et les journalistes de la presse �crite acquis � la cause. Mais pas seulement. Leurs cons�urs et confr�res, harcel�s et pourchass�s habituellement par le politique via le judiciaire, parce que libres de dire et d��crire, sont eux aussi convi�s � la f�te. Lorsqu�il s�agit de la nation tout le monde est concern�, il n�y a plus d�ennemis, semblent dire ces m�mes politiques. La f�te n�en sera que plus belle et plus r�ussie. Et pour qu�il y ait mati�re � festoyer, il faut �videmment qu�il y ait l��v�nement. Quoi de plus ais� ? Il est connu que pour faire oublier la m�diocrit� et l�immobilisme, rien de mieux en politique que de cr�er un �v�nement (ou une occasion) destin� � dissiper la grisaille d�un quotidien devenu de plus en plus insupportable. C�est pr�cis�ment ce qu�a fait Abdelaziz Bouteflika la semaine �coul�e en dissertant durant dix minutes, selon les r�v�lations de la presse, au Palais des nations sur la jeunesse alg�rienne lors de l�ouverture de la rencontre gouvernement/walis. Que s�est-il r�ellement pass� ce jour-l� ? En usant du jargon des juristes, je dirai qu�en la forme il y a eu pour les citoyens de nombreux d�sagr�ments dont celui de ne plus pouvoir circuler dans la commune habituellement paisible de Staou�li, voire Ch�raga. On peut comprendre que depuis le 6 septembre 2007, Abdelaziz Bouteflika ait peur de refaire de mauvaises rencontres. De l� � boucler toutes les routes, y compris celles que n�emprunte pas le cort�ge pr�sidentiel (Staou�li) est tout bonnement un �d�lire organis� (intitul� d�un tableau du peintre Yahia Abdelmalek). Il suffisait d�encercler le Palais des nations, le Club-des-Pins � ce qui est d�j� chose faite � et la s�curit� �tait assur�e. Quand au fond, 1) la premi�re remarque concerne la rencontre elle-m�me. Lorsque les politiques veulent noyer le poisson, ils cr�ent des commissions, des groupes, des ateliers, des s�minaires, des colloques, des rencontres. Abdelaziz Bouteflika n�a-t-il pas �t� l�initiateur de la commission de r�forme de �l��ducation nationale� ? de la commission de r�forme �de la justice� ? De la commission de la r�forme �de l�Etat� ? Tandis que se voulant � cette �poque-l� (2000) omnipotent, omnipr�sent, il claironnait � qui voulait bien l�entendre qu�il serait l�homme du changement. O� en sont donc les r�formes ? O� en sont les propositions de fond de Monsieur Benzaghou, en mati�re d��ducation, celles de M. le professeur et avocat, Mohand Issad, sp�cialistes �m�rite l�un comme l�autre dans leurs domaines respectifs ? Elles sommeillent sous une �norme couche de poussi�re dans un des tiroirs pr�sidentiels. Et face � l�Histoire � laquelle on finit toujours un jour ou l�autre par rendre des comptes, Abdelaziz Bouteflika ne pourra pas invoquer le manque de temps, l�absence de moyens, ou autres emp�chements pour justifier sa carence. N�est-il pas celui qui avait d�clar� publiquement qu�il ne serait jamais �un trois quarts de pr�sident� ? N�est-il pas celui qui n�a eu de cesse de r�p�ter qu�il avait �t� ��lu� d�mocratiquement par le peuple en 1999 comme en 2004 tout en sachant parfaitement qu�il a �t� coopt�, d�sign� et que les urnes, ces faiseuses de miracles, ont fait le reste ? Abdelaziz Bouteflika n�a pas entendu r�former car cr�er une �cole r�publicaine o� nos enfants apprendraient � acqu�rir l�esprit critique et dont ils sortiraient avec des �t�tes bien faites� aurait signifi� pour lui trahir ses fr�res islamistes. R�former la justice aurait signifi� � ses yeux ne plus pouvoir l�instrumentaliser, l�utiliser et la mettre sous sa botte. Etait-ce seulement pensable ? Qui aurait alors donn� � l�affaire �minemment politique dite du �8e congr�s du FLN� un habillage pseudo juridique pour permettre au m�me Bouteflika de porter Abdelaziz Belkhadem au poste de secr�taire g�n�ral du FLN aux lieu et place de M. Ali Benflis r�guli�rement �lu en 2002 ? Comment ordonner � une justice ind�pendante de lib�rer un islamiste haineux, p�re d�un terroriste, poursuivi pour outrage � corps constitu� ? Comment organiser dans un palais de justice ind�pendant et des magistrats ind�pendants un proc�s d�une dur�e de trois mois destin� � montrer un Bouteflika combattant la corruption, tandis que de r�cents rebondissements de l�affaire en France r�v�lent aujourd�hui, qu�on est loin d�avoir perc� tous ses secrets puisque l�un des fr�res de Abdelaziz Bouteflika n��tait autre que l�avocat du groupe Khalifa ? R�former la justice aurait alors signifi� pour le m�me Bouteflika qu�un casting destin� � retenir les seuls lampistes dans ladite affaire e�t �t� impossible. Passons sur ses multiples et r�p�titives violations au r�glement du Conseil de la magistrature, sur les �ex�cutions� des magistrats rebelles. Ces exemples � non exhaustifs d�un longue liste � ont pour objectif de d�montrer que Abdelaziz Bouteflika n�a jamais eu la volont� politique � pas m�me l�intention � d�initier le changement qu�il avait promis en 1999. Cela induit la seconde remarque. 2) Apr�s donc le s�minaire ramadanesque et minist�riel sur les �harragas� � l�h�tel Sheraton s�il vous pla�t, voici qu�� 18 mois de fin de mandat � si sont �tat de sant� lui permet d�aller jusqu�� 2009, Abdelaziz Bouteflika d�couvre un beau matin que la jeunesse alg�rienne est en p�ril. Ce jour-l� au Palais des nations, ce fut son �coup de c�ur�, il lui fallait parler des jeunes. Dix minutes pour parler de ce probl�me �pineux et complexe, c�est plut�t un record mais lorsqu�on est Abdelaziz Bouteflika, on peut tout faire. Y compris �liquider� la jeunesse en d�clarant publiquement que l�Etat a �chou� dans ce domaine, et qu�il est d�solant de voir cette jeunesse manquer de patriotisme. Les solutions ? Les walis ont �t� somm�s par Abdelaziz Bouteflika de faire, de tout faire, de bien faire pour les jeunes. Afin de ne pas �tre accus� de subjectivisme, voire de malhonn�tet� intellectuelle, je dirais objectivement que la marginalisation de la jeunesse n�a pas commenc� avec Abdelaziz Bouteflika. Cependant, ayant �t� le premier ministre de la Jeunesse et des Sports en 1963 avant d��tre nomm� aux Affaire �trang�res, l�on aurait pu attendre de lui plus d�attention et d�int�r�t � l��gard de cette cat�gorie de la population alg�rienne. La jeunesse (ou les jeunesses) alg�rienne est-elle diff�rente de celles qui vivent sous d�autres cieux ? Certainement pas. Elle veut �tudier, �tre form�e, travailler, �tre log�e, �tre en bonne sant�, se divertir, se cultiver, avoir des droits et pas seulement de devoirs. Lorsqu�elle ne peut plus fr�quenter l��cole, (exclusion, d�scolarisation, etc.), elle rencontre mille et une difficult�s � trouver une formation, et donc aucune chance � �tre retenue sur le march� du travail. Lorsqu�elle est dipl�m�e ce n�est gu�re mieux, car hormis de rares secteurs, l�on exige d�elle une exp�rience de cinq ann�es. Comment peut-on �tre exp�riment� sans apprentissage ? Si une mesure salutaire avait d� �tre annonc�e au Palais des nations par Abdelaziz Bouteflika c��tait celle de la suppression de cette exigence irr�alisable pour un jeune dipl�m� de l�universit� : cinq ann�es d�exp�rience (ou ayant re�u une formation). D�cid�ment, si les politiques cessaient de s�enferrer dans des discours creux au profit du pragmatisme et de mesures concr�tes, le pays se porterait certainement mieux. En outre, comment croire lorsqu�on a 20 ans, 30 ans, voire 40 ans (c�est encore tr�s jeune) que l�espoir est permis quand on voit Abdelaziz Bouteflika faire appel � des collaborateurs, � des ministres, � des pr�sidents d�institutions, dont l��ge varie entre 65 et 82 ans ? Que dire de nos brillants cadres jeunes, partis d�finitivement vers d�autres cieux parce que marginalis�s et mis � la retraite � 40 ans ? Se loger, se divertir, se cultiver sont-ils des droits reconnus aux jeunes ? Dans la Constitution certainement. Mais seulement dans la Constitution. Bien entendu j�entends d�j� mes d�tracteurs dire : �Mais qu�a-t-elle donc fait lorsqu�elle �tait au minist�re de la Jeunesse et des Sports ?� (1991/1992). Ce n�est pas � moi � le dire, cependant mes ex-collaborateurs peuvent t�moigner puisque vivants, que j�ai compris au moins une chose : on ne peut parler de jeunesse sans associer celle-ci aux strat�gies et politiques en faveur de celle-ci (ou de celle-ci car pour ma part je pr�f�re parler de jeunesses au pluriel). Et c�est ainsi que ces ex-cadres peuvent t�moigner que des jeunes si�geaient dans les commissions, dans les comit�s, voire aux r�unions pr�sid�es par le ministre et ils donnaient librement leurs opinions et appr�ciations dont il �tait tenu compte au moment de la prise de d�cision. Comment disserter sur la jeunesse entre �gens bien� enferm�s dans leur bulle, sans la pr�sence des jeunes ? Le Palais des nations serait-il trop beau, trop luxueux pour eux ? En outre quand un ministre est nomm� � la t�te du secteur, on ne le fait r�agir que sur le football et ce n�est pas un hasard car les politiques en haut lieu pr�f�rent le ballon et ses embrouillaminis aux jeunes. Apr�s avoir d�clar� lors d�une �mission radiophonique avec le sympathique Ma�mar Djebbour en 1991/1992 : �Je refuse d��tre le ministre du football�, j��tais loin de me douter du toll� politico-sportif que je venais de d�clencher ! Comment croire � un minist�re de la Jeunesse lors que seules les nouvelles non pas du sport mais uniquement du football font la une des m�dias ? Ce sont les m�mes personnes, les m�mes discours, les m�mes luttes intestines et surtout les m�mes r�sultats : z�ro depuis des d�cennies. Pourtant ce sont des jeunes, Hassiba Boulmerka, Noureddine Morcelli, qu�on ne juge plus utile d�honorer aujourd�hui qui ont port� tr�s haut les couleurs de l�Alg�rie au moment o� notre pays vivait des moments difficiles. Comment croire � un minist�re de la Jeunesse lorsque avec Abdelaziz Bouteflika la valse des ministres nomm�s � ce secteur a consist� � le d�stabiliser un peu plus ? Pour �tre efficace un ministre de la Jeunesse doit avoir le temps car par d�finition horizontale, son d�partement a besoin de tous les autres (formation, travail, culture, sant�, habitat, budget). Comment croire au discours de Abdelaziz Bouteflika lorsqu�on est jeune et que l�on a envie de cr�er un projet d��tre entrepreneur ? L�Ansej me r�torquerait-on. Sait-on seulement ce que cette invention �tatique sous-tend comme difficult�s bureaucratiques, dont l�obstacle du remboursement du cr�dit bancaire dans de tr�s courts d�lais � lorsqu�on est au bout de ses peines �videmment � est une fin de non-recevoir qui ne dit pas son nom. Que dire de la sant�, des loisirs des jeunes ? Aussi �tait-il besoin, �tait-il n�cessaire pour Abdelaziz Bouteflika de �squatter� le Palais des nations dix minutes pour annoncer aux jeunes qu�il a �chou�, lui, son gouvernement, ses walis et ses maires ? Certainement pas, car non seulement ces jeunes le savent et l�ont su bien avant ce jour, mais pis encore : ils n�attendent plus rien. Il est vrai qu�un adage dit : �Mieux vaut tard que jamais�, il est tout aussi vrai d�affirmer qu�il est d�j� trop tard. Et Abdelaziz Bouteflika a reconnu son �chec. N�attendez pas, n�esp�rez pas qu�il l�assumera. Il a fait mieux que cela : il a culpabilis� les jeunes et c�est la troisi�me remarque. 3) S�ils deviennent harragas, kamikazes, � y compris � quinze ans � c�est parce qu�ils manquent de patriotisme. Le d�sespoir, l��c�urement, l�envie de mourir � vingt ans sont donc un manque de patriotisme. C�est tout ce qu�a trouv� Abdelaziz Bouteflika pour retourner la situation en sa faveur. Mais qui donc donne l�exemple du patriotisme ? Lorsqu�on dit de son peuple �qu�il est m�diocre� et qu�on lui confisque ainsi son histoire et son h�ro�sme est-on un exemple � suivre ? Lorsqu�on dit comme Abdelaziz Bouteflika que �s�il avait eu l��ge des terroristes, il aurait fait comme eux�, il dit clairement aux jeunes que leurs h�ros sont l��gorgeur de nourrissons et le kamikaze. Lorsqu�on fait d�un ��mir� sanguinaire reconverti dans des affaires florissantes un amnisti�, on dit aux jeunes que les valeurs du bien et du mal sont frapp�es d�obsolescence et que seul pr�vaut l�app�t du gain, surtout l�argent sale. Est-ce par hasard que ces jeunes d�s�uvr�s, d�laiss�s, abandonn�s � leur sort, ont cr�� leur propre langage dans lequel on trouve le mot �naviguer� (en franco-arabe de pr�f�rence) pour dire �se d�brouiller pour gagner de l�argent par n�importe quel moyen ? Comment faire croire aux jeunes que les choses vont changer pour eux lorsqu�au quotidien ils sont confront�s � l�injustice et au m�pris des autorit�s ? Ou encore, lorsqu�on ne leur fait pas prendre conscience qu�un d�lit, un crime sont choses gravissimes et qu�on les gracie par fourn�es de 5 000, et 6 000 � l�occasion de f�tes religieuses ou nationales ? C�est bien ce qu�a fait Abdelaziz Bouteflika depuis son investiture. Pour �tre patriote, il faut avoir des exemples, des rep�res et surtout des h�ros auxquels on s�identifie. Abdelaziz Bouteflika l�a dit : �Lorsqu�on a vingt ans et aucun avenir on a l�exemple du harrag ou du kamikaze. Abdelaziz Bouteflika n�avait nullement besoin de nous le dire � partir du Palais des nations. Nous le savions d�j�. Un �chec de plus ou de moins... On aurait pu le croire s�il avait d�cid� ce jour-l� de consacrer les 22 milliards de la rente affect�s � la construction de la Grande Mosqu�e en 2013 � une authentique politique de la jeunesse ou des jeunesses. Les Iraniens doivent nous construire l��uvre qui devra rappeler la post�rit� de Abdelaziz Bouteflika (les Iraniens �a ne vous rappelle rien) et les jeunes attendront. D�ailleurs, ils n�attendent plus rien. Alors il faut seulement se dire que Abdelaziz Bouteflika a entendu faire une apparition apr�s une longue �clipse pour �chapper � la grisaille de son quotidien. Et pas plus les walis que ses propres collaborateurs n�ont cru �videmment � son discours sur la jeunesse. La preuve, son secr�taire particulier, M. Reggab Mohamed, se serait, selon les r�v�lations d �El Khabar (25 octobre 2007), page 31, pr�sent� avec succ�s au concours d�acc�s � la fonction de notaires � l�insu de son pr�sident. Ce qui aurait retard� l�annonce publique toujours, selon El Khabar, des re�us par le minist�re de la Justice lorsqu�un des plus proches collaborateurs de Abdelaziz Bouteflika pr�pare son avenir professionnel que doit-on comprendre et quel message doit-on d�coder ? Reste � savoir comment ce haut fonctionnaire s�est vu reconna�tre le droit de concourir, sans d�missionner de son poste actuel. Mais dans un Etat o� le qualificatif de d�liquescent n�est pas excessif faut-il encore se poser des questions ?