Maktabet El-Istikama Librairie de droiture), Maktabet Nour El-Kitab Librairie Lumi�re du livre), Maktabet El Mouhadjirine Librairie des Emigr�s - Mekkois �migr�s � M�dine avec le Proph�te Mohammed (QSSSL))� et bien d�autres appellations du m�me r�pertoire. Par d�finition, ces enseignes renvoient � une activit� bien pr�cise, celle de la vente du livre et de la papeterie. Cependant, les magasins en question, lou�s souvent assez cher, commercialisent des gammes h�t�roclites de produits et ne proposent que rarement les affaires scolaires. On y trouve des tenues afghanes, des tchadors, des foulards, des livres religieux, des enregistrements d�imams orientaux et m�me des pr�parations � usage m�dicamenteux. Une activit� qui prolif�re de mani�re consid�rable � Constantine, mais qui ne semble d�ranger ni les autorit�s administratives ni les services de s�curit�. Est-elle codifi�e en termes de la nomenclature des activit�s commerciales autoris�es en Alg�rie ? On croit savoir que les pr�tendants � une telle activit� demandent aupr�s de l�administration comp�tente, le plus souvent, des registres du commerce pour papeterie. Le d�tenteur d�un tel document peut, il est vrai, vendre, en guise d�activit�s accessoires, des produits cosm�tiques, des disques et cassettes, du tabac, des journaux et des puces t�l�phoniques. N�anmoins, la r�glementation ne lui donne pas le droit de vendre les v�tements et les m�dicaments en m�me temps. Mieux encore, la loi interdit la vente des compositions � usage m�dicamenteux en dehors des pharmacies, et ce, y compris pour les herboristes qui sont autoris�s � vendre uniquement les �plantes m�dicinales non vineuses, fra�ches ou s�ches�. C�est-�-dire, ils ne peuvent en aucun cas commercialiser des pr�parations ou des compositions � usage m�dicamenteux. Les pr�parations commercialis�es dans ces �librairies� sont fabriqu�es � base d�huile, de miel, de vinaigre, de gingembre et autres plantes� Des ingr�dients que le Proph�te Mohammed (QSSSL) utilisait, � en croire ces commer�ants, pour traiter les malades et qui ont d�autres usages esth�tiques. La quasi-totalit� de ces produits sont import�s, notamment de l�Arabie saoudite. Des importateurs profitent de la promotion faite pour cette �m�decine proph�tique� via les cha�nes satellitaires arabes pour inonder le march� de ces produits. En fait, ce commerce ne se limite pas dans des locaux bien encart�s sur un fichier ad hoc, mais s��tend dans les souks et les art�res du centre-ville o� l�espace public est squatt� par des vendeurs � la sauvette. Cette activit� serait-elle rentable au point de devenir aussi attrayante ? Au vu de l�importance du nombre des Alg�riens ayant bascul� vers le conservatisme et qui sont devenus hostiles � toute lecture historique ou scientifique des �critures saintes, il est plausible de penser que �ces commer�ants� investissent un march� bien porteur. C�est plut�t de �n�ocommer�ants � aux traits salafistes qu�il s�agit et dont nombreux b�n�ficient du statut de repentis. Quant � la marchandise, elle serait donc un �produit d�appel�, comme disent les promoteurs des grandes surfaces. D�s lors, il est l�gitime de s�interroger sur la connivence de ces commer�ants avec les groupes de soutien au terrorisme. Plusieurs repentis se sont reconvertis dans le renseignement et le recrutement pour le compte de leurs acolytes encore dans les maquis ou ont carr�ment renou� avec l�activit� criminelle. Les rapports des services de s�curit� sont �loquents. Il est d�autant plus curieux de constater que ce commerce semble prolif�rer telle une toile d�araign�e, alors qu�on pense que c�est un cr�neau peu porteur. A bien d�crypter les propos d�un vendeur, barbu et �g� d�une trentaine d�ann�es environ, abord� au march� hebdomadaire d�El-Khroub, le lien est probable. Ce petit d�taillant, qui vend �galement de la friperie, expose quelques articles (CD, huiles, parfums�) sur un �talage de pi�tre valeur. C�est rentable ce que vous faites ? �Nous ne travaillons pas pour s�enrichir fr�re, mais juste pour gagner notre pain� Nous sommes des �tudiants.� Et d�indiquer que la pommade �Chaleur en profondeur � se vend bien. �Elle co�te 100 DA. Nous la commercialisons � hauteur de 120 DA�, ajoutera- t-il. Cette pommade serait destin�e � soigner �toutes sortes de maux�. Pr�cisons qu�� l�exception d�un nom et d�une adresse d�un importateur de S�tif, aucune mention n�indique le nom du laboratoire qui l�a fabriqu�e. Bref, on ne sait m�me pas si cette pommade est � usage th�rapeutique ou cosm�tique. Vous �tes universitaires ? �Pourquoi, seule l�universit� dispense du savoir !?�, r�pliquera-t-il, un brin hautain. Qu�est-ce que vous �tudiez ? �L�ex�g�se, la sunna�� O� ? �Dans la mosqu�e�, r�torquera-t-il s�chement. D�abord, � l�exception de la r�citation du Coran, l��tat d�urgence, encore en vigueur, interdit l�enseignement dans les mosqu�es, m�me si les textes encadrant cette situation exceptionnelle ont �t� all�g�s. Ensuite, le m�pris de ce vendeur � l��gard de l�universit� et des universitaires d�note d�un fanatisme � prendre au s�rieux. Sur un autre plan, les disques et cassettes commercialis�s promeuvent des courants doctrinaux �trangers � notre conception de l�islam. �Les enregistrements des cheikhs : Abdelhamid Kouchk, Mohamed Hassan, Nabil El Aouadhi, Mohammed Hussein Yacoub se vendent comme des petits-pains �, confiera un autre vendeur. Le premier est un Egyptien. C�est une figure embl�matique du mouvement des Fr�res musulmans. Les trois autres sont des imams d�ob�dience fondamentaliste wahhabite. Ce qui devrait inqui�ter s�agissant de l�avenir des jeunes g�n�rations, initi�es approximativement aux connaissances religieuses. Comble de l�ironie, le livre est devenu un produit de pr�dilection des trabendistes. De l�aveu m�me d�un libraire install� � Constantine, ses pairs ont d�velopp� un syst�me D pour faire introduire les livres interdits � la vente en Alg�rie ou qui co�tent cher � l�importation. Selon ses dires, l�Etat alg�rien encourage, ces derni�res ann�es, l�importation des livres de soufisme. Certains libraires font ainsi leurs emplettes au moyen du �cabas� en passant des commandes, ajoutera-t-il, aupr�s de gens qui voyagent r�guli�rement � l��tranger. Du c�t� de la Direction du commerce de la wilaya de Constantine, on aborde le sujet de mani�re plut�t m�canique. Autrement dit, c�est une infraction � mettre sur le registre de la non-conformit� d�une telle pratique aux activit�s inscrites sur le registre du commerce. Aucun bilan sp�cifique n�a �t� �tabli par ladite administration. �Je ne crois pas que �a prolif�re de mani�re aussi inqui�tante. En tout cas, nous avons constat� plusieurs infractions s�agissant de ce cr�neau pr�cis. Je me souviens qu�un commer�ant activant au centre-ville et disposant d�un registre du commerce pour vente d�habillement mais commercialisant des CD et autres articles, a �t� somm� par les contr�leurs � se conformer � la r�glementation �, dira le chef du service de contr�le pr�s de cette administration. Pour sa part, le charg� de communication de cette direction et non moins chef de service de la qualit� a d�clar� que la Direction du commerce n�est pas le seul intervenant dans la cha�ne de contr�le. Selon ses termes, son service ne s�int�resse qu�aux commerces �tablis. Sinon, le march� informel est, ajoutera-t-il, du ressort des services de s�curit�. D�autant plus que la Direction du commerce intervient uniquement pour prot�ger les marques d�pos�es en Alg�rie. Puisque, argumentera-t-il, il est impossible de reconna�tre les qualit�s d�un produit qui n�est pas d�pos�. Ce sont les services de la sant� qui sont habilit�s � contr�ler les pr�parations � usage m�dicamenteux, selon toujours notre interlocuteur. L. H. Le�on non retenue Quel enseignement a-t-on tir� de notre histoire r�cente, � combien douloureuse ? L�absence de r�action pr�venante et pr�voyante des dirigeants du pays pendant les ann�es 80 face � la mont�e du fondamentalisme islamiste avait plong� le pays dans une spirale infernale de violence et � ce jour, on ne s�est encore pas d�finitivement remis ni d�barrass� des affres de l�int�grisme et du terrorisme. Depuis, les voies et moyens de la propagande ont consid�rablement �volu� et le danger venant du ciel ou via la toile est irr�sistible. M�me l�Etat n�y peut rien. Lorsque, toutefois, le p�ril empreinte des sentiers rudimentaires qu�on peut enrayer par une simple mais stricte application des lois et r�glements et sans faire appel aux dispositions contraignantes de l��tat d�urgence, l�inertie de ce dernier d�note alors sa faillite, voire m�me sa complicit� ne serait-ce que par impr�voyance. En quoi consiste l�activit� des librairies dites �islamiques� et pourquoi prolif�rent-elles de mani�re vertigineuse � telle enseigne que chaque quartier est pourvu de son �coin de paradis� ? Qu�a-t-elle de si rago�tante cette besogne qui fait galoper par les temps qui courent, des salafistes, des repentis et autres int�gristes notoires ? D�o� provient l�argent inject� dans ce cr�neau qui semble avoir tiss� un vaste r�seau o� seuls les barbus sont admis ? Pourquoi les pouvoirs publics sont-ils aussi permissifs face � ce charlatanisme qui fait fi des lois qui r�gissent l�activit� commerciale et qu�ont-ils � ignorer la propagation de ce ph�nom�ne ? Autant d�interrogations qui n��meuvent, pour l�instant, ni les autorit�s administratives ni les autorit�s s�curitaires, ce qui est en soi une autre concession au fondamentalisme islamiste qui n�en demande pas tant pour se r�g�n�rer.