Finalement cette sortie malheureuse vient nous rappeler 50 ans après, que l'Algérie vit toujours au rythme du clanisme et des coups fourrés. En cette fin de l'année 2008, l'ancien président de la République, aura retrouvé sa muse en braquant sur lui-même les feux de l'actualité pendant toute une semaine. Et de quelle manière! Il égratigne son monde à deux reprises: lors du Colloque national sur Amara Bouglez, fondateur de la Base de l'Est, qui s'est déroulé, jeudi 27 novembre 2008, au centre universitaire d'El Tarf et dans sa lettre qui a été publiée, jeudi dernier, par deux quotidiens nationaux. Ni les anciens officiers de l'ALN issus de l'armée française, ni les organisateurs du Congrès de la Sommam, ni les journalistes n'ont échappé aux propos de Chadli lors de ses deux sorties médiatiques successives. Pour les journalistes, (je) «ne blâme pas pour les erreurs qu'ils ont commises dans la transcription des passages de mon intervention, et de les avoir sortis de leur contexte. C'est peut-être dû au fait qu'ils n'étaient pas assez informés sur les faits historiques de la Révolution pour la libération». Au moins six des principaux quotidiens nationaux ont rapporté les mêmes faits. Le fait serait grave pour la corporation si autant de journalistes se seraient trompés dans la transcription des propos de Chadli. N'est-ce pas que c'est lui qui a trop dit et mal dit? n'est-ce pas que l'ancien président, contraint au silence pendant 17 ans, s'est laissé emporter devant un auditoire composé de jeunes et de moins jeunes? Soit, la corporation est relativement jeune et donc passible d'erreurs. Et les autres étalages? La base de l'Est, nul n'ignore les bisbilles qu'il y a avait entre les Hrarakta et les Nememchas dans cette région. Pour le Congrès de la Soummam, il a bien eu lieu en terre algérienne. Revenir aujourd'hui sur le pourquoi de son déroulement en Kabylie et non à El Tarf, appelle à d'autres intentions plus graves. Loin d'être un tyran, un dictateur ou un rancunier, «le bon vieux Chadli» a pourtant malmené, dans sa lettre, les officiers de l'ALN issus de l'armée française. Mais qui peut donc ignorer le rôle majeur de cette catégorie d'officiers dans l'organisation et la structuration des rangs de l'ALN? En tout cas, les chef historiques comme Krim Belkacem et Abane Ramdane ont compris que l'Algérie ne pouvait pas s'offir le luxe de tourner le dos à ses enfants issus de grandes écoles militaires comme Saint Cyr. Bien au contraire, l'Algérie qui luttait pour son indépendance en avait grandement besoin. Ils ont tourné le dos à des carrières militaires brillantes pour rejoindre les maquis de l'ALN. Sur ce chapitre, le général à la retraite Khaled Nezzar en connaît quelques lignes. Il a d'ailleurs un droit de réponse puisque le président Chadli s'est fait une mise au point à lui- même dans sa deuxième lettre. Le général Nezzar est un officier de l'ALN issu de l'armée française et il n'est pas le seul. Nezzar frappe en plein cible quand il pose les vraies questions et soulève les contradictions: «Dire de moi que je fus "un espion de la France", pourquoi m'avoir alors accepté dans la fonction d'adjoint militaire de la zone qu'il commandait à l'époque, puis sous son commandement lorsque lui-même était adjoint au commandant Abderrahmane Bensalem, de 1960 à l'Indépendance? Pourquoi, alors que je ne suis à ses yeux qu'un transfuge, ne s'était-il pas passé de mes services? Au contraire, j'ai grimpé les plus hautes marches sous son commandement puisque, à la mort de Boumediène, je n'étais que lieutenant-colonel, commandant les troupes aéroportées.» Blessé, le général Nezzar ajoute en guise de réplique: «En tout état de cause, l'essentiel pour moi, était d'avoir su profiter de cette opportunité pour la mettre d'emblée, au sortir de l'école, à la disposition de la Révolution armée.» Par ces propos, il signifie à Chadli que le patriotisme n'est pas seulement l'apanage de ceux qui ont rejoint le maquis avant les autres. Et voilà le général qui lâche la question: en fait dans quelles circonstances Chadli Bendjedid avait rejoint le maquis? il y a d'autres questions aussi: pourquoi ces «pamphlets» de Chadli maintenant et pas avant? Pourquoi, pour l'hommage rendu à Amar Laskri dit Amara Bouglez, certains furent invités et d'autres intentionnellement oubliés? Cette réunion n'était-elle pas orchestrée à l'avance pour, simplement, donner la parole à Chadli Bendjedid? Finalement, cette sortie malheureuse brise, auprès des nouvelles générations, le mythe de la Révolution et celui du Moudjahid. Connu pour sa sagesse et son sens de la mesure, cette fois-ci Chadli a un peu trop forcé sur la gâchette. Quelque chose n'a pas bien fonctionné ce jour-là chez lui et il fallait donc le rappeler à l'ordre. C'est ce qui a été fait apparemment.