Dans son dernier roman, qui vient de para�tre, cette grande dame de la litt�rature alg�rienne revisite sa m�moire. Petite enfance � C�sar�e (Cherchell) dans l�Alg�rie coloniale des ann�es 1940. Fille a�n�e d�une m�re bourgeoise, �l�gante et alti�re et d�un p�re instituteur d�arabe, affectueux, mais s�v�re. �(�)Ma m�re se couvre lentement du ha�k immacul� avec franges de soie et de laine. Je peux entendre encore le froissement du tissu� Ma m�re, bourgeoise mauresque traversant l�ancienne capitale antique, elle, la dame d�un peu plus de vingt ans, a besoin de ma main�, p.14� �Mon p�re, en blouse noire, doit comme � l�ordinaire faire les cent pas� Il va et vient parmi ses �l�ves, tous des petits gar�ons indig�nes, les yaouleds� presque tous des fils d�ouvriers agricoles ou de sous-prol�taires��, p.33. Premiers plaisirs litt�raires avec le roman Sans famille d�Hector Malot, premier gros chagrin � l��ge de 3 ans, au d�c�s de sa grand-m�re �mama�, souvenirs d�A�n-El-Ksiba, le quartier de C�sar�e o� elle a grandi� La m�moire d�Assia Djebar est continuellement convoqu�e. Dans le chapitre intitul� la Bicyclette, elle relit une page qui est en rapport avec son p�re. Ce jour-l� (elle avait environ 5 ans), celui-ci l�avait surprise jouant au v�lo avec un voisin fran�ais. Il �tait alors entr� dans une col�re noire. �Je ne veux pas, je ne veux pas� Je ne veux pas que ma fille montre ses jambes en montant � bicyclette� p.55� �Je me rappelle cette blessure qu�il m�infligea� comme s�il m�en avait tatou�e, encore � cette heure o� j��cris, plus d�un demi-si�cle plus tard ! Cela m�a ensuite emp�ch�e de tenter d�apprendre � monter � v�lo, m�me mon p�re une fois disparu, comme si ce malaise, cette griffure, cette obsc�nit� verbale devait me paralyser � jamais�� pp.58 et 59. Puis d�filent les ann�es d�internat o� Assia Djebar �tait pensionnaire � Blida. Chaque week-end, elle rentrait en car chez ses parents. Un grand pas vers la libert�, pour cette adolescente en fleur, �moi qui regarde au-dehors et �coute la voix de stentor du contr�leur, j�ai l�impression que tout n�est pas vraiment r�el, sans doute parce que je suis l� � voyager seule�� p.132. Les souvenirs d�Assia Djebar coulent � flots. Elle se rappelle Mag, Messaouda, Mounira, Jacqueline, ses anciennes copines d�internat. Elle �voque Ali, son premier amoureux et sa premi�re escapade en cachette avec lui. Puis, lever de voile sur sa rencontre avec Tarik, l�homme dont elle a partag� la vie jusqu�en 1974. L�acad�micienne livre � ses lecteurs, un �pisode douloureux de sa vie. A 17 ans, elle avait tent�, sur un coup de t�te, de mettre fin � ses jours. A cette �poque (1953), elle vivait � Alger � non loin de la Casbah � avec ses parents, (son p�re ayant �t� mut� dans la capitale). Inscrite � l�universit�, Assia suivait son petit bonhomme de chemin� Un jour, Mounira, une ancienne camarade de coll�ge, resurgit dans sa vie et essaye d�attirer dans ses filets, son fianc�e Tarik. Les �v�nements s�encha�nent brusquement. Impulsive, Assia se jette sous les rails du tramway qui passait par la rue Sadi- Carnot (Hassiba-Ben- Bouali). Fort heureusement, le conducteur eut le temps de freiner. Transport�e d�urgence � l�h�pital Mustapha-Pacha, la jeune fille s�en sort avec quelques blessures. Dans ce roman, tous les noms des villes et des rues �voqu�s par l�auteur sont ceux de l��poque coloniale. Exemples : Castiglione, rue Sadi- Carnot, rue Victor-Hugo� Roman autobiographique, mais �galement historique puisque le lecteur d�couvre � travers le regard de la narratrice les rues, le panorama, le quotidien d�Alger, de Miliana, de Blida� des ann�es 1940 et 50. Un ouvrage dans lequel Assia Djebar se livre en toute sinc�rit�. Un roman coup-de-c�ur, � savourer syllabe apr�s syllabe, voyelle apr�s voyelle, jusqu�� la derni�re lettre. Sabrinal Nulle part dans la maison de mon p�re, Assia Djebar, �ditions Sedia,