Il y a quelques mois encore, les fonds souverains faisaient irruption dans l�actualit� : on enviait leurs performances ; on craignait leur nouvelle puissance. Aujourd�hui, sur fond de temp�te financi�re, et de chute brutale des valeurs, deux questions se posent : sont-ils appel�s � dispara�tre ? Vont-ils survivre � la crise ? Retour sur ces nouveaux acteurs de la globalisation financi�re qui n�ont pas fini de faire parler d�eux. Un avatar de la mondialisation Bien que le premier fonds souverain soit n� au Kowe�t dans les ann�es 1950, c�est surtout avec l��mergence de la mondialisation que le ph�nom�ne s��largit au point qu�une vingtaine de pays, principalement �mergents, en ont cr�� un ou plusieurs. Ces fonds publics disposent aujourd�hui de plus de 2 800 milliards de dollars de ressources, soit environ deux fois moins que les banques centrales du monde et quatre fois moins que les fonds d�investissement priv�s. Il n�emp�che leurs ressources ont progress� de mani�re fulgurante depuis les ann�es 1990 (500 milliards de dollars) et le FMI pr�voit que ces ressources atteindront 12 000 milliards de dollars en 2012. Avec la mondialisation, et son corollaire la libre circulation des capitaux, les fonds souverains peuvent investir partout et dans tous les domaines. Pour cela, il leur suffit de disposer de ressources financi�res en devises et de demandeurs de capitaux. Dans le cadre du mod�le exportateur impos� par la mondialisation aux pays �mergents, ces fonds sont aliment�s � la fois par les recettes d�hydrocarbures (pays p�troliers, y compris Norv�ge et Russie), par les exc�dents commerciaux (Chine) ou par les exc�dents budg�taires (Singapour). Quant � la demande de capitaux, elle est principalement exprim�e par les pays de l�OCDE et par les grandes entreprises et banques transnationales, pour financer les d�ficits budg�taires et commerciaux et soutenir la croissance �conomique. Ceci est d�autant plus ais� que, dans les conditions de la mondialisation, les march�s int�rieurs des pays �mergents ne sont pas en mesure d�absorber ces exc�dents (probl�mes de gouvernance, inefficacit� du syst�me bancaire interne, faiblesse des op�rateurs locaux en termes financier, technologique et humain) et que les op�rateurs traditionnels des march�s financiers (banques, assurances, fonds d�investissement et autres fonds sp�culatifs) n�ont pas assez de ressources propres pour r�pondre � tous ces besoins de financement. Ainsi, en 2007, les fonds souverains ont contribu� � 13% au financement du march� des actions, des obligations et des d�p�ts. On estime que leur investissement atteindra 5 000 milliards de dollars en 2012. Plus particuli�rement int�ress�s par les actions et les obligations, les fonds souverains effectuent, le plus fr�quemment, leurs placements � long terme, contrairement aux hedge funds (sp�culatifs). Gr�ce aux actions, les fonds souverains visent trois types de r�sultats : participer au partage des dividendes, obtenir � terme des plus values au moment de la cession des actions, participer plus ou moins activement au management des entreprises ou banques concern�es. Mais leurs motivations vont bien au-del�. La rentabilit� des placements esp�r�e est certes plus attrayante que celle des simples placements en bons du Tr�sor, am�ricains ou autres, mais l�int�r�t de ces nouvelles op�rations c�est qu�elles permettent aussi de viser des objectifs d�acc�s � des march�s, � des savoir-faire, voire � de la technologie et pourquoi pas d�influer sur la strat�gie et la g�ostrat�gie dans diff�rents secteurs (�nergie, haute technologie), en relation avec des pr�occupations environnementales ou �thiques. Ainsi, au moment o� explose l��conomie de march� fond�e sur l�entreprise priv�e, ces fonds souverains, symboles de la nouvelle propri�t� publique, apparaissent comme des avatars de la mondialisation. En apparence seulement. Car, � y regarder de plus pr�t, on constate que le capitalisme financier qui domine le monde est fond� sur la pr��minence des revenus rentiers (financiers, �nerg�tiques, commerciaux�), sur les profits industriels et davantage encore sur les salaires. Dans ces conditions, comment ne pas s�accommoder d�une sorte de nouveau �capitalisme rentier d�Etat� dans les pays �mergents, qui draine toute l��pargne de ces pays vers les march�s financiers, lieux privil�gi�s de la r�gulation du capitalisme financier ? Des acteurs porteurs de risques Tout cela n�est cependant pas sans danger. Pour les fonds souverains eux-m�mes, qui ont investi plus de 60 milliards de dollars au deuxi�me semestre 2007, et dont on a r�cemment vu la fragilit� depuis la chute brutale des valeurs sur les march�s financiers. Cela concerne, notamment, celles des banques et entreprises dans lesquelles ces fonds ont des participations plus ou moins importantes : l�UBS perd 55% de sa valeur, Citigroup 40%, Blackstone 60%, Morgan Stanley 26%. Et que dire de Bear Stearns� r�cup�r�e pour une bouch�e de pain par JP Morgan Chase ! C�est vrai � court terme, mais il faut savoir que ces pertes d�aujourd�hui pourront se transformer en gains � moyen terme lorsque la crise sera pass�e, puisque les placements effectu�s par les fonds souverains sont � long terme. La diff�rence est ici tr�s nette avec les fonds sp�culatifs davantage mobilis�s sur le court terme : 3 000 (trois mille) d�entre eux ont disparu � l�occasion de la crise. Le risque vaut aussi pour les pays �occidentaux� qui entrevoient dans cette pouss�e des fonds souverains une immixtion de plus en plus forte des pays �mergents dans leurs affaires et une soumission progressive du capital priv� �occidental� au capital public �non occidental�. Le risque vaut enfin pour les pays �mergents euxm�mes qui, par l�action des fonds souverains, consolident la division transnationale du travail impos�e par la mondialisation (pays fournisseurs de ressources mat�rielles, d��nergie, de main-d��uvre et de ressources financi�res) au profit du capitalisme financier et de ses organisations (entreprises, banques et autres fonds d�investissement) et le primat des march�s ext�rieurs sur les march�s int�rieurs. Tous ces dangers sont d�autant plus s�rieux que, dans deux ou trois ans, la croissance retrouv�e se traduira par de nouveaux et importants besoins de financement � l��chelle de la plan�te, fond�s sur l�approfondissement du mod�le exportateur, sur l�abaissement du co�t du travail et des biens salaires (ceux que l�on importe des pays �mergents pour satisfaire � bas prix les populations salari�es des pays riches, notamment aux Etats-Unis et en Europe). En d�autres termes, apr�s la temp�te financi�re et �conomique qui continue de secouer la plan�te, il y a fort � penser, toutes choses �gales par ailleurs, que la logique financi�re, fond�e sur l�alliance des rentes et des profits contre les salaires, continuera de s�vir. Ces inqui�tudes se sont d�j� exprim�es � plusieurs reprises, notamment dans les pays d�velopp�s. Pour les tenants des �forces r�gulatrices du march�, il est difficile de croire que les fonds souverains (publics) participent de ce type de r�gulation par les march�s. D�ailleurs, bien avant leur cr�ation, on se m�fiait de toute participation publique venant d�un pays �non occidental�. En 2005, le groupe China National Offshore Oil essaie en vain d�acqu�rir la soci�t� am�ricaine Unocal. L�ann�e suivante, Duba� Port World tente de prendre le contr�le de six terminaux portuaires am�ricains. C�est imm�diatement une lev�e de boucliers. C�est dire qu�en d�pit des discours l�nifiants sur l��conomie de march�, la concurrence et la libre entreprise, certains fleurons industriels, infrastructurels ou bancaires ne peuvent tomber dans l��escarcelle� de pays �mergents, dont les apparentes strat�gies financi�res pourraient cacher des buts politiques inavouables. Cependant, compte tenu de l�ampleur des besoins financiers, il est de plus en plus difficile de bloquer ces op�rations. C�est ainsi que de nombreux investissements ont pu se faire dans les grandes banques am�ricaines, m�me s�il a fallu, parfois, recourir � un puissant lobbying aupr�s des autorit�s am�ricaines. De m�me, il est loin le temps o� la Grande-Bretagne pouvait bloquer les investissements du fonds kowe�tien dans British Petroleum (1980). En avril 2008, la prise de participation dans ce groupe p�trolier par la Safe, une des agences d�investissement de la Banque centrale chinoise, n�a souffert d�aucune opposition de la part du gouvernement britannique. Des op�rateurs � neutraliser Face � la mont�e en puissance des fonds souverains, qu�on ne peut plus interdire, sur lesquels il devient de plus en plus difficile de faire pression et dont on ne peut ind�finiment bloquer les op�rations, les pays �occidentaux� tentent de trouver la parade. Il s�agit de trouver les moyens de les �neutraliser�, c�est-�-dire d�acc�der � leurs ressources tout en �st�rilisant� leurs strat�gies r�elles ou suppos�es de pouvoir ou de prise de contr�le. Tout d�abord en affirmant haut et fort les effets insidieux des investissements r�alis�s par �certains fonds souverains �. Ainsi, le 10 septembre 2007, le pr�sident fran�ais n�h�site pas � parler de concurrence �fauss�e par les fonds souverains� et recommande de leur accorder une �attention particuli�re�. Le 8 janvier 2008, il se montre encore plus explicite, tout en mettant dans le m�me panier hedge funds et fonds souverains : �Face � la mont�e en puissance de fonds sp�culatifs agressifs et de fonds souverains, qui n�ob�issent � aucune logique �conomique, il n�est pas question que la France reste sans r�agir.� Toutefois, moins d�une semaine plus tard, la realpolitik reprend ses droits et Nicolas Sarkozy, alors en visite officielle en Arabie Saoudite, assouplit sa position : �La France sera toujours ouverte aux fonds souverains dont les intentions sont sans ambigu�t�, dont la gouvernance est transparente et dont le pays d�origine pratique la m�me ouverture � l��gard des capitaux �trangers.� Mais il d�finit les conditions de la d�marche � mener face � ces fonds. Primo, ont-ils des intentions claires ? Secundo, quel est leur mode de gouvernance ? Tertio, leurs pays pratiquent-ils la r�ciprocit� en termes d�investissement �tranger ? De son c�t�, Angela Merkel, la chanceli�re allemande, est tout aussi inqui�te. Elle souhaite renforcer la l�gislation prot�geant le secteur de la d�fense et l��largir � d��autres secteurs strat�giques �. S�il le faut, elle est m�me pr�te � renationaliser certaines entreprises ou activit�s. Mieux : elle envisage la cr�ation d�un fonds souverain allemand pour concurrencer les fonds �trangers ! Nicolas Sarkozy � son tour s�est prononc� en faveur de la cr�ation de tels fonds � l��chelle europ�enne pour que leur coordination permette d�apporter �une r�ponse industrielle � la crise �conomique�. Ce faisant, loin de limiter le r�le des fonds souverains dans le financement de l��conomie mondiale, on semble plut�t se diriger vers une sorte de syst�matisation de leur existence et de leur action. Ce qui serait une mani�re de justifier le �retour� de l�Etat lib�ral dans la r�gulation �conomique (les plans de sauvetage des banques ayant fait grincer bien des dents, � droite comme � gauche, mais pas pour les m�mes raisons). Une sorte de �n�o-fordisme rentier � o� l�Etat interviendrait non pas, comme apr�s la crise de 1929, pour consolider l�alliance profits-salaires, mais pour conforter celle des rentes et des profits, mise � mal par la crise financi�re. Sous r�serve de mieux d�finir les conditions de la gestion transparente et du contr�le des fonds souverains, et de s�assurer aupr�s des gouvernements concern�s de la r�ciprocit� en mati�re d�investissements ext�rieurs. Dans cette perspective, les institutions internationales (FMI, Banque mondiale, OCDE) ont engag� diverses commissions pour l��laboration de codes de bonne conduite. Sans attendre, ADIA d�Abou Dhabi, le plus important fonds souverain du monde (940 milliards de dollars de ressources), a d�j� publi� le sien. On y insiste particuli�rement sur la �transparence � et la �responsabilit� � qui pr�sident � ses investissements financiers. Cela sera-t-il suffisant pour rassurer les op�rateurs financiers �traditionnels� du monde d�velopp� ? Rien n�est moins s�r. Une organisation � copier En tout cas, dans ce domaine de la �bonne conduite �, un fonds souverain, celui de la Norv�ge, fait d�j� autorit�. Le �Fonds de pension du gouvernement�, qui dispose d�environ 300 milliards de dollars de ressources, est organis� et g�r� comme un instrument au service du d�veloppement. Trois principes essentiels guident son fonctionnement : veiller � ce que le budget ordinaire reste l�outil central de gestion de la politique publique ; veiller � maintenir une structure industrielle diversifi�e ; consolider la stabilit� de l��conomie norv�gienne. Afin de respecter ces principes, le fonds est g�r� par la Banque centrale, de fa�on transparente, sous le contr�le du Parlement et les partenaires sociaux (patrons et syndicats) sont associ�s � la d�finition de ses objectifs. Sur la base de ces principes, et d�s lors que les r�serves de change ne d�passent pas un niveau raisonnable de �pr�caution �, les ressources du Fonds sont totalement investies � l��tranger (principalement � cause de la faiblesse du march� financier norv�gien), avec trois objectifs majeurs : assurer une r�partition sur toutes les places financi�res dans le monde (dans 28 pays dont 9 �mergents) ; investir selon un portefeuille largement diversifi� (dont 40% en actions) ; limiter les participations � moins de 5% du capital (pas de recherche de contr�le) ; respecter en m�me temps crit�res de rentabilit�, environnementaux et �thiques. En particulier, la Norv�ge ne veut pas d�actions de producteurs d�armes : les entreprises BAE, EADS, Lockheed Martin, Safran ont �t� exclues du Fonds. Tout r�cemment, le fonds norv�gien a vendu toutes ses actions (plus de 900 millions de dollars) de Rio Tinto, une entreprise mini�re, �en raison des graves risques environnementaux�, car celle ci, en partenariat avec la soci�t� am�ricaine Freeport (elle aussi exclue depuis 2006), est impliqu�e dans l'exploitation d�une mine, en Indon�sie, qui rejette des produits toxiques dans une rivi�re voisine. Mais, Wall Mart, la premi�re entreprise am�ricaine, a �t� �galement exclue du Fonds : entre autres, parce que les salari�s y sont maltrait�s, que les syndicats n�y sont pas en odeur de saintet�, et qu�on y promeut un type d��conomie fond� sur le dumping social et l�indiff�rence � l�environnement. Toutes choses contraires � l��thique norv�gienne. Ainsi compris, le �Fonds de pension du gouvernement � est � la fois un instrument de stabilisation budg�taire, de transparence dans l'affectation des ressources p�troli�res et d'�quit� interg�n�rationnelle. Au bout du compte, Kristin Halvorsen, ministre des Finances de Norv�ge, peut alors r�sumer la question en ces termes : �Ce fonds est d�tenu par les citoyens norv�giens. Je ne suis que leur repr�sentante. Il est g�r� par la banque centrale, le gouvernement n'intervient pas. Il doit g�rer les revenus non renouvelables provenant du p�trole au profit des g�n�rations futures. 4% du capital du fonds peut �tre utilis� chaque ann�e dans le budget. Nous sommes tr�s transparents. Nous avons des r�gles �thiques qui nous interdisent d'investir dans les soci�t�s qui contribuent � faire des armes nucl�aires, des mines antipersonnel ou ne respectent pas les droits de l'homme, par exemple. 25 soci�t�s sont ainsi exclues. Nous publions chaque ann�e la liste des 7 000 entreprises dont nous sommes actionnaires. Nous avons un objectif sur le long terme.� De 1996 � 2007, le Fonds a obtenu des rendements tr�s appr�ciables. Ainsi, en 2006, le Fonds a obtenu un rendement moyen de 12,6%, soit 38 milliards de dollars. Une question de gouvernance Mais au-del� de son organisation, de sa gestion et de ses objectifs, ce qu�il y a de remarquable dans le �mod�le norv�gien�, c�est la d�marche politique g�n�rale dans laquelle il s�inscrit. Le d�veloppement (et pas seulement la croissance) y est con�u dans une quadruple dimension : efficacit� �conomique, �quit� sociale, protection et respect de l'environnement, d�mocratie politique. C�est pourquoi, dans ce pays p�trolier, l��conomie productive est la priorit� et le secteur �nerg�tique est au service de celle-ci. La place qu'occupent les hydrocarbures dans le d�veloppement est importante mais non dominante. Certes, la Norv�ge est le troisi�me exportateur mondial de p�trole et de gaz. Mais, pour les Norv�giens, ce qui est primordial, c'est de disposer d'une structure productive nationale diversifi�e et �quilibr�e. Aussi, la production de p�trole (140 millions de tonnes) et de gaz (87 milliards de m3) ne participe au mieux qu�� hauteur de 25% � la croissance de la richesse nationale. Gr�ce � cela, les hydrocarbures ne constituent que 15% du PIB de la Norv�ge et 57% de ses exportations. A titre de comparaison, les hydrocarbures repr�sentent pr�s de 45% du PIB de l'Alg�rie et 97% de ses exportations. Autrement dit, la richesse nationale norv�gienne est � 85% le fruit du travail effectu� dans les secteurs hors hydrocarbures (25% pour les produits manufactur�s contre 5,2% en Alg�rie) et pr�s de la moiti� des exportations y sont constitu�es de produits hors hydrocarbures, principalement des produits manufactur�s et � haute valeur technologique. C�est dire que la croissance norv�gienne est une croissance �quilibr�e et soutenable s�appuyant sur l�ensemble de ses activit�s productives. Celles-ci constituent le v�ritable moteur de la croissance norv�gienne quand le p�trole n'en est qu'un des carburants. Ainsi con�u, un tel mod�le de d�veloppement ne pourrait toutefois pas fonctionner avec efficacit� sans un socle politique marqu� par une grande stabilit�, r�sultant de la pr�dominance d'un syst�me sociald�mocrate guid� par la recherche permanente du consensus social entre tous les partenaires sociaux. Cette politique est favoris�e par l'existence de syndicats repr�sentatifs (54% des salari�s sont syndiqu�s), puissants et disposant de liens �troits avec les principaux partis politiques (dont le Parti travailliste, qui repr�sente 31,6% des �lecteurs)), par la centralisation des n�gociations salariales, et par le sens des responsabilit�s partag� par tous les partenaires sociaux, davantage soucieux de �g�rer� la soci�t� et d'�viter les surench�res. Ainsi, les principaux groupes d'int�r�ts sont p�riodiquement engag�s dans la pr�paration et dans l'application des d�cisions politiques. Pour ces raisons, on constate un comportement relativement consensuel au niveau de l'ensemble des �lites politiques norv�giennes �tous bords confondus �. Cette d�marche se traduit par une forme de gouvernance d�autant plus appr�ci�e au niveau international que les r�sultats en termes de d�veloppement sont �loquents. Le PIB moyen par habitant a �t� multipli� par six en une quarantaine d�ann�es. En 2007, le revenu annuel moyen par habitant est de... 82 711 dollars. Au-del� de ces r�sultats financiers, le pays obtient aussi des performances exceptionnelles en mati�re de d�veloppement humain, puisque la Norv�ge, avec un indice de d�veloppement humain (IDH) de 0,968 (sur une �chelle de 0 � 1), se classe au second rang mondial (derri�re l'Islande� qui vient de faire faillite suite � la crise financi�re !). Bien entendu, tout cela ne prot�ge pas la Norv�ge, ni son fonds souverain des turbulences de la crise financi�re mondiale. En 2008, le Fonds norv�gien n�a pas �chapp� � la chute des cours et l�on estime � 20 milliards de dollars les pertes subies. Comme ses homologues europ�ens, le gouvernement norv�gien a annonc� qu'il allait �mettre de nouvelles obligations d'Etat pour un montant de 350 milliards de couronnes (41,7 milliards d'euros) aupr�s des banques afin d'augmenter les liquidit�s sur les march�s. Il n�emp�che, sur le long terme, le fonds reste largement rentable et la Norv�ge poursuit sa strat�gie �thique et respectueuse du d�veloppement durable. Ainsi, en pleine d�b�cle financi�re mondiale, le gouvernement norv�gien vient de pr�senter son budget 2009 dans lequel il propose d�allouer 26,2 milliards de couronnes (soit 3,3 milliards d�euros) � l�aide publique au d�veloppement (APD). Ceci correspond � une augmentation de 3,9 milliards de couronnes (488 millions d�euros) par rapport � 2008, et permet ainsi � la Norv�ge d�atteindre l�objectif d�allouer 1% du PIB � l�APD. Vers un n�o-fordisme rentier ? Au bout du compte, que retenir de cette br�ve analyse des fonds souverains : ils se d�veloppent y compris dans les pays �occidentaux� ; ils suscitent � la fois int�r�t et inqui�tudes ; ceux qui recherchent (ou que l�on veut cantonner dans) la seule performance financi�re s�inscrivent dans une relation de soumission � la logique du capitalisme financier mondial et s�appuient, le plus souvent, au niveau national sur ce qu�on pourrait appeler un �capitalisme rentier d�Etat� ; ceux qui sont les plus performants en termes de d�veloppement global sont adoss�s � des gouvernements d�mocratiques ayant une strat�gie de d�veloppement humain et durable bas�e sur une �conomie productive performante, un commerce et des investissements ext�rieurs au service du d�veloppement national. D�s lors, quel sera l�avenir de ces fonds souverains ? Tout d�pendra, en dernier ressort, de l��volution de la crise et plus largement du capitalisme financier international. Si la crise est surmont�e sans trop de d�g�ts �conomiques et sociaux, celui-ci, je le pense, se transformera pour longtemps en �n�o-fordisme rentier�, c'est-�-dire en un syst�me o� les Etats lib�raux s�impliquent � nouveau fortement et durablement dans la r�gulation aux c�t�s du march�, pour renforcer l�alliance des rentes et des profits au d�triment des salaires. Dans ce cas, celui-ci s�accommodera davantage d�un �capitalisme rentier d�Etat� dans les pays �mergents. R�sultat : les fonds souverains du type norv�gien auront beaucoup de mal � se multiplier et � contribuer au d�veloppement r�el de leurs pays, notamment au sud et � l�est de la plan�te. A l�inverse, si la crise se prolonge avec son lot de drames humains, sociaux, environnementaux, dans les pays riches comme dans les pays pauvres, alors tout peut arriver et de nouveaux compromis politiques devront �tre nou�s entre les Etats, les entrepreneurs productifs et les salari�s contre les rentiers de tous poils, responsables de la catastrophe. Histoire de ne plus confondre rendements financiers et performances �conomiques, croissance financi�re et d�veloppement r�el, fortunes de quelques-uns et mis�re du plus grand nombre. Dans ce cas, les fonds souverains du type norv�gien auraient alors un bel avenir en tant qu�outils d�une r�gulation publique porteuse de d�veloppement pour tous. Bien s�r, l�id�al serait que la crise soit rapidement surmont�e et sans trop de d�g�ts, et qu�en m�me temps, l�alliance des rentiers et des gestionnaires soit rompue au profit d�une nouvelle alliance entre les entrepreneurs et les salari�s. Cela suppose une formidable mobilisation populaire partout dans le monde. L��tat des forces en pr�sence le permettra-t-il, notamment aux Etats-Unis ? L�effet Obama ira-t-il jusque-l� ? S. G.