Le �Tribunal Hariri�, charg� de juger les assassins du Premier ministre libanais, est enfin � pied d'�uvre depuis ce dimanche, dans la banlieue de La Haye. Certes, le proc�s proprement dit n'aura pas lieu tout de suite mais l'action de justice est d�sormais lanc�e. Pendant les prochains mois, on va encore assister aux grandes man�uvres des parties impliqu�es dans le complot mortel. Ce n'est pas tout de suite que les ex�cutants et les commanditaires de l'attentat sanglant du 14 f�vrier 2005 compara�tront devant les juges du tribunal sp�cial. Il y a, en face, de puissants int�r�ts d'Etats qui justifient tout, s'autorisent tout, sous pr�texte de combattre Isra�l et ses alli�s. Ces gens-l� ont du ressort et ne manquent pas de culot : on a vu d�j� des �photographes � du Hezbollah �mitrailler� le si�ge du tribunal sp�cial � La Haye. Certes, le mouvement pro-iranien qui fait peser sa main de fer sur le Liban a d�menti, tout comme il a d�menti toute complicit� dans le meurtre de Hariri. Damas r�agira en temps opportun en appelant � la solidarit� ind�fectible de la ligue syndicale des chefs d'Etat arabes. On d�noncera encore une fois p�le-m�le la collusion am�ricano- sioniste, le choc des civilisations et l'islamophobie et, pour finir, on livrera quelques �coupables� d�sign�s par avance. Car, en fin de compte, Messieurs les patriotards et souverainistes, ce n'est pas la Ligue arabe de Amr Moussa ou de Belkhadem qui va juger nos tyrans et les sicaires qui sont � leur service. Il n'y a que l'int�r�t personnel et imm�diat qui pousse ces potentats � d�noncer le �massacre� des Palestiniens et � c�l�brer la �prodigieuse victoire� du Hamas. C'est ce m�me sens de l'int�r�t qui leur dicte de ne jamais rompre brutalement avec cet Occident honni. La col�re anarchique et destructrice du peuple et le tribunal p�nal international, voil� les deux sujets d'angoisse des dirigeants arabes. Et lorsqu'il leur arrive de prier sinc�rement, � voix basse ou � voix haute, ils ont cette formule unique : �Dieu, �pargne-nous la col�re du peuple et le p�lerinage forc� � La Haye�. Et d'ajouter, dans un chuchotement � peine perceptible aux oreilles des anges : �Plut�t Canossa que La Haye !� Les peuples sont certes taillables, corv�ables et manipulables. Ils sont capables d'idol�trie lorsque des veaux d'or sont � proximit� mais ils sont aussi tr�s versatiles. Un rien peut les changer et leur dicter les choix les plus hallucinants, comme celui de pr�f�rer Louisa Hanoune � Bouteflika. Non, Monsieur ! Louisa Hanoune, ce n'est pas le chol�ra, on peut s'en remettre ! De plus, toute pol�mique est vaine : nos urnes sont � l'abri de tous les coups de c�ur irraisonn�s, comme le �choix du peuple�. Bien souvent le �choix du peuple� et la ferveur populaire ne suffisent pas pour �pargner la honte de finir � La Haye. C'est le sort irr�m�diable qui semble r�serv� � notre ami Omar Al- Bechir, le pr�sident du Soudan. Selon un expert en droit p�nal international interrog� vendredi dernier par l'hebdomadaire �gyptien El-Fedjr, le mandat d'arr�t contre Al-Bechir serait imminent. Le juriste, Nasser Amine, explique que les preuves sont tangibles et que les proc�dures suivies par le procureur de la CPI (Cour p�nale internationale) sont logiques et efficaces. Sans compter que la cour d�tient aussi des t�moignages probants d'officiers soudanais qui ont particip� aux op�rations du Darfour. Il y a aussi des enregistrements audio et vid�o qui mettent en cause la responsabilit� du g�n�ral Omar Al-Bechir dans le meurtre de pr�s de 300 000 personnes. Reste alors le probl�me de l'ex�cution du mandat d'arr�t. Le juriste estime que c'est l'aspect le plus facile de la proc�dure, contrairement � ce que l'on pense. D'abord, la cour enverra aux autorit�s judiciaires soudanaises un courrier leur demandant d'arr�ter l'accus�. Celui-ci recevra en m�me temps une injonction � se constituer prisonnier aupr�s de la justice internationale. Et s'il n'y a pas d'effet, le procureur Louis Moreno-Ocampo enverra le mandat d'arr�t aux 108 Etats signataires de la convention sur le CPI. Et ces Etats sont r�partis sur les cinq continents, notamment tous les pays europ�ens sauf la Russie, tous les pays asiatiques sauf la Chine et tous les pays africains voisins du Soudan. Reste alors la question la plus int�ressante : quels seraient les pays s�rs pour Omar Al-Bechir. Il s'agit seulement de trois pays, l'Egypte, la Libye et le Qatar. En r�alit�, commente Nasser Amine, tous les pays arabes se sont lav�s les mains du sort de Omar Al-Bechir. Pour dire les choses plus crument, ils l'ont vendu mais l'opinion arabe a ses exigences. Il se peut qu'il y ait des mouvements populaires spontan�s en faveur de Omar Al- Bechir dont il faudra tenir compte. Mais l'Egypte ne devrait pas en faire plus que le geste d'accueillir le pr�sident soudanais, attendu au Caire le 4 mars. Elle le fera en violation de la convention dont elle est signataire mais elle n'ira pas plus loin. L'Egypte a des exigences de s�curit� nationale qu'elle doit respecter. Quant au Qatar, note encore le juriste, apr�s son �chec � la conf�rence de Doha, il ne cherche que les effets m�diatiques avec sa m�diation sur le Darfour. On aura remarqu� que notre juriste ne s'est pas attard� du tout sur la Libye, qu'il ne semble pas prendre au s�rieux. Evidemment, il faudra compter avec la rue arabe, comme le pr�voit Nasser Amine, et des vendredis de col�re, justement � l'instigation de la cha�ne Al-Jazeera. Ce serait d'un f�cheux effet sur certaines campagnes �lectorales si le mandat d'arr�t international intervenait dans la mauvaise p�riode. Je vois d'ici le dilemme impos� � Karadhaoui, tiraill� entre deux amiti�s : celle qu'il a pour le prochain pr�sident � vie et celle qu'il d�clare au futur d�tenu � vie. On ne manquera pas de d�noncer encore une fois le syst�me de deux poids deux mesures pratiqu� au niveau des institutions internationales. Les Arabes ont d�sormais un argument massue pour justifier leurs guerres civiles et prot�ger leurs criminels. Ils exigent que les crimes de guerre isra�liens en Palestine et au Liban soient jug�s et punis. En attendant cette issue hypoth�tique, on peut s'entretuer impun�ment et jurer de prot�ger nos assassins. Dans cette logique, le crime contre Hariri resterait aussi impuni que celui des Isra�liens � Ghaza. Et si les d�mocraties occidentales persistent � ch�tier les meurtriers de Hariri et les massacreurs du Darfour, nous appellerions � la mobilisation islamique, notre arme fatale. Les trompettes de la gu�guerre des civilisations sont pr�tes � sonner pour nous. Quand elles ne sonnent pas d�j� comme en Malaisie o� �l'islam civilisationnel� du gouvernement conna�t des couacs. Le Premier ministre, Abdallah Badaoui, qui pr�che encore la mod�ration, vient de se distinguer en d�cr�tant que le mot �Allah� (qui d�signe aussi Dieu en malais) devait �tre r�serv� exclusivement aux musulmans. D�sormais, les chr�tiens ne seront plus autoris�s � utiliser le mot �Allah� dans leurs pri�res. Par contre, ils ont le droit de l'utiliser dans leurs publications mais avec la mention �autoris� aux seuls chr�tiens�. Le site Al-Arabia Net qui rapporte l'information rappelle �galement qu'en octobre dernier une fetwa a interdit aux femmes les �comportements masculins�. Tout un programme ! Le parti islamiste avait m�me propos� de cr�er des escouades d'espions charg�es de d�busquer les couples ill�gitimes dans les h�tels et complexes touristiques. Sur le m�me site, on peut lire que la nouvelle mosqu�e, encore en chantier, de Duisburg en Allemagne, a re�u jusqu'ici pr�s de 50 000 visiteurs. Le guide est une jeune fille chr�tienne allemande. Vous avez dit : �Guerre des civilisations� ?