Dans le prolongement du débat consacré par Beur TV à La Casbah, Canal Algérie s'est intéressé à l'architecture des villes algériennes (Sur le vif), et de manière plus générale à la question du patrimoine (ça me dit), deux thèmes qui sont autant de points de réflexion aussi bien pour les pouvoirs publics, les dirigeants politiques, les spécialistes de la conservation que pour le simple citoyen directement impliqué dans la transformation de son environnement. Si l'opinion publique a été interpellée, de façon assez vive, sur l'extrême urgence qu'il y a à protéger la citadelle d'Alger de sa lente dégradation avant sa disparition totale, elle a été encore davantage sensibilisée sur la perversion urbanistique (et le mot n'est pas fort) infligée à nos grandes cités aujourd'hui complètement dépersonnalisées et, par extension, sur la disparition progressive - quand ce n'est pas carrément de la dilapidation - du patrimoine national culturel qui souffre d'un manque de préservation flagrant. Casbah, patrimoine, architecture, urbanisme : marquée par un sujet en fait unique mais à plusieurs dimensions, sociale, culturelle, politique, économique, la semaine sur Canal Algérie aura été très révélatrice sur l'absence d'un programme - ou d'une vision claire - de sauvegarde d'une richesse patrimoniale historique qui n'a pas de prix et sur les déformations d'un espace de vie qui doit forcément correspondre à nos aspirations d'existence contemporaine mais qui sombre dans une anarchie structurelle et conceptuelle qui fait de nos centres urbains parmi les moins attirants dans le monde. On se rappelle de cette étude réalisée il n'y a pas longtemps par un organisme international sur les capitales des cinq continents, qui a placé Alger dans les profondeurs du classement en fonction des critères de sélection retenus. Ville infréquentable, a-t-on conclu, pour son manque d'hygiène, l'absence de structures touristiques, de fonctionnalité, de loisirs, sa surpopulation, son urbanisation sauvage, sa circulation routière infernale... En somme, à Alger, (et naturellement dans la plupart de nos grandes villes), il n'y fait pas bon vivre si on se réfère à cette étude qui reste malgré tout subjective, mais faut-il se sentir offensé par un regard extérieur très critique et sans concessions quand nos spécialistes de la conservation, nos sociologues, nos architectes disent à peu près la même chose tout en essayant d'atténuer le constat par des explications scientifiques du phénomène de dégradation qui remonte loin dans le passé de la colonisation. Pour les spécialistes, l'urbanisation sauvage qui a donné naissance aux affreux îlots d'habitation que l'on voit pousser jusqu'à nos jours un peu partout dans nos cités relève de la difficulté (ou de l'incapacité) des autorités à contrôler à temps l'exode rural et donc à accepter le principe des plans d'urgence pour faire face à des besoins énormes en logements. Résultat, la tolérance se transformant en un laxisme politique dévastateur, c'est inévitablement la porte qui s'est ouverte sur toutes les dérives en matière de constructions, surtout individuelles. Le paysage a atteint le summum de la déliquescence urbanistique, avec la complicité des pouvoirs publics en charge de maîtriser les nouvelles constructions, notamment celles qui forment la ceinture des extensions en banlieues. Aucun respect des normes architecturales,violations flagrantes des cahiers des charges pour éviter les débordements, cela donne des déséquilibres qui ne cessent de défigurer le visage d'Alger et de ses alentours, pour ne citer que la capitale. On se pose alors la question de savoir pourquoi chez nos voisins cette urbanisation sauvage a été mieux gérée que chez nous, où les dégâts sont considérables et certainement difficilement à rattraper ? Pourquoi la médina de Fès ou la vieille ville de Tunis par exemple sont mieux sauvegardées que nos casbahs ? Pourquoi, dans ces pays maghrébins avec lesquels nous partageons la même culture, les mêmes traditions, soit les mêmes modes de vie, on ne construit pas n'importe comment et de surcroît on s'aligne sur les lois en vigueur ? Les Algériens sont-ils des gens à part ? Ou y a-t-il trop de compromissions et d'incompétence pour espérer redresser la situation... L'Algérie est devenue reine des chantiers inachevés et des « villas cubiques », c'est dire que son aspect n'est pas près de faire des envieux.