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Contribution
Lettre � la nation alg�rienne (3e partie) Par Ahc�ne Bouaouiche*
Publié dans Le Soir d'Algérie le 20 - 11 - 2007

Jouissance sociale ou priv�e de la rentabilit� �conomique
La non-rentabilit� est l�argument principal constamment et indistinctement invoqu� par les gouvernants et les technocrates alg�riens pour justifier leur politique de privatisation des unit�s de production du secteur public.
De quel type de rentabilit� s�agit-il ?
Rentabilit� pour quoi faire et pour qui ? La notion de rentabilit� n�a pas une signification unique et universelle. Elle diff�re, selon qu�on int�gre dans son calcul, le param�tre social ou qu�on l�excepte totalement. Dans le premier cas de figure, on est dans la logique d�une jouissance solidaire de la rentabilit� inscrite dans la perspective d�une �thique �conomique, dont le bien-�tre de l�homme et l�ordre social juste et apais� constituent la raison fondamentale des sciences �conomiques. Dans le second cas, celui de l�exclusion de la dimension humaine dans le calcul de la rentabilit�, on se place d�lib�r�ment dans une optique strictement financi�re, donc d�une jouissance restrictivement priv�e ; on est alors dans la perspective d�un d�sordre social structurellement in�galitaire et potentiellement conflictuel. Les circonstances de la privatisation, le statut et la gestion actuelle du complexe sid�rurgique d'Al-Hadjar de Annaba, illustrent la m�saventure commune � toutes les unit�s de production industrielle de l�Alg�rie. Le d�ficit financier accumul�, cens� �tre le motif principal de la privatisation de la SNS, autrefois fleuron de l�industrie alg�rienne, ne r�sultait, en r�alit�, ni de sa mauvaise gestion globale, ni de l�incomp�tence de son encadrement technique, ni de l�insuffisance professionnelle de ses travailleurs, ni enfin d�un manque de productivit� ou de production. De l�avis des experts, ce d�ficit financier �tait d� essentiellement aux charges salariales et sociales exorbitantes engendr�es par un personnel pl�thorique, politiquement impos�, en d�pit de toute r�gle de gestion rationnelle, par les administrations de l�Etat, du parti et du syndicat. Avant sa cession � un consortium �tranger, indien en l�occurrence, la soci�t� nationale de sid�rurgie (SNS) employait environ 22 000 travailleurs. Privatis�e, elle n�emploie aujourd�hui gu�re plus de 6 000 personnes et envisage de r�duire ce nombre � moins de 5 000 personnes. Cette compression drastique du personnel � plus des 2/3 des travailleurs licenci�s, sous une forme ou sous une autre � contribuera d�ores et d�j� � assurer au consortium indien une rentabilit� financi�re confortable. De l�ensemble des b�n�fices facilement g�n�r�s par les entreprises privatis�es, les Alg�riens n�en tireront aucun profit, ils n�en subiront malheureusement que de terribles d�sagr�ments, tant sur le plan mat�riel qu�au niveau moral : gisements miniers en surexploitation, produits usin�s export�s, profits r�alis�s expatri�s par les nouveaux ma�tres de l�entreprise, sans r�elle visibilit� ; ing�nierie alg�rienne disqualifi�e et d�consid�r�e, main-d��uvre r�duite au ch�mage et � l�oisivet�. J�avoue ressentir une certaine rancune � l�endroit des gouvernants, qui ont, avec l�g�ret�, d�pr�ci� l�intelligence, la comp�tence et l�exp�rience nationales en ne leur accordant pas les m�mes latitudes de gestion, la m�me confiance et les m�mes chances de r�ussite qu�ils accordent � celles import�es d�ailleurs. C�est un sentiment l�gitime au regard du mal caus� � la nation.
Corruption, d�tournement, dilapidation : fl�aux nationaux
Tout ou presque tout a �t� dit au sujet de la corruption : ses origines, sa diffusion, son ampleur, ses malfaisances et ses cons�quences durables. Certes, la corruption et les malversations sont des ph�nom�nes universels, quoiqu�in�galement r�pandus d�une nation � une autre. Lorsqu�une nation perd ses valeurs morales essentielles, ces ph�nom�nes s'�rigent en syst�me de r�f�rences et s�imposent comme mode principal de fonctionnement de ses structures. De notori�t�, d�sormais, �tablie, l�Alg�rie est le pays o� les d�tournements de fonds s�effectuent selon des fr�quences, des proportions et des techniques souvent inconnues ailleurs. Pratique devenue banale, des milliers de milliards de dinars alg�riens sont d�tourn�s avec une facilit� d�concertante. Aucune institution g�rant des finances n�a �t�, � ce jour, �pargn�e de ces escroqueries : banques, caisses diverses, organismes d�Etat. Comme par miracle ou par complicit�s occultes, les d�lictueux, les plus importants et les plus audacieux d�entre eux, se volatilisent dans le d�cor, �chappant ainsi � la justice. Si dans les �conomies s�rieuses, les entreprises d�clar�es en faillite ou mises en liquidation, ou seulement en difficult�s financi�res, sont tenues d�observer strictement une orthodoxie de rigueur dans la gestion de leur devenir, en Alg�rie, les gestionnaires du secteur �conomique d�Etat proc�dent d�une fa�on plut�t curieuse : en direction d�un personnel r�siduel, ils appliquent rigoureusement le programme d�aust�rit� dict� par les minist�res de tutelle, et au sommet de la hi�rarchie de l�entreprise, ils s�adonnent, par contre et probablement avec la b�n�diction officielle, � la pratique laxiste d�une gestion dispendieuse, laquelle se manifeste entre autres, par des salaires en constante r��valuation d�cid�e selon des proc�dures discr�tionnaires, des d�penses pour des acquisitions de biens et de v�hicules haut de gamme professionnellement inutiles, au regard de l��tat sinistr� de leur entreprise, des d�penses de voyages, d�h�tellerie et de colloques incongrus, de frais d��tudes, d�expertises et d�audits, plusieurs fois r��dit�s, devenus sans v�ritable int�r�t, quant � une �valuation r�elle des entreprises. J'appartenais, pour ma part, � cette cat�gorie de citoyens qui avait la na�vet� de croire que jamais le peuple alg�rien n'allait conna�tre les affres de la corruption et des malversations ; je croyais que les valeurs s�res de justice et de solidarit� sociales, forg�es, tout au long de son histoire et son aversion l�gendaire � l'endroit de la pratique de la concussion, que toutes ces valeurs l�gendaires �taient un rempart moral assez puissant pour le pr�server de ces fl�aux. Force est d'admettre qu'il n'y a rien de plus fragile et de plus al�atoire que les certitudes n�es de la na�vet� ! L'Alg�rie est assur�ment un pays d�concertant, car de l'un des pays les moins expos�s � la corruption, il est devenu, en un laps de temps, l'un de ceux les plus corrompus au monde. En effet, la corruption s'est av�r�e une sorte de calamit� g�n�rique de l'Alg�rie contemporaine. En un demi-si�cle, d'une pratique sordide et � grande �chelle, elle a sensiblement et durablement perverti les m�urs politiques et la morale sociale alg�rienne. En g�n�ral, et sous d'autres cieux, la pratique de la corruption est l'apanage des princes et de gouvernants, en Alg�rie, pays d�mocratique, plus par vice que par vertu, la corruption et l'immoralit�, consubstantielles et corollaires, � la fois, se sont r�v�l�es, au fil du temps, l'attribut de toutes les couches de la soci�t�. Le surgissement d'un n�ant socio-historique et �conomique de v�ritables empires financiers et de patrimoines immobiliers colossaux ne peut s'expliquer que par l'usage effr�n�, g�n�ralis� et impuni de la corruption. En cinq d�cennies, aussi noires, les unes que les autres, la corruption stimul�e et l'enrichissement facilit� ont provoqu� un d�litement d�sastreux de l'ensemble des valeurs morales et civiques, lesquelles de tout temps constituaient le socle de la nation. Certes, � ses origines, la corruption est un fl�au, qui ob�it � la loi de la pesanteur. Cependant, une fois �tablie dans les faits, elle g�n�re les m�mes nuisances : qu�elle se pratique au sommet, aux niveaux interm�diaires ou qu�elle gangr�ne la base de la pyramide sociale. Qu'elle exporte vers l'�tranger le butin de ses malversations, ou qu'elle les recycle localement, la corruption reste un acte d�lictueux grave, qu'on doit normalement consid�rer : crime contre la soci�t� et le traiter comme tel. Les effets dont elle afflige l'ensemble des couches de la soci�t� sont d'un m�me genre et d'une �gale nocivit� : affaissement de la morale individuelle et sociale, d�r�glement de l'�chelle des valeurs citoyennes, perte de confiance en soi et en la nation, dysfonctionnement structurel de l'�conomie nationale, d�sint�r�t pour l'�thique du travail producteur de richesses, perte du sens de la raison universelle et de la raison �l�mentaire. A l'�vidence, l�endettement, la corruption et la mystification politique constituent les trois calamit�s principales, dont a �t� victime le peuple alg�rien durant ce premier demi-si�cle d'ind�pendance de l'Alg�rie. Les experts financiers internationaux et les sp�cialistes des questions de la dette ont estim� que les avoirs � l'�tranger des dignitaires alg�riens seraient, en termes de milliards de dollars Am�ricains, �quivalents � ce que fut la dette alg�rienne quant elle �tait � son plus haut niveau. Quoi qu�il en soit, les liens particuli�rement opaques instaur�s entre les financiers internationaux et leurs clients alg�riens ne permettent aucune v�ritable lisibilit� de cette probl�matique. Depuis 1962, l'Alg�rie ne cesse de chuter, d'ann�e en ann�e, dans les abysses de l'immoralit� et de la corruption. En 2007, elle est class�e, indices r�v�lateurs � l'appui, parmi les pays les plus corrompus au monde. Triste palmar�s ! pour un Etat dispensateur prodigue de le�ons de morale. La classe politique alg�rienne excelle dans l'art de ruser avec la raison et l��thique. Elle a occult� la corruption, malgr� sa puissante capacit� de nuisance sociale, elle l�a except�e de la gen�se de la trag�die de ces derni�res d�cennies. Inconsciente d�avoir contribu� � une immense falsification de l'histoire, elle persiste dangereusement � minorer les incidences alarmantes et durables de la corruption g�n�ralis�e, sur le comportement des hommes, et ce faisant, sur le devenir de la communaut� nationale. Surtout que l'on ne s'illusionne pas : tant que l'Alg�rie continue d'�tre gouvern�e par ceux qui la gouvernaient depuis 1962 ou par ceux qui aujourd'hui la gouvernent, par filiation ou par cooptation politique, la corruption � grande et � petite �chelle, localis�e et/ou d�localis�e, conna�tra encore des jours fastueux.
De la m�diocratie � la ploutocratie
En moins d'un demi-si�cle d'exercice, le pouvoir alg�rien a mu� d'une chefferie improvis�e par une coterie d'individus intellectuellement m�diocres et mat�riellement d�sh�rit�s en une oligarchie compos�e par les m�mes individus devenus riches, gr�ce � une pratique d�brid�e de la rapine, mais demeur�s intellectuellement aussi m�diocres qu'auparavant. Cette coterie au pouvoir depuis l'ind�pendance tire sa puissance et sa long�vit� de ses proc�d�s de recrutement fortement s�lectifs ne r�f�rant jamais aux valeurs de comp�tence, de savoir, d'int�grit� morale ou d'attachement � l'int�r�t g�n�ral. Les seuls crit�res en usage sont : la filiation directe, le clanisme, la cooptation, la soumission aux r�gles de la secte et � la d�fense de ses int�r�ts particuli�rement sectaires. Elle ne cultive aucun id�al politique ou moral. Ses principes se r�duisent � la ruse, au mensonge et � la duperie. Les actions r�pr�hensibles et infamantes, dont elle se rend quotidiennement coupable, ont engendr� un climat de permissivit� affolante, qui, par contigu�t�, a affect� tous les niveaux de la soci�t�. Il s'en est suivi un s�rieux processus d'effondrement de la morale, du civisme �l�mentaire et du sens critique positif. Dans la pratique de l�anachronisme politique, les gouvernants alg�riens n�ont point leurs semblables au monde. En un peu moins d�un demi-si�cle, ils ont impos� � leur peuple les quatre plus archa�ques syst�mes de gouvernement que l�humanit� r�prouve, � savoir : la ploutocratie, la m�diocratie, l�oligarchie, et depuis l�an 2000, ils exp�rimentent avec arrogance l�autocratie. Tout laisse � penser que, si la logique de la r�gression devait se poursuivre, le prochain pouvoir politique serait d�ob�dience th�ocratique ou ne sera rien de bien d�finissable.
De l��lite nationale � la technocratie v�nale
En d�pit du d�senchantement populaire engendr� par les malencontreux conflits fratricides de l��t� 1962, malgr� l�esprit de pr�dation et l�incurie politique, tr�s t�t d�ploy�es par la coterie, qui par les armes a usurp� et confisqu� le pouvoir politique, nonobstant l�aberration des options �conomiques et l�incongruit� des choix politiques impos�s � la nation, le peuple alg�rien, encore attach� aux valeurs nationales, s�est engag� avec enthousiasme dans une �uvre grandiose d��dification et de modernisation du pays. C��tait un r�ve fabuleux, o� la sinc�rit� patriotique �prouv�e le disputait si fort � la lucidit� politique �prouvante. Verra-t-on un jour des jeunes Alg�riens, form�s dans les plus prestigieuses universit�s et les plus grandes �coles du monde, revenir massivement se mettre au service de la nation ? Verra-t-on un jour des travailleurs alg�riens, jeunes et moins jeunes, renoncer � une carri�re professionnelle toute faite dans des grandes usines et entreprises d�Europe, revenir au pays uniquement pour l�honneur de contribuer � sa construction ? Cela fut au premier temps de l�ind�pendance. H�las, cela ne le sera plus jamais, je le crains ! Les jeunes cadres de la nation avaient sur le terrain d�montr� une ind�niable conscience civique, une louable abn�gation � l�ouvrage et prouv� une r�elle comp�tence professionnelle. Dans l'ensemble, ils ont �t� admirables et ont connu leur temps de gloire : ils ont enseign�, �duqu�, soign�, b�ti des lieux d'enseignement, des h�pitaux, des infrastructures routi�res et des espaces de culture et de convivialit�. Ils ont construit, �quip� et g�r�, avec s�rieux et aptitude reconnues, des entreprises de production, des �tablissements de formation et des administrations publiques. Il faut reconna�tre � cette jeunesse le m�rite supr�me d'avoir, avec intelligence et sagesse, transcend� des conflits et les inconduites des clans se disputant le pouvoir politique et d'avoir ainsi pr�serv� les valeurs d'id�alisme patriotique, de probit� et d'innocence, qui sont les vertus de son �ge. Il e�t �t� impossible que de cette jeunesse sainement engag�e, n'�merge�t, un jour, une �lite nationale puissante, susceptible d'inqui�ter la coterie malsaine, au pouvoir en Alg�rie. Les gouvernants alg�riens, toujours pathologiquement suspicieux et jamais � court de mal�fices, comprirent qu'une �lite nationale laborieuse et morale, si elle venait � se construire et � se conforter, pouvait � terme s'av�rer une alternative politique cr�dible. Les soci�t�s humaines �voluent au rythme d'une lutte permanente entre les forces du mal et les forces du bien. Ph�nom�ne insolite, la soci�t� alg�rienne semble survivre, depuis 1962, sous l�ordre unique et inique des forces du mal. Dans un climat globalement d�l�t�re domin� par les seules forces du mal, d'une virulence particuli�re, jamais une �lite saine n'a une chance quelconque d��merger r�ellement et de se construire en une force de contre-pouvoir ou seulement de propositions. Le d�mant�lement syst�matique des entreprises industrielles et �conomiques d'Etat � lieu privil�gi� de maturation de l'intelligence nationale laborieuse � a �t� pour les gouvernants alg�riens l'occasion propitiatoire d'enrayer fonci�rement et d�finitivement la formation de cette �lite, avant qu'elle ne s'impose en une force sociopolitique d'alternance. Suite � ce sabordage de l'infrastructure �conomique, l'�lite laborieuse a �clat�. Les uns, les plus audacieux, ont pr�f�r� l'exil ; ils sont partis se reconstruire et se r�aliser ailleurs. Nombreux furent mis d'office � la retraite anticip�e, au moment crucial o� la nation avait besoin d�un capital de comp�tence et d�exp�rience. Les plus malchanceux, d'entre tous, ont �t� traduits en justice et incarc�r�s, pour des mobiles v�niels, ils furent relax�s, faute de preuves s�rieusement �tablies. Le plan diabolique de d�capitation de l'�lite nationale �mergente, mis en �uvre par les gouvernants, a atteint ses objectifs � savoir : l'exil pour les uns, la retraite pour d'autres et la prison pour certains. A l'�lite laborieuse d�capit�e � son stade d'�panouissement, les ma�tres du pays ont vite fait de lui substituer une pseudotechnocratie dispos�e � les servir docilement. D�plorable mission, que celle impartie � cette technocratie, d'un genre in�dit ! L'obligation faite � ces technocrates nouvellement promus n'�tait pas de g�rer rationnellement et avec comp�tence les entreprises, � eux confi�es, mais de les liquider �scientifiquement �, avec efficacit� et sans faire dans le d�sordre sociopolitique. Il leur est exig� d��tablir, dans les plus brefs d�lais, un argumentaire technico-�conomique et financier justifiant la d�cision d�j� prise par l�Etat, de se d�sengager des activit�s �conomiques nationales. Ils se sont appliqu�s � accomplir leur ingrate mission avec un z�le technique et id�ologique �tonnant et surtout inattendu de leur part, eux, qui, hier encore, s'affichaient fervents partisans de l�autogestion des entreprises et adeptes inconditionnels de l'�conomie socialiste. En conf�rant un semblant de �sciences� �conomiques, financi�res et manag�riales � la gabegie politique des gouvernants, ces technocrates feignent d�ignorer probablement que toutes les donn�es technico-�conomiques et financi�res fournies pour d�montrer la faillite des entreprises d�montrent, de facto et par simple d�duction logique, leur propre faillite collective. N'ont-ils pas, depuis des lustres, administr� et g�r� le secteur public �conomique ? La v�rit�, faut-il le rappeler, est que ces technocrates ont, depuis toujours, pr�sid�, en ma�tres absolus, � la destin�e du secteur �conomique d'Etat. Ils ont assum�, invariablement et simultan�ment, les responsabilit�s de gestion et d�administration des entreprises. Triste destin de ceux qui ach�vent leur carri�re professionnelle pour devenir les fossoyeurs de leur propre ouvrage et de celui de leurs a�n�s ! Dans les faits, la privatisation des entreprises d�Etat convenait aux gouvernants, parce qu�elle �tait con�ue, d�une mani�re occulte, pour se faire � leur seul profit. Je parie ma modeste pension de retraite annuelle, qu�au sein de chaque groupement �conomique priv� national et de chaque soci�t� juridiquement �trang�re op�rant en Alg�rie, se nichent de tr�s gros int�r�ts appartenant � titre privatif � de tr�s hauts personnages du cercle restreint du pouvoir militaro-politique alg�rien. Cette privatisation comblait aussi les gestionnaires, parce qu�en �tablissant l�offre de vente de l�outil �conomique, ils s�exon�rent pratiquement des obligations de r�sultats et de bilan. Elle se pr�sente donc pour tous comme une op�ration miraculeuse, car elle fait l�impasse sur la mauvaise gouvernance des uns et la mauvaise gestion des autres. Transiter d�un socialisme d�magogique � un capitalisme chim�rique, n'est rien de plus qu'une culbute, sans �veil d'une id�ologie mythique � un mythe �conomique En Alg�rie, pays de toutes les d�mesures et de tous les paradoxes, les ph�nom�nes de privatisation n��pargnent m�me pas le patrimoine inali�nable de la nation. Cette fr�n�sie de tout vendre a conduit les gouvernants � des abus flagrants de pouvoir et aux atteintes graves � l�esprit des lois de la R�publique. Quand le gouvernement, sans autre forme de proc�dure, s'arroge le droit d'habiliter des soci�t�s � privatiser les entreprises nationales, il outrepasse gravement ses pr�rogatives de simple institution ex�cutive. Quand l'Etat lui-m�me octroie � la technostructure les droits de c�der, sous une forme ou une autre, le patrimoine inali�nable du sol et du sous-sol � des priv�s locaux ou �trangers, il porte, en ce qui le concerne, une atteinte grave aux lois fondamentales, qui r�gissent le patrimoine national. Il y a, dans les deux cas, un d�lit commis, tant dans le fond que dans la forme, � l'endroit des institutions l�gislatives �lues par le peuple, seul source d'actes de souverainet� nationale. Si les gouvernants et la technostructure, qui ont solidairement assum� et qui assument encore toutes ces responsabilit�s coupables, qui ont �t� acteurs solidaires dans la mauvaise gouvernance globale du pays, si, ce faisant, ils ne se sentent responsables en rien dans la faillite de l'�conomie nationale, comme ils se plaisent � le dire, alors autant dire qu�en Alg�rie, les valeurs, les professions de foi et les comportements n�ont aucun sens du tout. Autant dire aussi que gouvernants et technocrates tentent de placer l�Alg�rie dans l�orbite de l�absurdit�, de l�irrationalit�, de l�immoralit� et de l�irresponsabilit�. Sont-ils en voie d�y r�ussir ? Toute la question est l� !
Mirage financier du Golfe et pi�ge du n�goce chinois
Ils disent que les Alg�riens ne savent pas travailler, que tr�s souvent ils ne veulent pas travailler. Ce n�est pas l� une th�orie alg�rophobe d�velopp�e dans des contr�es lointaines, mais des propos prof�r�s par des responsables alg�riens, en Alg�rie m�me. Ostracisme et m�pris de soi, ces propos outranciers tendent � justifier prosa�quement l�appel de plus en plus massif � la main-d��uvre �trang�re destin�e � des travaux de plus en plus ordinaires, n�cessitant de moins en moins de qualification professionnelle. Ainsi, la main-d��uvre chinoise est en passe de supplanter, en nombre, la main-d��uvre nationale. Personne ne veut s�en inqui�ter et personne ne r�agit, le ph�nom�ne semble tout � fait normal. Mieux encore, les gouvernants, � tous les niveaux de l�appareil de l�Etat, f�licitent la main-d��uvre �trang�re mise � l�ouvrage et vilipendent la main-d��uvre nationale mise au ch�mage. J�aimerais tant percer le secret des motivations profondes et des pens�es r�elles de ces dirigeants, qui semblent ignorer les dangers civilisationnels qui menacent un peuple globalement et durablement exempt� des obligations de travailler. Je n�ai aucune raison particuli�re, de quelque nature soit-elle, d��tre x�nophobe. C�est en toute objectivit�, sans m�me le moindre sentiment de patriotisme, pourtant bien l�gitime, que je pose la double question nodale suivante : - dans le secteur du b�timent, tous corps de m�tiers confondus et � tous les niveaux de qualification professionnelle, que savent faire les Chinois que ne savent pas faire les Alg�riens ? - Pour quelle raison, � qualification �gale et pour la m�me t�che, un travailleur �tranger per�oit- il une r�mun�ration consid�rablement sup�rieure � celle que per�oit un travailleur national ? Assur�ment, les gouvernants alg�riens semblent souffrir du syndrome d�Alzheimer, pour avoir ainsi oubli� que l�Alg�rie poss�dait, dans les ann�es 1980, des entreprises de b�timent et travaux publics d�envergure internationale prouv�e, dont je ne citerai pour l�exemple que les plus importantes d�entre elles : DNC/ANP, Genisider, Sonatiba, Ecotec, Sonatro, Sonatram� Les Alg�riens savaient travailler, les ouvrages r�alis�s � l��poque t�moignent encore de leur savoir-faire.
A qui donc la faute, si, � pr�sent, il leur est reproch� de ne plus savoir le faire ?
La v�rit� est que ce sont les gouvernants qui n�ont jamais su bien gouverner ! Apr�s avoir �t� longtemps r�duite � un d�s�uvrement avilissant, impos� par eux, la main-d��uvre alg�rienne est aujourd�hui victime d�une exclusion humiliante du monde du travail voulue par ces m�mes gouvernants. Introduits par la grande porte, les Chinois ont, peu � peu, investi le secteur du b�timent ; voil� qu�� pr�sent, entr�s par les petites portes, ils commencent � investir le bazar du petit commerce. Lorsque, sans surprise aucune, j�entendrai des voix officielles dire que les Alg�riens ne savent plus commercer et ne savent plus vendre des babioles, de la lingerie bas de gamme, des articles de mauvaise facture, des colifichets et autres pacotilles �made in China�, j�en d�duirai, l��me pein�e, que nous sommes en plein d�lire d�automutilation. Que l�Alg�rie importe massivement des produits fabriqu�s en Chine, rien de bien �trange, en ces temps de la mondialisation marchande galopante, mais qu�elle importe aussi massivement des Chinois pour �couler ces marchandises au d�tail dans les souks locaux, n�est pas un mode op�ratoire courant. Ce genre de n�goce constitue probablement un pi�ge, il est s�rement une �nigme, mais certainement pas une simple extravagance. Avec les �mirs du golfe arabique, on n�est pas dans le pi�ge, on est en plein dans les mirages ! Ils sont riches, plut�t sp�culateurs que laborieux. Ils sont surtout exigeants et capricieux et jouissent en haut lieu de complicit�s interlopes. Ils veulent s�approprier l�Alg�rie c�ti�re � leurs propres conditions. Ils envahissent avec un panache style moyen-oriental le s�rail de l�Alg�rie officielle, o� ils sont � demeure. Ces derniers temps, il ne se passe pas une semaine sans que les m�dias les �voquent et �voquent leurs projets faramineux et sulfureux : construction d�h�tels de grand luxe pour voyageurs milliardaires, d�un centre commercial cens� �tre le plus grand et le plus beau d�Arabie et d�Afrique, destin� au shopping des castes hupp�es, des r�sidences grand-standing pour la jet-set du pouvoir, des centres de loisirs et de thalassoth�rapie pour gens cossues, en qu�te d�une �ternelle jeunesse. Apparemment, les Emiratis font des �mules parmi les dignitaires du syst�me r�gnant et la technocratie victime de l�effet des mirages du golfe arabique. Ces projets fantaisistes, qui fascinent la prog�niture de la nomenklatura alg�rienne, sont en v�rit� � l�antipode des pr�occupations vitales de l�ensemble des citoyens alg�riens. Par le d�dain affich� avec arrogance � l�endroit des besoins imm�diats du peuple, ces projets contrefaits et on�reux sont une insulte � la nation tout enti�re. En compensation de la r�alisation de ces projets, aussi inutiles �conomiquement que nuisibles socialement, les Emiratis exigent que les gouvernants leur c�dent la gestion de certains ports d�Alg�rie, notamment le terminal � containers du port d�Alger, le plus important, le plus strat�gique, le mieux �quip� et le plus rentable d�entre tous. Les richesses mini�res d�Alg�rie constituent l�autre richesse, qui fait courir les Emiratis. Ils veulent en gros acqu�rir les gisements miniers et acheter les soci�t�s nationales alg�riennes qui les exploitent. Si vraiment les Emiratis avaient plus d�exp�rience et de comp�tences en mati�re de gestion des ports et d�exploitation des mines que les professionnels alg�riens � ce dont personnellement je doute fort � alors mieux vaut pour ces derniers l�exil au d�sert : les uns pour g�rer les caravans�rails, les autres pour exploiter les dunes de sable.
A. B. (A suivre)


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