La commune de Bordj-El-Kiffan n�est plus ce havre de paix de la p�riph�rie est de la capitale, Alger. La tr�s forte et anarchique urbanisation, le transfert de nouvelles populations d�autres quartiers du centre-ville, notamment dans le cadre du recasement de quelques �lots de la citadelle, La Casbah, et les vrombissements des engins de l�ETRHB qui s�affairent � mettre sur les rails le tramway d�Alger sont autant de facteurs nocifs � la vie, d�habitude paisible, des badauds de ce qui �tait consid�r�e durant l��re coloniale comme le Petit-Paris. Ce d�cor n�est pourtant que la face cach�e de la poudri�re. Le quartier de la Verte-Rive, situ�e � la sortie est de la ville, en donne un aper�u assez bigarr� d�un �m�tissage� qui n�a pas l�air de prendre forme, socialement s�entend. Les exodes de tous bords ont gonfl� le �chiffre d�affaires� des politiques qui trouvent en les 75 000 habitants de la commune un potentiel �avoir� dans les urnes. La Verte- Rive n�est aujourd�hui qu�un grand �cran tout en b�ton. La verdure qui faisait la fiert� des Aquafortains n�est plus qu�un vague souvenir tant les champs de betteraves, salades, carottes et autres agrumes ont disparu comme l�ont �t� depuis belle lurette les fermes agricoles. Aujourd�hui, la rive est de Fort-de-l�Eau, class�e commune � vocation touristique, est une grande cit� dortoir o� s�entassent fl�aux et vices sociaux, o� la violence est le lot quotidien des jeunes ch�meurs, les �coliers et m�me des p�res de famille. Vendredi et samedi derniers, la �potion� concoct�e par les responsables de la GGA (gouvernorat du Grand- Alger) a laiss� �chapper ses premiers gazages. Des jeunes de 13-17 ans se donnaient deux journ�es durant � des �changes de tirs d�une rare violence � base de bouteilles, cocktails Molotov, fus�es pyrotechniques, et des bombes de signal utilis�es par les navires pour donner l�alerte. L�apocalypse a dur� deux apr�s-midi, mais la tension �tait encore perceptible dimanche et m�me hier. Les �coliers y rejoignent leurs classes la peur au ventre, sous bonne escorte de leurs mamans. Deux journ�es de violence qui ont marqu�, une fois n�est pas coutume, l�absence des autorit�s locales, civiles et s�curitaires. �Tant qu�il n y a pas mort d�enfant, personne ne bougera�, assure un enseignant de langue fran�aise, touch� � la t�te par un projectile. Pourtant, samedi apr�s-midi, une d�l�gation �officielle � compos�e du maire, du chef de la brigade de la gendarmerie de la cit� des 687- Logements et du directeur de la circonscription acad�mique de Bordj-El-Kiffan est venue s�enqu�rir de la situation. A leur arriv�e � l��cole fondamentale, terrain des batailles rang�es qui ont fait quelques bless�s parmi les enseignants et leurs �l�ves, une image retenait leur attention : celle d�un �tablissement en ruine. Les deux baraques en pr�fabriqu� qui servaient de classes de fortune ont vu leurs vitres, tables, chaises et autres mat�riels p�dagogiques enti�rement saqu�s. Un match de foot comme d�tonateur L�histoire ne dit pas pourquoi des adolescents de 13- 17 ans ont choisi cette �cole (la leur forc�ment puisque nombre ont suivi leurs �tudes primaires l�-bas) pour s�adonner � une guerre sans merci. Tout a, en effet, commenc� suite � une �tincelle partie du terrain de football du quartier, juste apr�s la pri�re du vendredi. L��quipe de la Verte-Rive, le Rapid, qui �volue en championnat de wilaya d�Alger, affrontait le CR El Harrach. Un groupe de jeunes de la cit� des 687- Logements tentaient de s�y installer aux abords de l�aire de jeux, en vue de suivre les d�bats. Mal leur en pr�t puisque leurs voisins du quartier du lotissement de la Verte-Rive s�y opposeront de main ferme. Les combats de rue venaient d��tre lanc�s. Trois heures apr�s l�incident, le �match� ne semblait pas conna�tre son �pilogue. Quelques p�res de famille se d�cid�rent enfin d�entrer en jeu pour mettre fin aux vell�it�s incendiaires des jeunes deux rives voisines. Point de service de s�curit�, encore moins de traces des autorit�s locales. La nuit pass�e, le soleil illuminera difficilement le ciel ombrageux de la Verte-Rive. Le temps est maussade et les esprits chauff�s � blanc. L�absence d�autorit� (parentale et de la force publique) aidant, les bellig�rants reprenaient du service dans la mi-journ�e de samedi pass�. Le sc�nario est encore plus �color�. La cour du CEM re�oit, elle aussi, son lot de bouteilles, pierres, cocktails Molotov, fus�es, etc. La tentative des jeunes en furie d�investir le lyc�e s�av�ra vaine. Les gardiens de l��tablissement d�enseignement secondaire veillaient tant bien que mal. La �r�volte� des jeunes semblait comme consolid�e par des objectifs en commun, ceux de nuire � tout ce qui repr�sente le syst�me �ducatif. Pourtant, autant le champ de bataille �tait circonscrit dans un lieu de savoir, la vraie fracture est d�ordre social. En 1998, quand le GGA a d�cid� de recaser les gens de l��lot Sidi-Ramdane (Casbah) et les sinistr�s de nombre de quartiers populaires de la capitale, la population de la Verte-Rive, tout Bordj-El-Kiffan, a mal aval� la pilule. Surtout que des �lus locaux de l��poque ont b�ti leur campagne �lectorale sur des promesses de relogement dans les cit�s situ�es sur leur territoire (687 logements et 150 logements promotionnels). Mardi dernier, l�APC a d�cid� de d�truire 30 maisons construites illicitement � l�entr�e ouest du quartier en question, pr�s de l��cole fondamentale (Verte-Rive 1) portant le nom du quartier. Soixante-douze heures apr�s, le coup du sifflet d�une partie de football, vecteur de rassemblement jadis, donnait le ton � des bagarres de jeunes suivies d�actes de destruction de biens publics (classes d��cole) et priv�s (pare-brise de v�hicules) qui se trouvaient de l�autre c�t� de la Rive. Le lien est, pourtant, simple � faire. M. B. AU LENDEMAIN DES �CHAUFFOUR�ES, LES PREMI�RES MESURES La directrice relev�e de ses fonctions, le portail Est de l��cole ferm� Les autorit�s ont enfin r�agi suite aux �v�nements qui ont rythm� les journ�es de vendredi et samedi derniers au quartier La Verte-Rive de Bordj-El-Kiffan. A l�issue d�un rassemblement improvis� lundi par le wali d�l�gu� et en pr�sence de quelques repr�sentants dudit quartier, de ceux de l�APC, de l�inspection acad�mique de Bordj-El-Kiffan et de la force publique, il a �t� d�cid� de fermer l��cole fondamentale Verte-Rive 2 ainsi que son portail Est, source, selon les services de s�curit�, de la tension v�cue ces derniers mois par les habitants des deux rives du quartier. L�APC a, quant � elle, engag� des travaux au niveau de l�enceinte scolaire consistant � ajouter� 20 centim�tres de hauteur au mur d�enceinte de l��tablissement.