Difficile de savoir de quoi sera fait l'Irak de demain. Les Etats-Unis, qui vont retirer progressivement leurs troupes d'Irak, laissent un pays exsangue, voire au bord de l'implosion ethnicoconfessionnelle, avec un Kurdistan pratiquement ind�pendant, un sud chiite avec Bassorah pour capitale et une r�gion � forte dominante sunnite situ�e au nord-est de Bagdad. Reste que les �lections pour le renouvellement des Conseils r�gionaux de 14 sur les 18 provinces que compte l'Irak qui se sont d�roul�es samedi vont peut-�tre modifier la donne politique. En effet, le moins qu'on puisse dire est que le scrutin de samedi, qui a vu une participation de 51% d'�lecteurs, s'est traduit par un recul sensible des partis religieux aussi bien dans les r�gions chiites que sunnites. Dans les neuf provinces chiites, la liste du Premier ministre irakien, Nouri al- Maliki, �Coalition pour un Etat de droit�, que personne ne donnait gagnante, a cr�� la surprise : elle a devanc� les deux principales formations politico-religieuses chiites, le Conseil supr�me islamique d'Irak (CSII) d'Abdelaziz al-Hakim, proche de T�h�ran, et le mouvement de l'imam radical, Moqtada Sadr. Mieux, ces formations politico-religieuses sont devanc�es par la liste se d�clarant ouvertement la�que de l'ancien Premier ministre int�rimaire en 2004, Iyad Allaoui. Comprenant le Parti communiste irakien, d'anciens membres du Baath en disgr�ce au temps de Saddam Hussein et de personnalit�s politiques la�ques, cette liste est arriv�e en deuxi�me position � Bagdad et dans plusieurs r�gions du pays. Et ce, alors que les listes la�ques ont �t� cibl�es par plusieurs attentats � Bagdad et dans le nord-est du pays. Plus g�n�ralement, la participation des Arabes sunnites, qui avaient boycott� les �lections pr�c�dentes (en 2005), a chang� la donne dans les r�gions o� ils sont d�mographiquement majoritaires. Dans ces r�gions sunnites, ce scrutin a fait une victime de taille, le Parti islamique irakien, �manation du Mouvement des Fr�res musulmans, qui, du fait du boycott �lectoral des sunnites en 2005, contr�lait la r�gion d'Al Anbar et co-pr�sidait, avec les partis kurdes, l'importante r�gion p�troli�re de Ninive dont Mossoul est la capitale. Les relations privil�gi�es entretenues avec la confr�rie des Fr�res musulmans en Egypte et le Hamas palestinien ne lui ont pas servi � grand-chose. Au plus fort des violences, la majorit� sunnite ne lui a pas pardonn� ainsi qu'� d'autres partis d'avoir accept� la main tendue de Washington pour participer aux �lections de 2005 � l'abri des chars US. A Al- Anbar, c'est le mouvement Sahwa constitu� par les anciennes milices sunnites ayant combattu les forces am�ricaines avant de se retourner contre Al-Qa�da qui a remport� les �lections. A Ninive, r�gion de Mossoul, c'est la formation sunnite Al- Habda, constitu�e d'anciens membres de l'ex-Ba�th au pouvoir, qui a mis fin au r�gne des partis kurdes et de leur alli� le Parti islamique irakien. A Diyala, la victoire �lectorale de Sahwa a mis fin au r�gne des partis chiites. Le double recul �lectoral des partis religieux aussi bien en r�gion chiite que sunnite, sur fond de d�clin d�Al-Qa�da, ne signifie nullement que l'Irak est en voie de solder un pass� r�cent caract�ris� par une extr�me violence sous occupation am�ricaine. La reconstruction du pays ne sera pas une sin�cure : l�occupation de l�Irak s�est traduite par la destruction du tissu socio-�conomique, la s�paration des diff�rentes communaut�s par des murs de b�ton � Bagdad, et un retour en force du religieux dans tous les domaines de la vie sociale. Toutefois, la mont�e remarqu�e des partis non religieux montre qu'en d�pit de pr�s de six ans de guerre interconfessionnelle (et contre l'occupation am�ricaine), de blessures non cicatris�es, l'Irak n'a pas tout � fait rompu avec l'h�ritage la�que du ba�thisme.