Dans tous les pays, la corruption constitue un d�lit et, � ce titre, elle est passible de sanctions p�nales. Cependant, force est de constater que la l�gislation p�nale traditionnelle en mati�re de corruption s�est r�v�l�e peu efficace du fait des limites qu�imposent certains principes g�n�raux de droit. L�Alg�rie n�y �chappe pas. Ces limites sont d�autant plus contraignantes que la corruption a la particularit� de constituer un d�lit impliquant des protagonistes qui ont objectivement int�r�t � prot�ger le secret de leur transaction, d�autant plus que le corrupteur et le corrompu sont passibles de sanctions p�nales. Le principe de la pr�somption d�innocence et l�obligation faite au parquet d�apporter les preuves de la culpabilit� sont les principes g�n�raux majeurs susceptibles de constituer des facteurs limitatifs. Il convient d�ajouter que le juge d�instruction doit instruire � charge et � d�charge. En d�autres termes, son information doit tendre aussi bien � asseoir l�accusation qu�� �tablir, le cas �ch�ant, l�innocence de l�inculp�. Dans le m�me ordre d�id�es, la charge de la preuve qui p�se sur l�accusation dispense la personne comparaissant devant un tribunal pour �tre jug�e d�avoir � prouver qu�elle est innocente. C�est au parquet de prouver sa culpabilit�. L�ensemble de ces principes, qui participent de la protection des droits de la d�fense, profite naturellement aux personnes qui n�ont rien � se reprocher mais �galement aux d�linquants en �col blanc� qui sont souvent les protagonistes des affaires de grande corruption. Il est d�autant plus facile pour ces d�linquants d��chapper au sort qu�ils m�ritent que souvent les corps charg�s des enqu�tes pr�liminaires et la justice elle-m�me souffrent d�un d�ficit criant de ressources mat�rielles et de capacit�s techniques, alors que les m�canismes utilis�s pour couvrir des actes de corruption deviennent, quant � eux, de plus en plus complexes. Il appara�t ainsi que les m�canismes juridiques traditionnels destin�s � la lutte contre la corruption souffrent d�obsolescence manifeste. Certaines r�formes juridiques se sont donc av�r�es n�cessaires pour tenir compte des difficult�s sp�cifiques de poursuite des actes de corruption. Si ces r�formes sont n�cessaires, elles ne sauraient pourtant suffire. En effet, hormis la qualit� intrins�que des textes, leur application effective et �quitable par des juridictions ind�pendantes compos�es de magistrats comp�tents et int�gres, constitue l�indicateur le plus significatif de l�efficience des r�formes dans le domaine juridique. Difficult�s de rapporter la preuve de l�infraction Le pr�requis fondamental est li� � la qualit� du syst�me judiciaire. Il est �vident que, quelle que soit la qualit� des r�formes de la l�gislation, elle ne serait d�aucune utilit� si la justice charg�e de son application n��tait pas ind�pendante de toute force de pression ou si un nombre significatif de magistrats �taient incomp�tents, craintifs, irresponsables ou corrompus. Aussi est-il indispensable de proc�der, pr�alablement aux r�formes, � une �valuation objective et rigoureuse du syst�me judiciaire afin d��tre en mesure d�apporter les correctifs appropri�s et, partant, de cr�er un contexte favorable de r�formes. Ces r�formes qu�imposent les difficult�s sp�cifiques de poursuite des actes de corruption portent notamment sur le droit de la preuve. En dehors des situations o� la corruption propos�e n�est pas accept�e, il s�agit essentiellement d�un pacte entre un corrupteur et un corrompu. Ces personnes veillent � garder occulte cet accord ill�gal. � l�oppos� de la plupart des crimes, les actes de corruption ne font pas de victimes directes apparentes. Tous les protagonistes en sont les b�n�ficiaires et ont int�r�t � pr�server le secret. La preuve de l�infraction est donc difficile � rapporter, ce qui n�est pas sans influence sur l�extension de telles pratiques. Pour surmonter cette difficult� de taille, plusieurs approches ont �t� explor�es. Un �test d�int�grit� pratiqu� par un agent provocateur est une m�thode possible. Cependant, les tribunaux de beaucoup de pays ne l�acceptent pas. Elle peut toutefois se r�v�ler tr�s efficace. On peut encourager les parties impliqu�es dans une infraction � se d�voiler et � fournir des preuves pour obtenir en contrepartie une immunit� de poursuite. En Europe centrale et orientale, une disposition en vigueur depuis des ann�es stipule que le corrupteur qui se d�nonce dans un d�lai d�environ 24 heures �chappera � toute poursuite. Il semble toutefois que cette disposition n�ait pas eu les effets escompt�s. Aux �tats- Unis, une personne impliqu�e dans un d�lit boursier b�n�ficie automatiquement de l�impunit� si elle d�nonce la premi�re ce d�lit. Cela introduit un �l�ment de risque dans la relation de corruption : au lieu que chacun d�pende du silence des autres, tous ont un pouvoir absolu sur les autres. L�extravagance du train de vie des corrupteurs et des corrompus Si on a souvent des pr�somptions, les preuves mat�rielles d�actes de corruption font parfois d�faut. Le douanier qui roule dans une grosse cylindr�e dernier mod�le �veille sans doute � juste titre les soup�ons, tout comme le chef de gouvernement qui a v�cu toute sa vie d�un modeste traitement de fonctionnaire et qui m�ne grand train, bien au-del� de ce que ses propres revenus pourraient lui permettre. L�extravagance du train de vie des corrupteurs et des corrompus et l��talage ostentatoire de leur richesse constituent des indices qui peuvent fonder une pr�somption mais qui ne permettent pas de diligenter des poursuites sur le fondement des textes traditionnels qui sanctionnent la corruption. Le d�lit d�enrichissement illicite a �t� institu� dans quelques pays pour sanctionner certaines cat�gories de personnes dont le niveau de vie est sans commune mesure avec leurs revenus l�gaux. Ce d�lit peut permettre de prononcer une condamnation sur la base de l�impossibilit� pour la personne mise en cause de prouver l�origine licite de son patrimoine. L�Alg�rie l�a introduit dans la loi du 20 f�vrier 2006 de pr�vention et de lutte contre la corruption, mais il est toujours ignor� par la justice, et pour cause ! Les puristes du droit n�ont pas manqu� de consid�rer que les poursuites sur la base du d�lit d�enrichissement illicite ne sont pas compatibles avec les principes g�n�raux de la pr�somption d�innocence, d�une part, et reposent sur l�inversion de la charge de la preuve, d�autre part. Cette critique n�est pas mal fond�e mais une question fondamentale est de savoir si la d�fense obstin�e de certains principes traditionnels doit pr�valoir sur la d�fense des int�r�ts fondamentaux de la soci�t�, face � un ph�nom�ne dont la persistance est susceptible de miner l��quilibre social.