Tikjda, vendredi 12 d�cembre 2008. 11 heures. La station �tait bond�e de monde en ce week-end succ�dant � une semaine de mauvais temps et de baisse sensible du mercure, ce qui laissait pr�sager des chutes de neige au niveau de cette station touristique, situ�e en haute montagne et culminant � plus de 1 500 m�tres d�altitude. Reportage r�alis� par Yazid Yahiaoui Tikjda, un site touristique de r�ve Le site touristique de Tikjda est situ� en plein Parc naturel du Djurdjura (PND), lui-m�me class� r�serve de biosph�re mondiale par l�Unesco depuis 1987. De par la puret� de son climat, ses sources d�eau qui jaillissent un peu partout � longueur d�ann�e, fruit de la fonte des neiges qui s�en vont dans ses tr�fonds en y puisant les plus indispensables min�raux pour donner toute leur saveur � ses eaux limpides, pures et aux vertus th�rapeutiques av�r�es, le paysage f��rique qui l�entoure avec des reliefs montagneux majestueusement fa�onn�s, ses dizaines d�esp�ces floristiques et faunistiques uniques au monde telles que le pin noir dont il ne reste que quelques sp�cimens, le gypa�te barbu, le singe magot, l�hy�ne ray�e, Tikjda est pour tous les f�rus de la nature, notamment parmi les citadins, un espace de r�ve. En plus des moments d��vasion que peut procurer pour les familles cet endroit � l�ombre d�un c�dre mill�naire ou sur une pelouse verdoyante sous un soleil doux du printemps au milieu des ruissellements des sources et des gazouillis des oiseaux, Tikjda c�est aussi les randonn�es p�destres ou en VTT, des escalades, du ski, de la sp�l�ologie pour les amoureux des d�couvertes surtout au niveau des deux grottes du parc que sont la grotte d�Aswil, situ�e � 8 km � l�est du site de Tikjda et dont la profondeur est de plus de 1 000 m, des raids en montagne avec les richesses faunistiques et floristiques, la puret� de l�air et les odeurs exhal�es par les plantes m�dicinales que des milliers de touristes d�couvrent sur les roches escarp�es mais � combien reposantes du Djurdjura. �J�habite Alger et je viens souvent ici. Pratiquement depuis l�ouverture du site en 1978. D�s que je dispose d�un moment de repos, je viens � Tikjda. J�y trouve vraiment le repos de l��me�, dira Najib B. qui venait de rentrer d�une tourn�e laborieuse qui l�a men� jusqu�� Tighzert, l� o� existe la piste de ski de Tignatin qui culmine � plus de 1700 m�tres d�altitude et qui est recouverte d�une bonne �paisseur de neige qui permet aux mordus du ski d�y pratiquer leur sport favori. Cependant, pour cette station justement, Najib encha�ne rapidement : �C�est dommage que les remont�es m�caniques n�existent pas.� En effet, pour atteindre la piste de ski, il faut plusieurs heures de marche � pied, faute de remont�es m�caniques. �Au lieu de faire plusieurs descentes de ski, j�en fais uniquement une � cause du temps que je mets pour y monter�, dira Najib avec d�solation mais sans amertume tant sur les lieux, l�anxi�t� et l�angoisse n�ont pas droit de cit�. Une piste. Il �tait une fois l�h�tel Djurdjura Najib est descendu � l�h�tel Djurdjura appartenant � l�EGTC. Un h�tel public qui risque, si le minist�re du Tourisme ne s�y implique pas, de finir propri�t� du minist�re de la Jeunesse et des Sports. C�est que depuis quelque temps, beaucoup d�encre a coul� sur cette histoire de vente ou de cession, c�est selon, de cet h�tel, unique joyau dont dispose la station de Tikjda pour le grand public, au profit du MJS. Les 29 travailleurs de cet h�tel ne veulent pas entendre parler de cette vente. Ils ne veulent pas �tre rattach�s au MJS et au CNSLT, situ� � quelques dizaines de m�tres de leur h�tel. D�apr�s ces travailleurs, l�histoire de l�h�tel Tikjda est un peu la leur. Ils y ont pass� la majeure partie de leur vie. Ouvert au public depuis 1977, l�h�tel Tikjda, qui dispose de toutes les commodit�s, dont des chambres haut de gamme, un restaurant VIP, un bar et une piscine, a vu d�filer bien des personnalit�s nationales et internationales. Boulil et Belkacem, deux travailleurs qui ont �t� recrut�s au d�but des ann�es 1980, avaient vu, pendant les ann�es du terrorisme, six de leurs coll�gues assassin�s par les hordes terroristes. Ils ont vu �galement leur h�tel br�ler et saccag� par ces m�mes hordes. C��tait le 7 avril 1994. Depuis, l�h�tel attend toujours sa r�novation qui tarde � venir. Car seuls l�auberge, qui compte aujourd�hui une vingtaine de chambres, et l�annexe, qui compte six appartements et 5 chambres, sont r�nov�es et re�oivent un public h�t�roclite qui vient de divers horizons. Des centaines pour ne pas dire des milliers de personnes, des nationaux et des �trangers y s�journent � longueur d'ann�e. Depuis 2000, l�h�tel Tikjda, gr�ce � l�abn�gation de son personnel, ne cesse d'am�liorer ses prestations. Cependant, en ce vendredi, l�ambiance �tait des plus pesantes. Le personnel est d�mobilis�. M�me les clients attabl�s, des habitu�s, n�en revenaient pas. Ils ne reconnaissaient pas ce personnel affable, accueillant et bien souriant. C�est que le moral est au plus bas. Les travailleurs sont abattus par l�id�e que leur h�tel soit vendu au MJS. M�me les clients s�en sont rendus compte et cherchent un moyen d�aider ce personnel, de sauvegarder ce bijou. Pourquoi cet affolement ? Tout simplement parce que l�exemple du CNSLT, qui est situ� un peu plus bas, est �difiant. Pour y acc�der, deux agents post�s devant une barri�re exigent une r�servation. Ainsi donc, pour les personnes ne disposant pas de r�servation, il leur serait impossible d�y acc�der. �C�est une propri�t� priv�e quoiqu�en disent les responsables de ce centre�, dira Bela�d, un Alg�rois habitu� de l�h�tel Djurdjura. Voil� qui est dit. Les appr�hensions des citoyens sont fond�es sur le fait que l�h�tel Djurdjura, s�il venait � �tre c�d� au MJS et rattach� au CNSLT, qui est la propri�t� exclusive du MJS, il s�en serait fini du caract�re populaire et public du site touristique de Tikjda. �Il sera, en quelque sorte, un Club des pins bis, ouvert � quelques privil�gi�s�, nous disent Bela�d et ses amis. �O� �taient ces gens qui veulent brader cet h�tel lorsque le terrorisme battait son plein ?� nous dira un autre habitu� du coin, venu avec sa famille, natif de Tizi-Ouzou, mais habitant Alger. �Vous savez quoi, je vais vous le dire ; ils �taient clo�tr�s dans leurs bureaux � Alger ou refugi�s dans quelques capitales europ�ennes alors que les travailleurs qu�ils veulent aujourd�hui pousser � la porte, �taient l� malgr� les menaces, ce sont les v�ritables gardiens du temple.� Constern� par ce qui arrive aux travailleurs qui l�ont visiblement mis en confidence, le p�re de famille insistera sur cette injustice qui frappe les travailleurs de l�h�tel Djurdjura que les responsables, au niveau central, veulent c�der co�te que co�te. Pourtant, ces travailleurs ne cessaient, depuis 2005, d�alerter l�opinion publique pour que ce joyau soit maintenu avec Gestour et reste la propri�t� du minist�re du Tourisme et, par ricochet, garde sa vocation publique et populaire. Faute de quoi, les travailleurs r�clament leurs droits. Sans plus. C�est-�-dire �tre associ�s � toutes les �tapes de cette cession afin qu�ils garantissent leurs droits. Cela �tant, en ce vendredi, l�h�tel, qui dispose de 29 chambres et 6 appartements, affichait complet jusqu�au mois de janvier. D�apr�s le directeur, depuis 2003, l�argent pour r�nover la partie de l�h�tel qui a �t� d�truite en 1994 par les terroristes existe mais, jusqu�� pr�sent, l�enveloppe n�a pas �t� d�gag�e. Pourtant, avec la r�novation, ce seront 64 chambres de plus qui viendront s�ajouter aux 35 d�j� existantes. �De quoi satisfaire la demande d�une client�le de plus en plus nombreuse � affluer � Tikjda�, dira le directeur qui nous invite � un d�jeuner. Au niveau du restaurant, il y avait des femmes en hidjab et d�autres en pantalon, et sur les tables, on pouvait voir aussi bien des sodas que des bi�res et des bouteilles de vin. C�est aussi cela la tol�rance et le secret de la r�ussite de l�h�tel Djurdjura. Le CNSLT, un autre joyau au service du sport et de la jeunesse Nous quittons l�h�tel Djurdjura pour nous diriger vers le CNSLT ou le Centre national des sports et loisirs de Tikjda. Nous f�mes accueillis par un jeune dont le visage nous �tait familier. C�est Mohand Ameziane, un ancien coll�gue du quotidien Le Matin aujourd�hui disparu des kiosques. Mohand Ameziane est le charg� de communication au niveau du CNSLT. En compagnie de Guerri Ali, pr�sident de la F�d�ration nationale de ski et charg� de l�exploitation du Centre, nous avons fait le point sur l�historique du CNSLT et ses projections. L�histoire du CNSLT remonte au d�but des ann�es 1980, plus exactement avec la visite du pr�sident Chadli Bendjdid � Bouira. Ayant appris que le taux d�occupation du CNSLT �tait de seulement 5 %, et afin de le rentabiliser, le pr�sident Chadli ordonna de le transf�rer au minist�re de la Sant� et d�en faire un h�pital de 150 lits. Quelque temps plus tard, le projet d�h�pital n�ayant pas �t� concr�tis� pour des raisons qu�on ignore, le Centre fut transf�r� au minist�re de la Solidarit� puis, en 1990, le wali de Bouira a transmis le dossier au minist�re de la Jeunesse et des Sports qui �tait alors dirig� par Leila Aslaoui. La d�cision de cr�ation du Centre national des sports et loisirs de Tikjda fut paraph�e en octobre 1993 avec l�av�nement de Sid-Ali Lebib � la t�te du MJS et les travaux de r�alisation du centre ont repris officiellement en 1994 mais, apr�s l�incursion terroriste d�avril de la m�me ann�e, ils ont �t� suspendus. A l��poque, pour sauvegarder ses biens, le CNSLT a embauch� une cinquantaine de GLD qu�il payait sur son propre budget. En 1997, avec la ma�trise progressive du volet s�curitaire, les travaux ont repris et en 2000, une convention portant transfert d�un bloc de 300 lits au profit du COA a �t� sign�e. Cette convention a �t� faite pour permettre au COA d�assurer une bonne prise en charge des sportifs d�sireux de faire leur pr�paration en haute altitude et surtout aux athl�tes de haut niveau apr�s la r�alisation du stade d�Aswel et de la piste d�athl�tisme qui culmine � 1 700 m�tres d�altitude. Cependant, en 2005, le CNSLT a r�sili� cette convention et a r�cup�r� le bloc. Aujourd�hui, le CNSLT dispose de deux blocs d�une capacit� de 300 lits chacun, et d�une carcasse de 400 lits qui fait l�objet d�une expertise avant d��tre r�nov�e pour en faire d�autres chambres et �ventuellement un complexe m�dico-sportif. En contrebas de ce centre m�dico-sportif, une piscine olympique et une salle omnisports sont pr�vues. Cependant, au niveau des deux blocs de 300 lits chacun, actuellement, seuls 250 lits sont disponibles pour les sportifs et le public. Le deuxi�me bloc qui a �t� r�cup�r� du COA, est en r�novation. Lorsqu�on lui demande pourquoi les gens redoutent le CNSLT, M. Guerri r�pond que le CNSLT est une Epic, ouverte aux sportifs et aux familles, aux associations tant sportives que sociales comme celles des malades chroniques (le diab�te, l�asthme, la tension art�rielle, etc.), � tous les jeunes �g�s de plus de 18 ans mais �galement � tous les enfants et �coliers. Cinq skieurs alg�riens en stage au Val-d�Is�re Les deux responsables nous ont fait visiter un des blocs avec les salles de d�tente, celle des Jeux, des machines � laver pour le linge du personnel, les buanderies, les chambres o� sont entrepos�es la literie et les serviettes qui sont chang�es quotidiennement, les matelas, les d�tergents ainsi que les t�l�viseurs qui sont chang�s d�s que l�un d�eux tombe en panne. Les deux responsables nous ont montr�, �galement, une salle o� sont entrepos�s une centaine de chaussures de ski et tous les accessoires de ce sport. �Toutes ces chaussures sont mises � la disposition des enfants gratuitement. Les directeurs d��cole et les associations sont invit�s � envoyer r�guli�rement les enfants afin qu�ils pratiquent ce sport sensationnel�, dira M. Guerri qui, en plus d��tre responsable au sein du CNSLT, est pr�sident de la F�d�ration nationale de ski. A propos de ski, M. Guerri, qui nous annon�a l�envoi cette semaine de cinq athl�tes au Val-D�Is�re en France pour participer aux comp�titions qualificatives pour le championnat du monde qui aura lieu en f�vrier prochain dans le m�me lieu, ainsi qu�aux Jeux olympiques de Vancouver en 2010, regrette le manque de remont�es m�caniques vers la piste de ski. Mais, il dira que le probl�me est actuellement pris en charge. Site de Tikjda, lieu de tourisme et de sport Ainsi, avant de quitter les lieux, nous avons pu comprendre la probl�matique qui s��tait pos�e � nous au d�but. Entre les appr�hensions des gens qui ne veulent pas voir l�h�tel Djurdjura �tomb� entre les mains du MJS, � des appr�hensions �manant des citoyens qui pensent que de cette fa�on, Tikjda serait devenue une propri�t� priv�e comme Club des pins, c�est-�dire la propri�t� exclusive des nantis du syst�me et de quelques privil�gi�s � et les responsables du CNSLT qui jurent par tous �les saints� que le Centre n�a jamais ferm� ses portes au public, nous avons d�duit ceci : Au niveau du CNSLT, il existe deux blocs qui ont une capacit� totale de 600 lits, et une carcasse de 400 lits qui attend d��tre r�habilis�e pour l�accueil d�autres lits, ainsi qu�un centre m�dico-sportif. Par cons�quent, m�me si les responsables du CNSLT, � l�image de Mohand Ameziane, affichent un optimisme tr�s mesur� avec des projections qui en feraient un centre de standing mondial, le MJS n�aura plus besoin de nouvelles infrastructures. De plus, pr�sentement, le minist�re du Tourisme, qui ambitionne de faire de son secteur un facteur de d�veloppement durable, devra, d�s � pr�sent, non pas brader les structures existantes telles que le joyau de Tikjda qu�est l�h�tel Djurdjura mais le r�nover en urgence et penser � son extension. Les touristes �trangers ainsi que les citoyens alg�riens veulent venir � Tikjda pour se d�fouler et oublier les bruits assourdissants de la ville et les pressions interminables du travail, sans passer par une quelconque tutelle pour un s�jour dans cette nature sublime. C�est de cette fa�on et seulement de cette fa�on que la station touristique de Tikjda pourra jouer les premiers r�les dans le cadre du tourisme de montagne et de l��cotourisme � l��chelle mondiale. Le minist�re du Tourisme et celui de la Jeunesse et des Sports doivent s�y atteler ensemble pour faire de Tikjda un lieu de vill�giature de renomm�e mondiale.