Je viens de revenir de Tkout, le c�ur gros, la gorge nou�e. J�ai rencontr� des yeux qui parlent tout au long de la journ�e et une partie de la nuit. Pour me faire comprendre qu�ils ont besoin de quelque chose qui leur donnerait l�espoir de voir un jour se r�aliser les r�ves caress�es depuis longtemps� H�las ! Personnellement, je n�ai la force que de compatir � leur douleur. Alors, je crains fort ce qui y arrivera un jour si la situation perdure. C�est une maladie professionnelle tristement c�l�bre pour avoir �t� � l�origine de milliers de morts parmi les mineurs aux quatre coins du monde durant les ann�es cinquante. Ces derniers jours, la mort r�de � nouveau au bout de la tron�onneuse. Voyant les cons�quences de ce m�tier dans la r�gion de T�kout, et sachant qu�au sein des communes de Yakour�ne, d�Iffigha, et d�Azazga, des centaines de citoyens gagnent leur vie de cette activit� (la taille de pierres). Des ateliers qui apparaissent comme des champignons � Tamlihth, � Tizi Tghidhet, � Rabdha, � Cheurfa, � Freha, � Tabourth, et � Tizi Bouche. Ces travailleurs exercent leur m�tier dans la grande majorit� des cas sans aucune d�claration, ni affiliation aux organismes de S�curit� sociale. Il est donc impossible de conna�tre leur nombre exact, ni d��valuer avec certitude ceux parmi eux qui seraient atteints de silicose. Attention aux disques de d�coupage de contrefa�on ! Une telle situation demande une mobilisation g�n�rale et citoyenne des habitants de la r�gion, des secteurs concern�s (�lus de diff�rentes communes, da�ra d�Azazga, wilaya, les diff�rents minist�res, celui du Travail, de l�Emploi et la S�curit� sociale, de la Solidarit�, ainsi que la Sant�). Des actions doivent �tre pos�es pour sauver des vies humaines, alors que favoriser l�interdiction de l�exercice de cette forme d�artisanat ne peut �tre possible sans une garantie d�emploi, �tant donn� que cette r�gion est rong�e par la pauvret�, et que l�Etat doit intervenir n�cessairement pour cr�er d�autres d�bouch�s professionnels capables de remplacer ce m�tier qui m�ne directement au cercueil. Des sources sanitaires du d�partement de Batna ont r�v�l� qu�une grande partie des personnes atteintes souffre d�insuffisance respiratoire et est expos�e � la mort. Au jour d�aujourd�hui, la maladie a caus�, depuis 2004, le d�c�s de 35 personnes toutes �g�es de moins de 37 ans. La m�me source sonne le glas d�une catastrophe humaine si des mesures ne seront pas prises en urgence par les autorit�s aux malheurs des tailleurs de pierre, et demande dans les conditions actuelles, l�arr�t de cette activit� professionnelle. Tous les sp�cialistes que nous avons rencontr�s affirment que la pneumoconiose �volue vers une tuberculose ou un cancer du poumon. Le cabinet m�dical de notre ami Dr. Rahmani situ� au centre-ville de T�kout, affirme l�enregistrement de quatre nouveaux cas durant les tout derniers mois. Parmi ces cas, un jeune de moins de 28 ans est atteint d�une double maladie : la silicose et la tuberculose. A ce stade, les traitements disponibles ne servent � rien puisque les poumons ont perdu une grande partie de leur fonctionnalit�. Selon le Dr. Rahmani toujours, l�exercice de cette activit� pendant seulement 5 ann�es expose la vie de la personne � un r�el danger et il d�signe � l�origine du mal non seulement la poussi�re siliceuse mais �galement les disques de d�coupe et de pon�age utilis�s par les artisans. Des disques de contrefa�on qui contiendraient des composants n�fastes. De son c�t�, le Dr. Slimani, pneumologue � Arris, affirme que les masques utilis�s actuellement pour se prot�ger de la poussi�re de silice ne sont pas conformes aux normes europ�ennes et ne constituent en aucun cas un rempart contre la maladie, car les tailleurs utilisent pour la plupart des moyens de fortune pour se couvrir la bouche et les narines, tels les ch�ches ou encore des masques hors normes, qui n�ont aucune port�e. Toujours d�apr�s elle, la silicose se d�cline en trois formes principales distingu�es selon le nombre d�ann�es d�activit� et le degr� d�exposition : la forme simple signifie que l�empoussi�rage est faible et se d�clare g�n�ralement apr�s 15 ans de travail ; ensuite vient la forme acc�l�r�e qui implique un empoussi�rage important et se d�clare en 3 � 5 ans de travail ; c�est le cas qui correspond le plus � ce qui arrive � T�kout. A la fin, la forme aigu�, la plus dangereuse, qui se d�clare en 18 mois, g�n�ralement � cause des inhalations volontaires de la poudre � r�curer. �Epid�mie� de silicose chez les tailleurs de pierre de T�kout dans les Aur�s (Est alg�rien) 1/ Pr�valence de la silicose chez les tailleurs de pierre de Tkout Dans cette �tude, 709 tailleurs de pierre ont �t� r�pertori�s, dont 321 ont �t� examin�s et ont subi un examen Rx du thorax. 161 sujets (50%) ont pr�sent� des anomalies Rx �vocatrices de silicose. Soixante patients ont accept� de r�pondre � un questionnaire d�taill� et ont fait l�objet, en plus d�un examen clinique et Rx, d�une E.F.R de base. Nous estimons donc que la moiti� des personnes recens�es sont atteintes de silicose. Soit plus de 400 personnes � Tkout et 100 personnes environ � Inoughissene. 2/ Moyenne d��ge des travailleurs : Nous avons constat� que la moyenne d��ge de ces travailleurs �tait de l�ordre de 30 ans. 3/ Tabagisme : Le tabagisme est un facteur aggravant chez les patients porteurs de silicose. Le tabagisme a �t� retrouv� chez 80 % des sujets concern�s par l��tude, avec une moyenne de 10 paquets/an. 4/ Conditions de travail : Ces jeunes activent par groupes de 2 � 5 personnes. Itin�rants et autonomes, ils travaillent chez des particuliers sans d�claration et sans assurance sociale, dans la pr�carit� et la promiscuit�. Aucune mesure de protection respiratoire collective ou individuelle n�est appliqu�e. Une protection artisanale est retrouv�e chez la majorit� d�entre eux, telle que le port d�une bande de tissu �ch�che � sur le visage ou de masque chirurgical facial renforc� par du coton sans aucune conformit� aux normes de s�curit�. 5/ Organisation du travail : 2 cat�gories de travailleurs : les ouvriers qui s�occupent de la d�coupe, du tron�onnage, du pon�age et du polissage de la pierre � l�air libre ou en milieu confin�. Cette cat�gorie de travailleurs d�veloppe des formes particuli�rement aigu�s, graves et pr�coces de silicose. Les ma�ons qui s�occupent des travaux de finition au marteau et de la pose de la pierre d�veloppent des formes simples et non compliqu�es. 6/ Dur�e d�exposition au risque : Les tailleurs de pierre de Tkout d�veloppent des formes aigu�s et pr�coces de silicose. Il s�agit de cas historiques n�ayant plus �t� rapport�s depuis presqu�un si�cle dans aucun pays au monde. Dans l��tude suscit�e, 60 tailleurs de pierre volontaires ont accept� de r�pondre � un questionnaire d�taill� et ont fait l�objet, en plus d�un examen clinique et d�un examen radiologique, d�une exploration fonctionnelle de base : 11 sujets ont d�velopp� une silicose apr�s seulement 2 � 3 ann�es d�exposition (18,33 %). - 15 sujets ont d�velopp� la maladie apr�s 4 � 6 ans d�exposition, soit 25 %. - 26 travailleurs apr�s 7 � 10 ans (43,33%). - 8 d�entre eux seulement ont d�velopp� la maladie apr�s 11 � 25 ans de travail (soit 13,33 %). 7/ Origine de la pierre (lieu d�extraction) : Dans 95 % des cas la pierre est extraite de Yakourene pr�s d�Azazga en Kabylie. 8/ Nature min�rologique : Nous avons fait analyser un fragment de pierre, pr�lev� � Yakourene, au laboratoire BRGM (Orl�ans, France). Les r�sultats ont montr� : Observation � la loupe binoculaire : �Gr�s h�t�rog�ne � ciment color� en ocre, avec pr�sence de grains de quartz anguleux (dominant)�. Diffractom�trie des rayons x : Tr�s importante pr�sence de quartz : �95 % de l��chantillon�. 9/ L��tude de la concentration en silice cristalline libre dans l�atmosph�re des lieux de travail N�a malheureusement pas �t� effectu�e (faute de moyens). 10/ Complications li�es � la silicose : SUR LES 161 SUJETS ATTEINTS DE SILICOSE (dans la s�rie de malades faisant partie de l��tude du mois de mars 2008), nous avons retrouv� : 9 cas de tuberculose pulmonaire BK + (5,59 %), dont 3 ont d�velopp� une multi-r�sistance. 2 cas de scl�rodermie associ�e � la silicose. 9 cas compliqu�s de pneumothorax et 1 cas d�hypoacousie (bruit de tron�onneuse ?)�. 11/ Mortalit� par silicose : 29 d�c�s ont �t� rapport�s � ce jour (23/03/08) par la mairie de T�kout ces trois derni�res ann�es. Il est � d�plorer �galement, 4 d�c�s dans la commune voisine d�Inoughissene. Dans notre �tude : les d�c�s surviennent � un �ge particuli�rement jeune faisant aussi de cette dramatique situation, un fait exceptionnel en ce 21e si�cle. Sur les 28 d�c�s rapport�s par notre s�rie, l��ge moyen de d�c�s est de 31 ans : - 7 d�c�s ont �t� enregistr�s � un �ge variant de 20 � 25 ans (soit 25% des d�c�s). - 8 d�c�s entre 26 et 30 ans (28,57 %). - 10 d�c�s entre 31 et 40 ans. (35,75%). - 3 d�c�s entre 40 et 60 ans (10,71 %). Demain, une autre catastrophe humaine sonnera � Ifigha, � Azazga, et � Yakour�ne alors que cette derni�re a d�j� enregistr�e en plus des bless�s, la mort d�un citoyen en la personne de ami Ahmed du village Tamlihth d�une mani�re tragique, car une roche s�est �cras�e sur son corps. La question que je me pose combien de nos jeunes atteins de silicose sans se rendre compte, alors que 7 jeunes patients au moins ont �t� hospitalis�s au CHU de Tizi-Ouzou pour des complications li�es � la silicose ces deux derni�res ann�es (pneumothorax, insuffisance respiratoire�). Cette activit� professionnelle est une profession suicidaire et � ce rythme nos villages deviendront un cimeti�re. C�est cette situation qui me pousse � frapper � toutes les portes pour endiguer la maladie, convaincu qu�elle existe dans notre r�gion, et arr�ter sa progression en menant des op�rations de sensibilisation, en adressant cette lettre, � travers Vox populi, aux repr�sentants de la ville dans les grandes instances et aux services sanitaires. Un consensus doit �tre d�gag� parmi tous les acteurs pour exiger l�arr�t de cette activit� professionnelle en explorant d�autres alternatives telle la mise en �uvre d�un projet de d�veloppement �conomique dans la r�gion pour absorber le ch�mage end�mique des jeunes. Les tailleurs de pierre des r�gions cit�es conna�tront une fin tragique d�s lors qu�ils ne b�n�ficient d�aucun mat�riel qui puisse les prot�ger des accidents de travail et du danger des risques de leur m�tier, ne connaissant aucune indemnit� quand ils sont atteints de la maladie dite �des tailleurs de pierres� � laquelle ils succombent, ne laissant aucune couverture sociale pour leurs familles qui restent sans ressources. En attendant des mesures concr�tes, il est imp�ratif de prendre des mesures urgentes � savoir : PREVENTION li�e � l'activit� de la taille de pierres Pr�vention de la silicose Mesures � prendre 1/ Recensement de toutes les personnes exer�ant le m�tier de taille de pierres dans toutes les communes de la r�gion et �tablir une approche nationale du probl�me. 2/ R�glementation de l�activit� : une organisation de ce m�tier en activit� r�glement�e dans des ateliers conformes aux normes internationales. 3/ Inspection des ateliers et contr�le r�gulier de la concentration en silice cristalline libre dans l�atmosph�re des lieux de travail (Inspection du travail et m�decin du travail). 4/ Application de mesures de protection respiratoires collectives et individuelles universellement connues. 5/ Suivi m�dical des travailleurs expos�s avant l�embauche et p�riodiquement au cours du suivi (m�decins du travail). 6/ Soustraction au risque d�exposition � la poussi�re de pierre des sujets atteints avec r�orientation professionnelle. 7/ L�arr�t du tabagisme est imp�ratif. 8/ Information et sensibilisation des travailleurs. Mesures de pr�vention Pr�vention technique Mesures collectives (prioritaires) : - combattre le risque � la source: Humidification de la zone de travail pour emp�cher la formation de poussi�res, - mesures r�guli�res de la concentration en silice cristalline libre dans l�atmosph�re des lieux de travail, - formation et information des travailleurs. Mesures individuelles (port de masques de protection) : - masques filtrants anti-poussi�res de pr�f�rence de classe P3 (en cas d�expositions courtes et lorsque les valeurs limites sont faibles). Les cabines ventil�es pour la taille de la pierre : il existe 3 types de cabines ventil�es (� flux oblique, � flux vertical et � flux horizontal). La cabine verticale constitue la solution la mieux adapt�e pour ma�triser les poussi�res d�gag�es par le tron�onnage de la pierre. En somme : en plus de la pr�vention technique collective et de la pr�vention m�dicale indispensable dans tous les cas, on peut consid�rer que les cabines ventil�es � flux vertical repr�sentent le moyen le plus efficace pour assurer une protection des tailleurs de pierres. Lorsqu�il s�agit de pierres tendres et riches en silice, comme c�est le cas en Alg�rie, ces cabines restent insuffisantes pour assurer seules cette protection. Une protection individuelle adapt�e associ�e est indispensable. Ces cabines ne peuvent �tre utilis�es sans formation sp�cialis�e des travailleurs et sans assurer leur entretien et leur contr�le. Leur utilisation doit ob�ir � des dispositifs techniques et r�glementaires les r�gissant. Pr�vention m�dicales : - Examen m�dical et radiologique du thorax avant toute exposition � la silice puis examen p�riodique (la p�riodicit� des contr�les sera fix�e par le m�decin du travail). - Dossier m�dical � conserver toute la vie ou au moins pendant 30 ans. Je tiens � rendre hommage � nos m�decins, le Dr Bachir Rahmani et DRS Slimani qui n�ont pas cess� d��voquer ce probl�me pour alerter l�opinion et surtout pour que les int�ress�s (tailleurs de pierres), avec le soutien des bonnes volont�s, s�organisent pour arr�ter ce massacre. A toutes les victimes de Tkout (Batna), ainsi que ammi Ahmed de Yakour�ne (Tizi- Ouzou). Reposez en paix et que Dieu le Tout- Puissant vous accorde Sa Sainte mis�ricorde et vous accueille en Son vaste paradis.