L�ancien pr�sident de la R�publique, Chadli Bendjedid, a choisi la tribune offerte par le colloque sur la vie du moudjahid Amara Laskri, dit Bouglez, chef de la base de l�Est de l�ALN, organis� jeudi dernier au centre universitaire, pour sortir de sa r�serve et faire part de �ses v�rit�s� sur la r�volution de Novembre, les dissensions et les diff�rends des chefs des wilayas historiques avec le GPRA (Gouvernement provisoire de la R�publique alg�rienne dont Ferhat Abbas �tait le pr�sident), des �faits� sur la v�ritable nature de certaines personnalit�s historiques ainsi que les p�rip�ties de son accession au pouvoir apr�s la mort de Boumediene et sur les �v�nements du 5 Octobre 1988. R�pondre aux assertions et aux �crits sans fondement sur l�histoire de la base de l�Est. S�adressant � une assistance nombreuse, qui d�passait les 1 000 personnes, compos�e de moudjahidine, d��tudiants et d�intellectuels, Chadli annoncera d�embl�e la couleur : �Je veux rectifier certaines d�clarations et �crits qui ont abord� l�histoire de la base de l�Est�, avertira-t-il. �Au d�but de la R�volution, cette r�gion �tait appel�e zone de Souk-Ahras command�e, par ailleurs, par Amara Laskri dit Bouglez. D�s le d�clenchement de la R�volution, des dissensions et des diff�rends sont apparus entre deux chefs d�envergure, � savoir Amara Laskri et Mostefa Benaouda. Le quartier g�n�ral de la zone de Souk-Ahras a �t� �tabli � B�ni Salah, distant de 50 � 60 km des fronti�res tunisiennes, et limitrophe de la Wilaya 2 (Constantinois) et son QG bas� � Smando (actuelle localit� de Zighout Youcef, ndlr). Il faut savoir que nous avons voulu tenir le congr�s de la R�volution, au d�but, � Beni Salah, puis une autre d�cision fut prise pour sa tenue dans la vall�e de la Soummam. Ledit congr�s fut tenu sans la pr�sence de le zone de Souk-Ahras. Lors de ce conclave, le probl�me de ladite zone fut abord�. Le point de vue des chefs de notre zone a �t� d�fendu par le chef de la Wilaya 2. La zone de Souk-Ahras a �t� d�cr�t�e, apr�s la cl�ture des travaux, zone des perturbateurs, mouchaouichine. La sentence est tomb�e. On nous a coup� les vivres, l�armement et l�habillement. Pour faire face � de telles d�cisions, Amara Laskri d�cida de proc�der � la collecte du li�ge et � sa vente � des entreprises tunisiennes. Nous avons demand� aux autorit�s tunisiennes une exon�ration des taxes. Bourguiba a refus� du fait de nos accointances avec le leader tunisien Salah Ben Youcef. Il faut savoir que l�organisation de Salah Ben Youcef repr�sentait les �lites alors que la base de Bourguiba �tait implant�e essentiellement dans les zones rurales. Cependant, Amara Laskri entreprit des contacts avec Krim Belkacem, membre du CCE, � Tunis. Lors de leur rencontre, Krim indiqua que compte tenu de sa superficie, la zone ne pouvait pr�tendre � devenir une Wilaya. Une autre rencontre a eu lieu dans une ferme appartenant � un Tunisien d�origine alg�rienne, situ�e entre les villes de Beja et Souk- Larba�. Pour cette rencontre, Krim d�p�cha son adjoint Ouamrane. Laskri nous a convoqu� (les 3 chefs de r�gion que compte la zone de Souk-Ahras) pour discuter du devenir de la zone avec l��missaire du CCE. Nous l�avons persuad� que nous avions une organisation disposant de bases et, apr�s avoir inform� dans le d�tail le CCE, la wilaya de Souk- Ahras changea d�appellation pour devenir la base de l�Est. Nous manqu�mes de ravitaillements. C��tait une solution pour sauver les apparences.� Les dissensions atteignent leur paroxysme Evoquant les dissensions entre chefs de wilayas, l�ex-pr�sident poursuit : �La crise s�est aggrav�e et s�est d�velopp�e. Il y avait une guerre de leadership entre tous les responsables. Par ailleurs, des contacts ont �t� entrepris avec les chefs de la Wilaya 1 (Aur�s). Nous n��tions pas satisfaits par le travail du CCE et du GPRA. Des contacts ont eu lieu �galement avec la Wilaya 3.Il est imp�ratif de savoir que le trio Krim Belkacem, Ben Tobbal et Boussouf avait une grande influence sur les d�cisions du GPRA.��Pour parer aux diff�rends qui prenaient chaque jour des proportions alarmantes, le GPRA a d�cid� de mettre en place deux commandements : le commandement de l�Est, sous la houlette de Mohamedi Sa�d, et celui de l�Ouest, men� par Boumediene et Slimane Hoffman.� �Le commandement de l�Est et le CCE ont d�cid� de la dissolution de la base de l�Est avec, comme premi�re d�cision, l�envoi de Amara Laskri comme attach� militaire � Bagdad. Pendant cette p�riode trouble, le r�gionalisme a atteint son paroxysme. Apr�s la condamnation � la peine capitale de Abane Ramdane, la direction de la R�volution s�est divis�e en deux groupes distincts. D�un c�t�, il y avait les Wilayas 1 et 2, en plus de la base de l�Est, et de l�autre c�t�, les wilayas 4 et 5 et le GPRA. Nous avons voulu changer compl�tement le trio et le remplacer par le duo Ferhat Abbas et Lamine Debaghine, et ce lors de la r�union de Kef, en Tunisie. Pendant cette p�riode difficile, chaque Wilaya essaya d�influencer le commandement politique � l��tranger. L�arm�e des fronti�res, compos�e de 10 000 djoundi qui n�avaient d�autre fonction que de manger et boire. Il y avait une purge. Beaucoup de responsables ont �t� arr�t�s avec l�aide et les moyens militaires des Tunisiens.� La promotion Lacoste infiltre l�ALN Abordant la question des grad�s de l�arm�e fran�aise qui ont rejoint la R�volution sur le tard, il r�v�lera avec beaucoup d�ironie qu��il n�y avait pas de confiance entre nous. C��tait un climat d�l�t�re et de suspicion qui y r�gnait. Ils nous ont envoy� des grad�s d�serteurs de l�arm�e fran�aise. Sentant la fin de leur pr�sence sur notre sol, les Fran�ais ont pr�par� leurs suppl�tifs et pour placer leur personnel dans les administrations et autres institutions. Pour la base de l�Est, c��tait Khaled Nezzar, et ce en tant que conseiller militaire. L��tat major de l�arm�e a d�couvert apr�s coup que les grad�s de l�arm�e fran�aise sont en r�alit� des espions travaillant pour le compte du GPRA et des 3 B ( Le Complot des colonels, c�est le titre d�un livre sur le sujet). Apr�s leur �viction, la confiance est revenue au sein des unit�s et nous avons pu porter des coups assez forts � l�arm�e fran�aise.� La prise du pouvoir par l�arm�e Poursuivant son t�moignage, Chadli dira que �compte tenu des dissensions inconciliables entre les responsables politiques, j��tais convaincu que la seule solution r�sidait dans la prise du pouvoir par les armes. Je ne voyais pas de solution politique. J�ai rencontr� Boumediene sur le territoire de la wilaya d�El-Tarf. C��tait, pour nous deux, l�ultime et l�unique solution. Heureusement, les choses se sont d�roul�es sans que le sang n�ait coul�. Il faut savoir que les Wilayas 3 et 4 ont voulu prendre les armes pour nous emp�cher d�entrer dans la capitale. C�est gr�ce � la sagesse de Mohand Oulhadj, qui avait une position nationale, que nous avons evit� le pire. Nous avons en premier lieu contact� Boudiaf pour qu�il devienne le premier pr�sident de l�Alg�rie ind�pendante. Ce dernier a refus� au motif qu�il ne voulait pas �tre sous la tutelle de l�arm�e. Nous avons par la suite choisi Ben Bella. Tous les probl�mes se sont d�roul�s dans l�est alg�rien. A l�ouest, il n�y avait rien�. L�accession au pouvoir apr�s la mort de Boumediene Concernant son investiture � la t�te de l�Etat en 1979, � la surprise g�n�rale, il pr�cisera que �toutes les responsabilit�s m�ont �t� impos�es. Boumedi�ne, sentant sa fin approcher, a demand� � ses proches et � certains membres du gouvernement de me confier la direction du pays. Auparavant, il m�avait demand� d�assurer la s�curit� de l�Etat. Il faut savoir qu�il y avait 7 postulants � la succession, dont 3 membres du Conseil de la r�volution. Ce que je sais, c�est qu�une r�union des chefs militaires a eu lieu dans une �cole et que l�arm�e a d�cid� que moi seul devait succ�der � Boumedi�ne�. Le cas Cha�bani �La fin de la r�bellion de Cha�bani contre le pouvoir de Ben Bella a �t� solutionn�e pacifiquement. Cha�bani est retourn� � Biskra o� je m��tais �galement rendu en tant que chef de la 5e R�gion militaire. Cha�bani s�est rendu au Sud. Il a demand� de rendre ses armes � Sa�d Abid. Un tribunal d�sign� par Ben Bella a �t� constitu�. Boumedi�ne m�a inform� que Ben Bella a exig� sa condamnation � la peine capitale. Le tribunal �tait constitu� de moi-m�me, de Bensalem et de Sa�d Abid. Ce dernier a demand� � Ben Bella d��pargner la mort � Cha�bani. Il a refus� cat�goriquement. �Pas question, il doit �tre ex�cut� demain� a-t-il r�pondu � Sa�d Abid et c�est ce qu�il m�a racont�. Sa�d Abid a m�me �t� insult� par Ben Bella parce qu�il a os� solliciter une deuxi�me fois la gr�ce pour Cha�bani. Il est �vident que pour �viter des r�v�lations compromettantes Ben Bella tenait a ex�cuter Cha�bani dans la pr�cipitation. Je d�fie quiconque de contredire cette v�rit� �, a martel� Chadli Benjedid, les larmes aux yeux. Le cas Tahar Zbiri Abordant, avec �motion, l�histoire de la tentative de coup d�Etat de Tahar Zbiri pour accaparer le pouvoir en �vin�ant Boumedi�ne, l�ex-pr�sident apportera un �clairage pr�cieux. �J��tais invit� � un d�jeuner chez Sa�d Abid. Au moment du caf�, il me posa cette question : elle te pla�t la situation du pays ? L� j�ai compris que quelque chose �tait en pr�paration. Je lui avais indiqu� clairement : je ne veux pas que l�arm�e devienne comme celles des pays du Tiers-Monde. Je lui avais conseill� de poser le probl�me au Conseil de la r�volution. Dans l�apr�s midi, je me suis rendu au domicile de Tahar Zbiri � El-Biar, pour qu�il n�y ait pas d��quivoque sur ma position. J��tais contre ! Dans la vie, il faut trancher sur les positions � adopter. J�ai dit � Zbiri : on se conna�t et je suis contre la violence. Apr�s, je me suis rendu chez Boumedi�ne, Il �tait dans tous ses �tats. Un climat d�l�t�re r�gnait. Deux jours apr�s, la tentative a eu lieu. Il faut savoir que des blind�s de Chlef voulaient entrer dans la capitale. J�ai plac� 2 sections de �bazookistes� � El Afroun pour arr�ter leur progression. Tahar Zbiri au pouvoir, cela aurait �t� une v�ritable catastrophe. Sa�d Abid a �t� ex�cut�. C�est ce que je pense et c�est ce qu�affirme sa femme. Il faut savoir que pendant cette p�riode, Zerdani (ministre du Travail de Ben Bella) �tait derri�re le probl�me de la wilaya IV. Ben Bella �tait derri�re le probl�me du groupe d�Oujda. Les officiers de l�arm�e fran�aise derri�re le probl�me de Tahar Zbiri. C��tait, en somme, des r�glements de comptes au d�triment de l�int�r�t supr�me de la nation.� Les �v�nements du 5 octobre 1988 �Sur cette question, beaucoup de choses ont �t� �crites, particuli�rement sur les origines de ces �v�nements. Je peux affirmer qu�elles sont fausses ! Il faut savoir que j�ai engag� des r�formes pour mettre en place un autre syst�me. Des gens ont eu peur � cause des �lections en perspective. J�ai �t� insult� et accus� � tort. J�ai dit la v�rit�. Je d�fie quiconque de dire le contraire. Les g�n�rations futures doivent conna�tre la v�rit� �, a conclu l�ancien pr�sident, avant de promettre d�autres r�v�lations sur les v�ritables tenants et aboutissants de ces �v�nements.