Si les pays du Maghreb ont �chou� � r�aliser leur union, ils ont n�anmoins r�ussi � avoir un d�nominateur commun : semer le d�sespoir parmi les populations. En Alg�rie, au Maroc et en Tunisie, le malaise social est grandissant. La rue gronde. Si les manifestations de col�re �taient jusque-l� l�apanage de l�Alg�rie, les Tunisiens et les Marocains bravent d�sormais la r�pression polici�re pour dire leur col�re. Pour s�en rendre compte, il suffit de consulter certains blogs qui, au quotidien, �voquent la r�pression qui s�abat sur les manifestants. On y apprend qu�il ne se passe plus un jour sans qu�une r�gion de la Tunisie soit secou�e par des manifestations. Idem pour les Marocains qui affirment que les manifestations de ch�meurs font d�sormais partie du d�cor. Le d�sespoir est tel que de jeunes demandeurs d�emploi s�immolent. Incapables de mettre en place de v�ritables politiques d�emploi, les r�gimes se cachent derri�re des taux de ch�mage �officiels� qui servent souvent � la consommation ext�rieure. Pour l�int�rieur, la situation est tout autre : les beaux discours lais - sent place � la matraque. En Tunisie et au Maroc, il y a eu mort d�hommes. Ce qui vient de se passer dans ces deux pays prouve, cependant, qu�une lame de fond traverse les deux soci�t�s. Un mouvement est en marche et rien ne semble pouvoir l�arr�ter, m�me pas l�aveugle r�pression. Nawal Im�s MAROC Les �ch�meurs dipl�m�s�, casse-t�te du Makhzen Le Maroc, qui se targue d�avoir un taux de ch�mage inf�rieur � 10%, est rattrap� par une r�alit� � laquelle les m�dias tournent le dos : les dipl�m�s sont frapp�s de plein fouet par le ch�mage. Selon des chiffres non officiels, les universitaires en souffrent deux fois plus que les personnes sans qualification. A Rabat, les manifestations de ch�meurs font quasiment partie du d�cor, la r�pression �galement. Ce qui s�est pass� samedi dernier � Sidi-Ifni est r�v�lateur d�un malaise social profond. La police a �t� appel�e en renfort pour mettre un terme � une manifestation de ch�meurs qui bloquaient depuis une semaine le port de Sidi-Ifni, dans le sud, d�non�ant la pauvret� et la malvie. Tout avait commenc� la semaine derni�re au port de Sidi-Ifni, � 200 kilom�tres au sud d'Agadir. La proclamation des r�sultats d�un tirage au sort organis� pour choisir 8 candidats pour des postes de travail a donn� lieu � de violentes contestations. D�non�ant le favoritisme et le manque de transparence, les candidats non retenus ont alors bloqu� pr�s de 90 camions de poisson. La r�action des forces de l�ordre ne s�est pas fait attendre : samedi matin, les policiers se sont d�ploy�s en force, arm�s de matraques et de chiens. Ils ont effectu� des descentes dans plusieurs maisons de Sidi-Ifni. Leur intervention muscl�e s�est sold�e par l�arrestation d�une vingtaine de jeunes ch�meurs qui ont �t� violent�s. Bilan de cette intervention polici�re : un mort et des dizaines de bless�s. Les t�moignages publi�s sur certains blogs sont �difiants. Leurs auteurs parlent de courses-poursuites, de matraquage en r�gle et de violation de domiciles. Une v�ritable chasse au manifestant a �t� organis�e. Des bloggeurs affirment avoir vu des personnes allong�es � m�me le sol gri�vement bless�es � la t�te. D�autres parlent d�au moins 3 morts tandis qu�un diplomate ayant requis l�anonymat affirme que le bilan serait de huit morts. Un bilan que contestent les officiels qui expliquent que le plus grand nombre des bless�s se trouve dans le camp des forces de l�ordre. Soucieux de l�image idyllique qu�ils veulent v�hiculer, les responsables marocains tentent de minimiser l�impact de ces �v�nements mais il semblerait que le mouvement qui traverse la soci�t� marocaine ne soit pas pr�s de s�essouffler. La col�re est telle que les manifestations prennent souvent des formes d�une rare violence. De nombreux dipl�m�s ch�meurs marocains avaient tent� en avril de s�immoler � Rabat. Ils font partie du mouvement des �dipl�m�s ch�meurs� qui avait vu le jour en d�cembre 1990. Au fil des ann�es, ils radicalisent leurs actions et font face quasi quotidiennement � la r�pression, unique r�ponse que semble �tre en mesure de proposer le royaume� N. I. TUNISIE Le r�gime de Ben Ali tremble devant les ch�meurs Le mythe du �miracle �conomique� promis par Ben Ali n�a pas surv�cu longtemps. Las d�attendre la concr�tisation des nombreuses promesses, les ch�meurs se r�voltent en Tunisie. La population de Gafsa ne d�col�re pas. A l�origine de cette col�re, la sempiternelle probl�matique de l�emploi. La gen�se des manifestations remonte au 5 janvier dernier suite � la publication de r�sultats du concours de recrutement professionnel au sein de la compagnie �Phosphate Gafsa�, principal pourvoyeur de postes de travail dans la r�gion. La r�volte des habitants a pris une tournure plus radicale lorsque le r�gime de Ben Ali a arr�t� des syndicalistes et des militants des droits de l�homme, accus�s d�en �tre les instigateurs. Redeyef, une ville de 30 000 habitants abritant la plus ancienne mine de phosphates, a �t� le principal foyer de cette agitation, qui a, par la suite, contamin� des villes mini�res de Metaloui et Oumlaraies. La police tunisienne a aussit�t pris position dans la r�gion. Les affrontements ont fait un mort et huit bless�s � cinq manifestants et trois policiers�, selon un bilan gouvernemental, et un mort et 28 bless�s, selon des sources syndicales. Le ministre tunisien de la Justice et des Droits de l'homme a �t� charg� de donner la version officielle. Il a dit �regretter� la mort d'un manifestant. �Nous regrettons cet incident d'autant que ces troubles sont exceptionnels en Tunisie. Les forces de l'ordre sont intervenues conform�ment � la loi pour neutraliser des individus qui fabriquaient des cocktails Molotov� avant d�ajouter : �Nous ne tol�rerons aucun recours � la violence et refusons qu'un point de vue quelconque soit impos� � l'Etat par la force.� Des d�clarations faites au moment o� les habitants de Redeyef enterraient leur mort. Le jeune Hafnaoui Al-Maghzaoui, 25 ans, touch� au poumon par balle, a �t� inhum� sous le regard des forces de l�ordre rest�es � l��cart pour �viter d�autres affrontements. Des t�moins oculaires racontent que m�me des femmes avaient assist� � l�enterrement. Ce d�c�s est le deuxi�me � Redeyef apr�s la mort � Tabadite, village berb�re proche, d'un jeune protestataire �lectrocut� le 6 mai alors qu'il tentait de couper le courant aux g�n�rateurs de la compagnie Phosphate de Gafsa. Les manifestations de d�sespoir se multiplient. En f�vrier dernier, un jeune Tunisien, natif de Chrarda, s�est donn� la mort en s�immolant devant le palais pr�sidentiel de Carthage apr�s avoir vainement attendu d��tre re�u. Face � cette situation, les ch�meurs s�organisent. A Tunis, � Sfax, ou Kairouan, leur voix se fait entendre. Ils bravent le r�gime policier pour r�clamer du travail et une am�lioration de leur condition sociale. Seule r�ponse du gouvernement : une aveugle r�pression.