Aucun �conomiste, aucun observateur averti du monde de l��conomie, aucun journaliste sp�cialis� ne conteste le succ�s du mod�le industriel de la Cor�e du Sud. Pour ceux qui l�ignorent, � sa mise en application, ce mod�le �tait, � une nuance pr�s, identique au mod�le d�industrialisation de l�Alg�rie des ann�es 1970. Jugeons-en. Le professeur d��conomie sud-cor�en, enseignant � la Kyungnam University et consultant au Kyungnam Industrial Consulting Co, M. Ick Jin Seo propose une analyse d�taill�e et fouill�e de l�industrialisation de la Cor�e du Sud dans son ouvrage La Cor�e du Sud : une analyse historique du processus de d�veloppement, L�Harmattan, 2000. Au moment du lancement de sa strat�gie d�industrialisation, la Cor�e du Sud n�avait pas de secteur productif (biens interm�diaires, biens d��quipement, machines�). Elle n�avait pas non plus de produits nationaux ni de mati�res premi�res exportables. Il fallait donc importer l�ensemble des biens de production n�cessaires � l�industrialisation jusqu�� l�installation d�un syst�me productif national relativement autonome. Le financement de ces importations se faisait par le recours � l�emprunt ext�rieur. Notons d�j� � ce niveau que la Cor�e du Sud, comme l�Alg�rie des ann�es 1970, refusait le recours aux IDE et voulait �viter �la domination �trang�re sur l�appareil de production national�. La dette ext�rieure a bien �videmment explos�. Pour y faire fasse, la Cor�e du Sud a choisi d�s le d�part d�exporter la plus grande partie possible de ses produits nationaux fabriqu�s � partir des biens d��quipements import�s (contrairement � l�Alg�rie qui cherchait d�abord � d�velopper son march� int�rieur, d�marche rendue possible par les possibilit�s de financement qui offraient l�exportation des hydrocarbures). Le contr�le du commerce ext�rieur Les importations �taient s�v�rement contr�l�es et orient�es principalement sur les biens d��quipements et les biens interm�diaires. La gestion des devises �tait sous monopole de l�Etat et centralis�e (m�me d�marche en Alg�rie). Les autorit�s financi�res sud-cor�ennes combinaient sur�valuation de la monnaie nationale (pour diminuer le co�t des importations pour les entreprises) et subventions aux exportateurs qui b�n�ficiaient ainsi d�un dumping qui leur permettait de compenser les pertes subies (ils vendaient � l�ext�rieur � des prix qui ne couvraient m�me pas leurs co�ts de production). De plus, la sur�valuation de la monnaie sudcor�enne, qui rench�rissait les exportations pour les acheteurs, devait �tre compens�e par l�Etat pour les exportateurs afin de ne pas les d�courager. Une politique d��pargne forc�e Pour un m�me produit, le prix int�rieur �tait beaucoup plus �lev� que le prix � l�exportation. Une consommation r�prim�e favorisait ainsi l��pargne et la Cor�e du Sud �tait le pays dont le taux d��pargne national �tait le plus �lev� au monde. L�offre domestique de produits �tait r�duite d�autant qu�on devait exporter. Les ressources �taient canalis�es vers un syst�me bancaire public centralis�. Une planification centralis�e de type sovi�tique La Cor�e du Sud a eu cinq plans quinquennaux durant la p�riode d�industrialisation (1962-1987) (l�Alg�rie deux quadriennaux et un quinquennal de 1970 � 1984 avec une pause de 2 ans, 1978 et 1979). Le sch�ma d�industrialisation sud-cor�en a �t� le fait de grands groupes industriels �tatiques mais aussi priv�s mais sous contr�le du plan. Il a commenc� par les industries l�g�res (les ann�es 1960) pour substituer la production nationale aux importations mais surtout pour avoir des produits � exporter. Durant les ann�es 1970, lancement des industries de biens interm�diaires et chimiques. Durant les ann�es 1980, lancement des industries d��quipements (machines) et des composants et pi�ces. On retrouve ici le sch�ma de l�industrialisation par substitution d�importation mais combin� � un mod�le exportateur. Comme en Alg�rie, les liaisons industriesagriculture et intra-industrielles ont �t� une pr�occupation centrale des planificateurs sud-cor�ens (noircissement de la matrice inter-industrielle et liaison agriculture-industrie en Alg�rie notamment la Sonacome). Durant tout le processus d�industrialisation, la Cor�e du Sud a donn� la priorit� � l�innovation technologique bas�e sur l�apprentissage (le m�me processus commen�ait � se d�velopper en Alg�rie � la fin des ann�es 1970 !) Bien �videmment, la Cor�e du Sud, disposant d�une main-d��uvre abondante, a commenc� par une croissance extensive (capital import� et main-d��uvre locale bon march� et nombreuse) puis a intensifi� son processus de croissance par les am�liorations de productivit�. Les conditions qui ont permis au mod�le d��tre efficace Au plan interne Un Etat fort, poss�dant un projet, un �Etat d�veloppementiste�. �En Cor�e du Sud on surnomme le r�gime dictatorial militaire par les termes de dictature de d�veloppement� �crit J. Seo qui ajoute �un Etat fort signifie un Etat capable de soumettre le capital � sa volont� et sa planification. L�Etat doit aussi �tre capable d�oppresser la r�sistance du peuple qui souffre de l�absence des droits de l�homme, et du droit au travail, accepte les bas salaires, la non-existence de la S�curit� sociale�. Le r�gime militaire de Park a institu� la planification centrale, la non-autonomie de la Banque centrale qui est soumise au ministre des Finances. Le ministre du Plan (Economic Planning Bord, EPB) est vice-Premier ministre. Les banques commerciales sont nationalis�es. Ce sont des agences qui distribuent les fonds selon les orientations du Plan. Les devises sont g�r�es centralement par l�Etat. Il faut rappeler qu�apr�s la guerre civile (1950-53), une arm�e nationale surd�velopp�e organise un coup d�Etat en 1960 et assoie sa l�gitimit� sur la d�fense nationale (d�fendre le pays) et le d�veloppement �conomique. Les conditions externes qui ont rendu possible le succ�s du mod�le La Cor�e du Sud, de par sa position g�ostrat�gique particuli�re, a grandement b�n�fici� de la guerre froide. Une alliance triangulaire Japon-Cor�e du Sud-USA s�est install�e et la Cor�e du Sud a b�n�fici� d�une tr�s grande aide �conomique de ses deux alli�s. Les USA ont beaucoup aid� financi�rement la Cor�e durant les d�buts de son industrialisation (les ann�es 1950 et d�but 1960). Les march�s am�ricains �taient ouverts aux produits sud-cor�ens. La Cor�e du Sud a b�n�fici� d�autre part de �cr�dits d�urgence� (crise de la dette) et du soutien des USA sur les march�s financiers internationaux. De son c�t�, le Japon a fourni, dans des conditions tr�s favorables, les biens de production et les technologies n�cessaires � l�industrialisation. Enfin USA et Japon ont tol�r� et m�me soutenu l�autoritarisme du r�gime sud-cor�en. La Cor�e du Sud est aujourd�hui un grand pays industriel, technologiquement avanc� et faisant partie du groupe des �conomies fond�es sur la connaissance. Pourquoi la d�marche qui a donn� ces r�sultats en Cor�e du Sud a-t-elle �chou� en Alg�rie ? Sans vouloir donner une explication exhaustive, nous pouvons rappeler trois causes de l��chec alg�rien : 1/ L'�tau de la dette ext�rieure qui a explos� � la fin des ann�es 1970 et qui a rendu la poursuite du programme d�industrialisation particuli�rement difficile. 2/ Le changement de cap op�r� au d�but des ann�es 1980 qui a abandonn� le mod�le des ann�es 1970 en l�absence d�une nouvelle vision et d�un nouveau projet. 3/ Le contre-choc p�trolier de la seconde moiti� des ann�es 1980 qui a exacerb� la crise du mod�le et pouss� au r��chelonnement et � l�ajustement structurel. Peut-on aujourd�hui revenir en Alg�rie � une d�marche industrielle du type Cor�e du Sud ? Les �conomistes sud-cor�ens eux-m�mes nous rappellent que les conditions ont chang�. Deux conditions au moins ne peuvent plus �tre r�unies : 1/ La dictature de d�veloppement est aujourd�hui inadmissible tant au plan interne qu�au plan externe et les processus de d�mocratisation qui touchent aujourd�hui l�ensemble des pays, m�me � des �chelles diff�rentes, emp�chent l�instauration d�un Etat autoritariste sinon totalitaire. 2/ La mondialisation de l��conomie, l�internationalisation des firmes, la comp�titivit� � l��chelle mondiale dans un contexte marqu� par l�ouverture, la d�protection, le libre �change ne permettent plus de revenir aux mod�les d�industrialisation du type de ceux qu�ont connu la Cor�e du Sud ou la Malaisie. Nous �crivions d�j� la semaine pass�e citant les prix Nobel d��conomie Spence et Solow : �S�il existait une doctrine unique de croissance valable partout, nous l�aurions d�couverte. � Pour l�Alg�rie, et sans faire table rase de l�exp�rience accumul�e, il s�agit de penser une nouvelle d�marche fond�e sur le savoir, la connaissance, l�attractivit�, l�insertion dans les cha�nes de valeurs internationales. Notre nouvelle strat�gie industrielle en gestation depuis pr�s de deux ans a besoin encore d��tre d�battue pour �viter de r�p�ter les erreurs.