La terre commence � se fissurer. De Sebdou jusqu�aux confins d�El-Bayedh, il n�y a pas eu l�ombre d�un nuage en cette fin de printemps. Le bleu azur du ciel n�est gu�re rassurant. Il inqui�te plut�t. M�me au cours de la triste p�riode de la grande s�cheresse des ann�es 1980, cette r�gion du Sud-Ouest �tait plus ou moins �pargn�e par l�aust�rit� climatique. Du c�t� de Na�ma, Mecheria jusqu�au Tell de Sebdou, il a toujours plu en cette p�riode. Les pluies tardives, en effet, compensaient le d�ficit de l�ann�e. Pour ces r�gions arides, les orages de la mi-juin et les pluies d�automne constituent les r�serves d�eau les plus importantes pour le cheptel et l�agriculture, une agriculture, certes, vivri�re mais qui s�dentarisait les nomades et leurs troupeaux. A Sebdou, fief des grands �leveurs et des maquignons entre le Nord et le Sud, l�activit� s�est r�duite comme une peau de chagrin. Cette situation, si elle persiste, aura de graves retomb�es tant sur les plans social qu��conomique. Le risque d�exode massif vers les terres du Nord n�est pas � �carter, cela s�est d�j� produit dans les ann�es 1980. Quand la steppe n�a plus rien � donner � ses habitants, ces derniers sont contraints de l�abandonner. Ils iront vivre ailleurs, � d�faut d�autres moyens. On pense notamment au cheptel, qui, faute d��tre entretenu, sera livr� aux seigneurs de la contrebande qui se chargeront de l�exp�dier de l�autre c�t� de la fronti�re. Il est vrai que la fronti�re est un vrai boulevard o� tout passe sauf� Sur le plan social, le d�placement de populations enti�res vers des lieux plus cl�ments posera de s�rieux probl�mes sociaux tels que la scolarisation des enfants. Car une fois install�s dans les khe�mas au Nord, ces familles sont livr�es � elles-m�mes. C�est le d�racinement total. L�exemple de la tribu des H�miyane qui s�est install�e depuis des ann�es sur les grandes terres de la r�gion de Tlemcen est frappant. Ces gens-l� ont tout abandonn� pendant la longue s�cheresse de 1983. Si les adultes ont conserv� le minimum de leurs troupeaux, les enfants sont contraints de faire de petits m�tiers. Il faut dire que cette frange se contente de peu. M�me exploit�s, ils ne versent jamais dans la d�linquance. Si pour certains la s�cheresse est une affaire de rationnement d�eau, pour d�autres c�est carr�ment la trag�die � multiples facettes. La steppe et les hauts-plateaux du Sud- Ouest sont rest�s des espaces vierges, propices � l�agriculture et l��levage, ceci bien s�r quand les lieux �taient s�curis�s. En mati�re de d�veloppement, � l�exception d�un insignifiant d�coupage administratif, rien n�a �t� fait pour ces r�gions tr�s pauvres o� les gens savent si bien se retrousser les manches pour peu qu�on leur donne du travail. Dans les ann�es fastes, on s�acharnait � industrialiser sauvagement le Nord et on ignorait le Sud qui, aujourd�hui, agonise. A pr�sent, le Nord aussi bien que le Sud sont log�s � la m�me enseigne. La s�cheresse et le ch�mage, deux grands fl�aux auxquels il faut faire face. En cette fin de printemps, en parcourant les 200 km qui s�parent Sebdou de Mecheria, on a l�impression de vivre dans un paysage lunaire, aucune trace de vie, si ce n�est quelques troupeaux abandonn�s dans l�immensit� de la toundra. L�espoir reste suspendu au ciel. Si demain il pleut, la steppe ne sera que plus belle. Alors prions !