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Contribution
R�sister � �l�Etat policier� pour conjurer la �R�publique int�griste� ! Par Arezki A�t-Larbi (*)
Publié dans Le Soir d'Algérie le 24 - 02 - 2009

�Un peuple pr�t � sacrifier un peu de libert� pour un peu de s�curit� ne m�rite ni l'une ni l'autre et finit par perdre les deux.�
(Thomas Jefferson)
Le pays est dans l�impasse ! Apr�s le casting des figurants pour une mise en sc�ne � intrigues gigognes, mais dont la fin tragique est connue de tous, le Conseil constitutionnel s�appr�te � publier son triste palmar�s. A quelques semaines d�un scrutin jou� d�avance, les conspirations du s�rail pr�nant des alternatives claniques et r�gionalistes ont escamot� le n�cessaire d�bat exig� par la clarification des enjeux. Par des fanfaronnades triomphalistes c�l�brant la �victoire de la r�conciliation nationale sur le terrorisme �, les gardiens du temple tentent d�occulter la reddition du droit et de la raison devant l�arbitraire et l�intol�rance. Alors qu�il ne cesse de harceler Ali Benhadj, coupable de lui refuser l�all�geance contre une confortable retraite, le pouvoir continue de manifester une �trange mansu�tude � l��gard d�assassins bombant le torse, d�imams pr�chant le racisme, la violence et la haine, d�agents de l�ordre d�guis�s en pasdarans, et de magistrats pronon�ant de terribles fatwas, au m�pris des lois de la R�publique. En fermant le jeu politique, en verrouillant les espaces de libert� et en encourageant l�id�ologie de la r�gression, les barons civils et militaires du r�gime ont r�ussi un nouveau croche-pied � l�histoire, retardant ainsi l�av�nement d�un Etat de droit qui assurerait la s�curit� du citoyen et la protection de ses libert�s. Ali Benhadj, qui fut le grand inquisiteur du FIS, n�est pas un enfant de ch�ur. Par sa b�n�diction au terrorisme dans ses d�rives les plus barbares, il porte une lourde part de responsabilit� dans l�avortement d�une d�mocratie en trompe-l��il qui a transform� le pays en immense caserne. Au nom de la d�fense du �choix du peuple�, la fureur int�griste s��tait d�cha�n�e contre les civils, coupables de r�sistance civique face � la fatalit� de la r�gression. �Nouvelles habitudes alimentaires et vestimentaires� dans les �territoires lib�r�s�. Assassinats d�intellectuels. Enl�vement et viol d�adolescentes �butin de guerre�. Massacres collectifs de Bentalha, de Ra�s et d�ailleurs qui n��pargn�rent ni femmes, ni vieillards, ni b�b�s. Autant de crimes contre l�humanit� rest�s, � ce jour, impunis.
Charia de fait accompli
La lutte contre la barbarie int�griste pouvait-elle pour autant justifier le recours � des moyens barbares ? Si l�Etat avait le devoir imp�rieux d�assurer la protection des citoyens, la lutte antiterroriste ne pouvait d�roger au strict respect de la l�galit� sans perdre son levier moral. En cautionnant la torture, en occultant les ex�cutions sommaires, en minimisant les disparitions forc�es, en renon�ant ainsi aux valeurs fondatrices de leur l�gitime r�sistance, les �d�mocratesr�publicains � se sont tir� une balle dans le pied et confort� les islamistes dans leur imposture victimaire. Avec une �r�conciliation nationale � frelat�e, qui a amnisti� les criminels et somm� leurs victimes de taire leur douleur, la strat�gie officielle a fini par se d�voiler : isoler Ali Benhadj comme abc�s de fixation de la peur, livrer la soci�t� aux fantasmes d�un islamisme �light� en attendant le pire, et sauvegarder ainsi les positions n�vralgiques qui garantissent la rente. L�ordre militaro-policier islamis�, comme rempart au d�sordre int�griste ! Dans ce climat de d�labrement �thique, m�me l�histoire a subi l�outrage des r�visionnistes, sans susciter la moindre r�action de la �famille r�volutionnaire�. Alors qu�on crache sur la tombe d�Abane Ramdane, qu�on occulte la m�moire de Larbi Ben M�hidi et qu�on enterre dans l�indiff�rence Lamine Debaghine, mort dans la solitude et l�oubli, les Oul�mas, qui n�avaient rejoint le FLN de la guerre de Lib�ration que contraints et forc�s, sont c�l�br�s comme les parrains de l�ind�pendance et imposent, au nom d�une l�gitimit� historique usurp�e, leur imprimatur � la vie politique et sociale. Bien silencieux durant les ann�es de terreur et de sang, leur chef de file, Abderrahmane Chibane, homme du s�rail autoproclam� muphti de la R�publique, dicte aujourd�hui, avec une d�sarmante arrogance, ses d�lirants oukases aux plus hautes autorit�s de l�Etat. Ses vocif�rations contre les �la�cs, agents du n�o-colonialisme � sont c�l�br�es par les torchons national-islamistes comme une �forme sup�rieure de djihad� et ne rencontrent aucune riposte de leurs cibles. Malgr� son uniforme religieux, cet apparatchik, qui fut ministre durant la dictature du parti unique, n�est pourtant pas une autorit� morale consensuelle � �couter, mais un adversaire id�ologique � combattre au nom de la libert� qu�il ne cesse d�agresser, au nom de Novembre que ses cong�n�res avaient d�nonc�, et au nom de la Soummam qui les avait contraints � rejoindre la R�volution � reculons. Son sinistre plaidoyer en faveur de la peine de mort aurait contribu� au d�bat contradictoire, s�il l�avait exprim� sereinement comme une opinion personnelle. En prenant Dieu comme bouclier pour d�gainer l�excommunication contre �l�apostat� abolitionniste �qui ne peut �tre enterr� dans un cimeti�re musulman et doit divorcer de sa femme musulmane�, le v�n�rable vieillard commet un appel au meurtre qui, dans un Etat de droit, aurait �t� passible du code p�nal. Si l��thique dicte le respect pour son �ge canonique, la lucidit� exige le rejet de ses �ructations, m�me drap�es d�un burnous sacr�. Par touches successives, cette charia de fait accompli a fini par s�imposer dans nos m�urs, par effraction. De son poste avanc� de chef de gouvernement, Abdelaziz Belkhadem donnait le ton en d�cr�tant, en mai 2008, que le Coran �tait �la seule Constitution du peuple alg�rien�. Dans les forums juridiques, comme dans les tribunaux charg�s de �pourchasser le vice et de promouvoir la vertu�, cette propension � appliquer l�arbitraire des hommes au nom de la volont� de Dieu tend � faire jurisprudence, au m�pris des principes fondamentaux du droit. Et lorsque des voix outr�es tentent une timide r�sistance, c�est sur le terrain de cette m�me charia qu�elles contestent l�incomp�tence� en sciences islamiques � des miliciens charg�s de l�appliquer. Dans ce climat de reddition id�ologique, m�me des militants respectables des droits de l�Homme ont sugg�r� au Lucky Luke de la fatwa de s�attaquer plut�t �au pouvoir, qui importe des boissons alcoolis�es et permet leur consommation�. A chacun donc ses h�r�tiques, pourvu que soit sauve la r�f�rence commune � la loi religieuse.
R�sister � la �sainte alliance� liberticide
Que signifie alors le harc�lement qui cible Ali Benhadj lorsque l�id�ologie dont il se r�clame est mise en application avec autant de z�le par ceux qui tentent de le r�duire au silence pour en avoir le monopole ? Hormis son refus bien singulier de rentrer dans le rang officiel et d�adopter les codes claniques du r�gime, en quoi serait-il plus extr�miste que les autres ? Lui refuser le m�me tapis rouge que celui d�roul� devant Rabah K�bir � son retour d�exil, le m�me passeport que celui d�livr� � Abassi Madani, exfiltr� au Qatar aux frais du prince, le m�me �statut particulier � que celui accord� � Hassan Hattab qui n�a eu aucun mot de compassion pour ses victimes, la possibilit� de se pr�senter � tout scrutin, m�me frauduleux, comme Abdellah Djaballah, ou de si�ger au gouvernement comme Aboudjerra Soltani, rel�ve d�une intol�rable discrimination. Face � la pr�bende et � la corruption g�n�ralis�e, unique projet de soci�t� des souteneurs � gages d�un troisi�me mandat pour Abdelaziz Bouteflika, la vie spartiate d�Ali Benhadj jure avec la mauvaise conscience d�opposants avec ordre et frais de mission, qui crachent dans l��cuelle du pouvoir tout en avalant la soupe de la trahison. Les bonnes �mes charg�es du service apr�svente de la sinistre manipulation ne manqueront pas de crier � l�h�r�sie �r�publicaine�, en rappelant, � juste titre, qu�au faite de sa gloire, le Savonarole salafiste avait d�cr�t� la �d�mocratie kofr�, proclam� un impitoyable djihad contre les la�cs, et condamn� les femmes � la soumission �ternelle d�une vie domestique. Sa posture d�aujourd�hui �voque singuli�rement celle de Louis Veuillot, l�intransigeant pol�miste catholique du XIXe si�cle, qui s��criait face aux lib�raux : �Quand je suis faible, je revendique la libert� au nom de vos principes. Quand je serais fort, je vous la refuserai au nom des miens !� Contrairement � d�autres compagnons de d�tention qui ont abdiqu� devant les tentations frivoles, il faut lui reconna�tre le m�rite d�avoir refus� toute compromission avec le syst�me de l�autoritarisme et de la rente. Un syst�me r�g�n�r� par la �sainte alliance� liberticide entre les barbus islamistes domestiqu�s, les barbants de l�ex-parti unique qui ont repris du poil de la b�te, et les barbouzes militaro- policiers charg�s de leur protection. Dans cette recomposition � la hussarde du champ politique, l�opposition d�mocratique est r�duite � l�impuissance. R�prim�s, puis r�cup�r�s avant d��tre marginalis�s et humili�s, on ne conc�de m�me plus � ses repr�sentants attitr�s ce r�le d�alibi cosm�tique, qui leur donnait l�illusion d�une existence virtuelle. Dans ce lourd climat d�impuissante r�signation et de renoncement g�n�ralis�, Ali Benhadj, qui refuse de b�nir le sabre militaro-policier par le goupillon salafiste, est devenu paradoxalement le grain de sable qui peut gripper la machine infernale.
Les libert�s ou le chaos !
Pour sortir du statu quo sans sombrer dans la r�gression, la refondation d�un mouvement civique autonome doit dessiner de nouvelles lignes de fracture, qui passent par la voie �troite des libert�s. Toutes les libert�s garanties par les pactes internationaux ratifi�s par l�Alg�rie. Les pulsions de la soci�t� exigent la lev�e de l�Etat d�urgence afin de permettre l�expression pacifique et plurielle de tous les courants d�opinion. Pour l�heure, ne sont audibles que les vocif�rations de l�intol�rance et le grondement de l��meute, encourag�s derri�re le rideau par les manipulateurs de l�ombre. L�incompatibilit� historique et doctrinale entre d�mocratie la�que et dictature religieuse doit �tre r�gl�e sur la place publique par un d�bat contradictoire m�me sans illusions, avec les opposants islamistes qui pr�nent la chute du r�gime au nom des droits de l�Homme. Retranch�s derri�re le bouclier divin, les partisans de l�Etat th�ocratique tentent de brouiller les cartes en citant plus volontiers Voltaire et Montesquieu que Ben Laden ou Ibn Taymia. Il est grand temps de les acculer � sortir de l�imposture pour accepter une cohabitation pacifique dans le respect de chacun, sous l��tendard des libert�s pour tous. Ou aller loyalement vers une confrontation sans merci, qui pr�cipitera fatalement le pays dans une tragique implosion. Ces chefs islamistes avaient d�nonc� la torture � et ils avaient mille fois raison � lorsqu�ils la subissaient. Accepteraient-ils, aujourd�hui, de joindre leur voix � celle des militants la�ques pour mettre hors-la-loi tous les traitements cruels, inhumains ou d�gradants �d�o� qu�ils viennent� ? Ils avaient men� campagne contre les condamnations capitales de leurs �fr�res de combat �, malgr� le moratoire qui a suspendu les ex�cutions depuis 1993. Accepteraient-ils l�abolition sans conditions de la peine de mort ? Ils revendiquent la libert� d�opinion, d�expression et d�organisation. Seraient-ils pr�ts � ent�riner comme imprescriptible ce m�me droit pour tous ? Y compris pour les d�mocrates, les la�cs, les communistes, les ath�es, et les femmes sans voile, consid�r�s jusque-l� comme des ennemis � abattre� ? Ils d�noncent les restrictions � la libert� de pr�che impos�es aux mosqu�es sous contr�le officiel. Accepteraient-ils le principe de libert� de conscience, synonyme du droit de chacun de pratiquer librement le culte de son choix ; ou de ne pas pratiquer ? Au-del� des conjonctures favorables aux uns ou aux autres, c�est sur le terrain des libert�s, dont tout le monde revendique les avantages, sans en accepter les contraintes, qu�il faut interpeller la soci�t� et singuli�rement ses acteurs politiques les plus repr�sentatifs : adopter les principes universels des libert�s fondamentales ou assumer leur n�gation au nom des vieilles �sp�cificit�s culturelles et civilisationnelles� qui servaient d�j� de tenue de camouflage aux dictatures staliniennes issues de la d�colonisation. Malgr� le sacrifice de 200 000 victimes, des fleuves de sang et de larmes, et de tragiques d�sillusions, cette cohabitation pacifique dans une soci�t� plurielle reste, pour l�instant, un v�u pieux. Peut-on r�ver, � moyen terme, d�une Alg�rie apais�e, enfin r�concili�e avec ses r�alit�s sociologiques, politiques, culturelles et identitaires ? Une Alg�rie qui accorderait le m�me respect et une �gale protection � l�islamiste Ali Benhadj et � la trotskiste Louisa Hanoune ; � Abderrahmane Chibane, partisan de la peine de mort, et � l�abolitionniste Abdennour Ali-Yahia ; au po�te arabisant Omar Azzeradj, � l��crivain francophone Boualem Sansal et � l�amdyaz berb�re Ben Mohamed ; au ministre des cultes Ghoulamallah et � Habiba K., la chr�tienne pers�cut�e ; au nationaliste arabe Abdelkader Hadjar et � l�autonomiste kabyle Ferhat Mehenni...?
R�inventer l�espoir
La politique de �r�conciliation nationale� � l�esbroufe, qui a absout la violence sans rendre la justice, sacralis� l�int�grisme et balay� la poussi�re sous le tapis sans traiter les racines du mal, a montr� ses limites. Comme alternative, seule une r�sistance sans concession � l�intol�rance, l�exclusion et la haine v�hicul�es par le national-islamisme dans ses diff�rentes variantes, de celle qui s�vit encore dans les maquis � celle qui occupe d�j� les palais officiels, pourra garantir une paix civile durable. Pour y parvenir, la soci�t� doit lire au pr�alable, avec courage et lucidit�, la page sanglante de la �d�cennie rouge� avant de la tourner. Il ne s�agit pas d�attiser les douleurs ni de crier vengeance pour r�veiller de vieux d�mons. En r�v�lant de surprenantes complicit�s dans la gen�se de la �trag�die nationale� et en d�masquant ceux qui en retardent l��pilogue, cet exorcisme collectif permettra � la nation de se regarder dans les yeux pour �viter de nouveaux d�rapages qui m�neront fatalement vers les m�mes impasses. La d�mocratie est un combat permanent pour prot�ger le citoyen contre les tentations autoritaires des dirigeants et de ceux qui aspirent � leur succ�der. Elle ne saurait se r�duire � une stupide arithm�tique qui donnerait carte blanche au d�lire des vainqueurs, l�gitim�s par des urnes � double fond. Ni aux niaiseries pseudo-modernistes des enfants naturels de l�ultra-lib�ralisme d�linquant qui ont fait du container un programme, du sac-poubelle un �tendard, et de la liposuccion, des silicones et du botox, des signes de ralliement pour nouveaux riches. Que signifie l�arbitrage frauduleux du suffrage universel sans la d�finition pr�alable des r�gles du jeu, et la protection des libert�s par des gardefous consensuels ? Comment donner aux couches populaires les plus d�favoris�es des raisons de croire que c�est dans la libert� qu�elles pourront s��panouir, am�liorer leur sort et assurer l�avenir de leurs enfants ? Comment convaincre les jeunes d�sesp�r�s, perdus dans le triangle morbide de la drogue, de l�int�grisme et de l��migration clandestine, que les libert�s ne sont pas un luxe r�serv� � une ��lite occidentalis�e � comme le soutiennent les tyranneaux de kasma et les pr�cheurs de caniveau, mais une arme redoutable pour changer l�ordre social injuste et imposer une r�partition �quitable des richesses nationales ? En attendant d��tablir ce rapport de forces favorable au triomphe des libert�s, assumons, de cette inconfortable position minoritaire, la confrontation id�ologique impos�e par les chantres de la r�gression. A l�intol�rance du national-islamisme exclusif et scl�rosant, opposons la r�sistance du patriotisme lib�rateur de nos identit�s plurielles.
A. A.-L.
*Journaliste.
(Contact : [email protected] )


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