Achaque fois que le dossier des faux moudjahidine ressort, c'est que le 1er Novembre est dans les parages. C'est imparable ! C'est un peu comme un scandale ponctuel qui, � l'instar des ann�es bissextiles, �clate tous les quatre ans de fa�on fulgurante, fait couler de l'encre et de la salive pendant quelques jours, avant que tout le monde ne rentre chez soi. M�me si personne ne m�sestime la gravit� de l'arnaque, rien ne se fait. Apr�s les invectives, les d�nonciations abstraites, les stigmatisations g�n�ralistes sur le d�lit de faux, les d�clarations de foi sur la sacralit� de la r�volution, il ne se passe rien. On en parle, voil� tout. C'est en soi une catharsis sans aucune cons�quence. Du vent ! Les m�mes restent aux m�mes postes, bouffent aux m�mes mangeoires avec de faux jetons et vogue la gal�re. Il ne se passe jamais rien d'autre que la jactance ? Si, une fois. On a vu l'embastillement non pas des faussaires mais de celui qui a eu le courage de les d�noncer et de celui qui a publi� ces d�nonciations. C'est l'emprisonnement de feu Abderahmane Mahmoudi, directeur de L'Hebdo lib�r�, et de Benyoucef Mellouk pour l'affaire des magistrats faussaires. De l'art de sanctionner non pas le trafiquant mais celui qui d�nonce le trafic, c'est-�-dire celui qui clame la v�rit�. C'est Nourredine A�t- Hamouda, d�put� RCD et n�anmoins fils du colonel Amirouche et, � ce titre, d�fenseur de la m�moire paternelle confondue � raison avec celle de la R�volution alg�rienne, qui a rouvert la bo�te de Pandore. Dans la discussion sur la loi de finances � l'APN, il a ressorti ce dossier qui est le sceau d'indignit� dont est frapp�e l'histoire de ce pays. Comment des hommes qui, au mieux, s'�taient tapis ou �taient en vill�giature quand le feu br�lait, au pire, �taient ouvertement du c�t� de la colonisation, peuvent-ils mentir pour se nourrir, au sens r�el et symbolique, du sang de ceux qui ont donn� leur vie pour l'ind�pendance ? Et, qui plus est, se permettent ce luxe d'accuser de tous les maux ceux qui les d�masquent. Ahmed Bencherif, pr�sident du Comit� national provisoire pour la lib�ration de la famille r�volutionnaire, n'a-t-il pas eu lui-m�me ce coup de sang tant le spectacle de la falsification est flagrant et massif : �Il faut d�noncer et livrer les noms des faux combattants afin de faire �merger les authentiques enfants de l�Alg�rie et non les membres d�une maffia forte au point d�accaparer tous les rouages des minist�res, m�me des anciens moudjahidine.� Maffia ! Si personne ne r�agit � cette accusation cibl�e, sans ambages, d�signant explicitement les rouages gripp�s par la maffia, ce n'est gu�re parce qu'elle est vraisemblablement une certitude � laquelle il serait risqu� de r�pondre mais parce que le pragmatisme rappelle qu'elle �mane du colonel Bencherif. Comme il fallait s'y attendre, le fils du colonel Amirouche, lui, a provoqu� les habituelles bord�es d'invectives tress�es dans l'incantation r�volutionnaire. �La famille r�volutionnaire�, outr�e, y voit fatalement une �atteinte� machin, truc, etc. Avec ces communiqu�s et ces conf�rences de presse d'op�rette, ils sont arriv�s � appauvrir d�finitivement les mots de leurs sens. Ainsi du mot �v�h�mence� avec lequel �ils d�noncent les d�clarations des d�put�s qui visent � d�valoriser l�histoire de la r�volution et � attenter � nos martyrs et aux moudjahidine�. Ainsi aussi, bien entendu et surtout, des mots �histoire�, �r�volution �, �martyr� et �moudjahidine �. Mohamed Bouhafsi, pr�sident � cran de l�Association des grands invalides de guerre (Angig), r�sume bien ce qu'on entend faire de ce d�bat. Commentant l'interpellation du d�put� Noureddine A�t- Hamouda, il recommande de laisser courir : �On lui a accord� beaucoup d�importance. Il faut le laisser parler comme il veut�, dit-il ! Cause toujours! L'immense falsification n'est pas uniquement symbolique. C'est aussi une histoire de gros sous. Ahmed Bencherif estime le nombre de faux moudjahidine � 35 000 tandis que le paravent du pouvoir, l'Angig, conc�derait quelque 12 000. La guerre des chiffres est, en l'occurrence, importante en ce qu'elle montre � quelles �chelles le mensonge se porte. On est arriv� par le pass� jusqu'� un million de ces faux anciens combattants. Quel que soit le nombre, l'effet de l'escroquerie, car c'en est une, sur le Tr�sor public est d�sastreux. Ainsi, pour seulement 35 000 faux moudjahidine, ce sont 750 millions de dinars frauduleusement per�us chaque mois ! Multiplie par le chiffre r�el des faux moudjahidine et sur toutes ces ann�es, tu obtiens de quoi construire une Alg�rie juste et digne o� les opprim�s auraient du travail et un logement d�cent. On a vu dans d'autres pays, dans d'autres r�volutions, des trafics similaires. Mais � une si grande �chelle et de fa�on aussi officielle, c'est une particularit�. Plus qu'au d�triment des vrais martyrs, � la t�te desquels le colonel Amirouche, et des vrais combattants, plus qu'au d�triment des richesses nationales abusivement donn�es � des faussaires, c'est � des valeurs et � des id�aux que la maffia des faux moudjahine attente. C'est en les voyant vivre de leurs rapines et de leurs magouilles, de leur d�magogie et de leurs mensonges �hont�s, que les jeunes Alg�riens en sont venus � d�valoriser le combat de la lib�ration men� par d'authentiques h�ros.