Le Dr Isabelle Werenfels, politologue et chercheuse � la Fondation sciences et politique de Berlin, a expos�, jeudi, les grandes lignes d�une �tude consacr�e au syst�me de gouvernance alg�rien. A travers �Alg�rie politique: anatomie d�un syst�me de gouvernement�, l�universitaire suisse a pass� au scanner le r�gime, ses dirigeants et ses �lites. Tarek Hafid - Alger (Le Soir) -Sp�cialiste des pays du Maghreb, le Dr Isabelle Werenfels s�est int�ress�e, ces derni�res ann�es, au syst�me politique alg�rien. Lors d�une conf�rence pr�sent�e jeudi aux d�bats d� El Watan, la politologue suisse a estim� que l�Alg�rie n�a toujours pas abord� concr�tement sa �transition politique�. �Contrairement � certains pays d�Am�rique latine, l�Alg�rie n�a toujours pas abord� de transition politique vers un r�gime d�mocratique. Nous assistons plut�t � une continuit� du syst�me�, expliquera-t-elle. Une continuit� qui s�est toutefois caract�ris�e par des mutations au sommet du syst�me. Notamment depuis la venue de Abdelaziz Bouteflika. �Lorsque Abdelaziz Bouteflika est arriv�, il n�y avait que des militaires au pouvoir. Lors de son premier mandat, il a r�ussi � imposer une puissance interne. Pour cela, il s�est bas� sur son action � l�international, tout en s�attribuant la diminution de la violence. Il a �galement construit des r�seaux en s�appuyant sur des hommes de l�ouest du pays, particuli�rement de Tlemcen et Nedroma. Apr�s 2004, nous avons assist� au transfert du centre de d�cision, celui-ci est pass� de l�arm�e � la pr�sidence. Mais toujours pas de transition d�mocratique�, note-telle. Pour asseoir leur pouvoir, les �hardliners� (tenants de la ligne dure ou faucons) ont mis en place une strat�gie bas�e sur �la distribution de la rente p�troli�re, le r�gionalisme, le tribalisme et aussi la r�pression �. Pour la politologue suisse, les �d�cideurs� ont profit� de la situation internationale marqu�e par la lutte contre le terrorisme. �Le 11 septembre les a renforc�s �, explique-t-elle. �Pour les Etats-Unis et l�Europe, la stabilit� est plus importante que la d�mocratie. La s�curit�, la collaboration dans la lutte contre le terrorisme et le p�trole passent avant les valeurs d�mocratiques. Cela est d�ailleurs valable pour l�ensemble des pays de la r�gion.� Le Dr Isabelle Werenfels s�est �galement consacr�e � l��tude des �lites. Elle les a class�es en trois grandes cat�gories g�n�rationnelles : �Les r�volutionnaires qui ont particip� � la guerre de Lib�ration nationale�, �ceux qui ont profit� des ann�es fastes de l�Alg�rie sous l��re Boumediene� et enfin �les �lites qui ont �merg� durant les ann�es 1980-1990 et qui ont subi la r�pression d�octobre 1988, le terrorisme, la chute des prix du p�trole, le ch�mage et la d�t�rioration de la situation socio�conomique�. Selon elle, cette derni�re cat�gorie se caract�rise par un �esprit rebelle� contrairement � ceux de la seconde cat�gorie qui font preuve d�une certaine �docilit�. La premi�re cat�gorie est, quant � elle, en d�clin. �Le changement est biologique. Actuellement, on peut dire qu�il ne reste que le pr�sident de la R�publique et le chef du DRS.� Toutefois, l�appartenance � la �famille r�volutionnaire � reste un crit�re important de s�lection des �lites. �La cr�ation de l�Organisation nationale des enfants de moudjahidine semble r�pondre � cette optique.� Dans un chapitre consacr� aux attentes et convictions de la nouvelle g�n�ration, le Dr Isabelle Werenfels a proc�d� � �la classification� de cette �lite. �Il faut savoir qu�une g�n�ration n�est jamais homog�ne. Au cours de mon �tude, j�ai pu identifier plusieurs cat�gories types � travers un questionnaire. Je pense que la cat�gorie des r�formateurs nationalistes est celle qui instaurera la d�mocratie et la bonne gouvernance, si elle vient � acc�der au pouvoir.� Reste que la scientifique suisse semble quelque peu pessimiste sur l�av�nement de la d�mocratie alg�rienne. �Le syst�me ne s�effondrera pas avec le d�part de Abdelaziz Bouteflika. Le r�gime a encore les moyens de se maintenir. De l�avis de plusieurs personnes, notamment des d�mocrates, le syst�me alg�rien ne changera que par la violence. � T. H. Proposition ind�cente Afin de pr�senter l��tat d�interd�pendance de l��lite alg�rienne envers le syst�me, le Dr Isabelle Werenfels a racont� l�anecdote suivante. �J�ai eu l�occasion de d�ner avec un ancien ministre. Ce responsable m�a tenu un discours tr�s correct sur la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption. Il a donn� l�impression de bien conna�tre les maux et aussi les solutions. Mais apr�s quelques verres de vin, il m�a propos� de faire du business avec lui. Il voulait que je contacte des banques suisses. J�en ai donc conclu qu�il avait de l�argent � blanchir !�, dira-t-elle encore, �tonn�e par le comportement de ce responsable dont elle a tu l�identit�. �Je lui ai demand� pourquoi il m�avait fait une telle proposition alors qu�il avait tenu un tout autre discours auparavant. Il a expliqu� que, d�s lors que le syst�me ne changeait pas, il fallait continuer � jouer le jeu.�