Les résultats partiels qui donnaient lundi les chiites largement en avance à Baghdad ont été contestés hier par les sunnites et les laïcs. Premiers résultats, premières grognes notamment chez les sunnites et les laïcs chiites peu satisfaits des scores annoncés lundi par la commission électorale indépendante (CEI). Selon les projections données par la CEI, la liste chiite conservatrice de l'Alliance unifiée irakienne (AUI) arrive largement en tête à Baghdad avec 58,72% des voix après dépouillement de près de 89% des urnes de la capitale qui sera représentée au Parlement par 59 députés sur les 275 composants la nouvelle Assemblée nationale. Loin derrière viennent les listes sunnites du Front de la concorde nationale et chiites laïcs du Mouvement de l'entente nationale (MEN) de Iyad Allaoui crédités respectivement de 18,9% et 13,5% des suffrages. Ces premiers décomptes partiels rendus publics par la commission électorale ont été contestés par les sunnites et les laïcs qui criaient hier à la fraude. S'exprimant dans une conférence de presse, l'un des leaders de la liste du Front de la concorde nationale, Adnane Al-Doulaïmi, très en colère, n'y est pas allé de main morte déclarant d'emblée: «Nous rejetons ces résultats». M.Doulaïmi a ainsi affirmé: «Si la Commission ne prend pas de mesures qui rendent justice aux autres listes, nous demanderons la tenue d´un nouveau scrutin». Pour sa part, Tarek Al-Hachimi, un responsable du Parti islamique irakien — qui forme avec le Mouvement Ahl Al-Iraq et celui du Dialogue nationale, le Front de la concorde nationale — n'en menait pas large déclarant à la presse: «Le Front conteste ces résultats et les considère frauduleux» avertissant «la Commission électorale peut encore corriger cette situation, sinon elle sera totalement responsable de cette fraude qui aura des répercussions graves sur la situation sécuritaire et économique». Même consternation chez les chiites laïcs du MEN de l'ancien Premier ministre Iyad Allaoui et leurs alliés qui estiment peu fiables les résultats partiels annoncés lundi soir par la commission électorale. «Nous émettons des réserves sur les résultats annoncés et nous demandons une enquête sur les raisons qui ont poussé la Commission électorale à publier de tels résultats incomplets et non précis», a indiqué à la presse Hamid Majid Moussa, chef du Parti communiste et allié de M.Allaoui. Selon M.Moussa, la Commission avait ainsi «nui au processus politique au moment où les Irakiens tentaient de construire un Etat de droit». «Nous ne pouvons accepter ces pratiques qui montrent une préférence de la Commission pour une liste en particulier», a par ailleurs ajouté M.Moussa qui appelle les «partis politiques et le peuple irakien à condamner la Commission pour sa violation de la loi». De fait, la liste des chiites conservateurs de l'AUI caracole en tête du suffrages à Baghdad et dans le sud de l'Irak et est assurée de remporter la quasi-totalité des sièges de la capitale. Dans le sud chiite la liste de l'AUI brasse tout aussi large et devance amplement les autres listes, notamment celle de Iyad Allaoui classée seconde, se positionnant en tête dans les provinces de Babylone, Kerbala, Najaf, Zi Qar, Missane et Bassorah. Autant les chiites conservateurs semblent avoir fait le vide dans le pays chiite autant les Kurdes sont restés maîtres dans le Kurdistan autonome irakien, la coalition kurde assurée d'emporter les trois provinces (selon les résultats provisoires) de cette région qui sont Souleimaniyah, Dohouk (avec un pic de 89% des voix dans cette province) et Erbil, après le décompte de 93% des urnes, indiquent les mêmes sources. Certains de consolider leur position de deuxième force politique du pays, les Kurdes veulent revoir leurs alliances se disant peu satisfaits de la coalition formée avec l'AUI dans le Parlement sortant. Cette insatisfactions avait été exprimée mardi dernier par Massoud Barzani, président du Kurdistan autonome qui avait déclaré à la presse: «Nous n´étions pas satisfaits de cette alliance, parce qu´ils (les chiites de l'AUI) n´ont pas respecté le protocole (d´accord) établi entre nous». M.Barzani ajouta cependant «Cela ne signifie pas que nous annulerons cette alliance, mais nous chercherons à l´élargir». Mais, l'un des responsables du Parti démocratique du Kurdistan (PDK de Massoud Barzani) Sami Chorache, a placé la barre très haut en posant les conditions kurdes d'une éventuelle nouvelle alliance en déclarant que toute partie qui désire s´allier avec les Kurdes «(...) doit soutenir les droits du peuple kurde dans le cadre d´un Irak fédéral, permettre d´annuler les mesures d´arabisation à Kirkouk et adopter à fond la démocratie, qui est le seul moyen pour préserver les droits kurdes». Tout un programme ! Après les élections du 30 janvier, les Kurdes (avec 75 sièges) et les chiites de l'AUI (avec 140 sièges) avaient formé le gouvernement de coalition, dirigé par le chiite Ibrahim Al-Jaafari, expérience qui, selon toute apparence, n'a pas eu le rendement escompté. Le scrutin législatif du 15 décembre ne semble pas devoir changer grand-chose au schéma politique esquissé dès le 30 janvier dernier qui a donné le pouvoir au chiites conservateurs secondés par les Kurdes lesquels, selon toute vraisemblance, conserveront leur deuxième position dans le nouvel échiquier politique irakien. Ce seront encore les sunnites, laminés lors du scrutin du 30 janvier, qui risquent d'être les grands perdants de cette nouvelle consultation législative. Hier, selon les résultats partiels, la liste de l'alliance sunnite était largement en tête dans les trois provinces sunnites du Nord. Toutefois, la question demeure de savoir si les sunnites auront les moyens de jouer leur partie dans le nouvel Irak. Un début de réponse sera à l'évidence donné par la publication des résultats officiels (prévue pour le début du mois de janvier) des législatives du 15 décembre dernier qui établira le nouvel rapport de force entre les trois grandes communautés d'Irak.