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IL Y A 50 ANS, LE 5 MAI 1959, TOMBAIT AU CHAMP D�HONNEUR M�HAMED BOUGARA, CHEF DE LA WILAYA 4
Quand la France restituera-t-elle le corps de ce chef militaire ?
Publié dans Le Soir d'Algérie le 05 - 05 - 2009

Durant leur combat, les chefs politico-militaires du FLN/ALN ont mis � mal l�armada fran�aise. M�me morts depuis des d�cennies, ces r�volutionnaires posent probl�me � la France. Et pour cause, la d�pouille du colonel M�hamed Bouguerra est toujours d�tenue par l�ancien colonisateur. La Fondation de la Wilaya 4 historique l�a r�clam�e � l�Elys�e durant la mandature de M. Chirac. C�est le colonel Si Hassen, dernier commandant de cette wilaya historique, qui a initi� la demande par le biais de l�ambassadeur de France. Aux derni�res nouvelles, la France fait toujours la sourde oreille.
Le 5 mai 1959, l��clat de la r�volution de novembre 1954 s�est quelque peu assombri. Cette r�volution populaire inscrite en lettres d�or dans le manuel de l�Histoire perdait l�une de ses valeurs s�res. Le douar Ouled-Bou-Achra, dans le sud du Titteri (M�d�a), est le th��tre de cette trag�die pour le pays. L�arm�e fran�aise avait d�p�ch� une immense armada contre Si M�hamed Bougara. Le h�ros est tomb� au champ d�honneur, comme il a v�cu, la t�te haute, disent ses compagnons d�armes. Pr�cis�ment, au sujet de sa mort, nous avons recueilli deux t�moignages et pas des moindres. �Deux ou trois jours avant sa mort, je l�ai rencontr� alors que je commandais une katibat. Il revenait d�une inspection � la limite ouest de la Wilaya 4. Je l�ai escort� pour traverser la zone 4 et je l�ai quitt� � la limite de cette zone, pas loin du djebel Louh avant que les djounouds de la zone 2 ne prennent le relais�, nous confie, ce dimanche 3 mai 2009, a�mmi Slimane, le secr�taire g�n�ral de l�Organisation nationale des moudjahidine, ONM, de Boumerd�s. Par la suite, l�ancien chef de la katibat nous fait part de cette grande bataille qui s�est d�roul�e au d�but de mai 1959. Il y a eu une �norme mobilisation des forces arm�es fran�aises, y compris de l�aviation. D�ailleurs, des avions auraient �t� abattus par les forces de l�ALN. Pour sa part, le colonel Si Hassen, qui a repris le commandement de la Wilaya 4, nous a d�clar� au t�l�phone : �Le colonel Si M�hamed a �t� tu� lors d�une bataille avec l�arm�e fran�aise qui a mobilis� d�importantes forces terrestres et a�riennes. Son corps a �t� �vacu� par h�licopt�re. La disparition du corps du chef de la Wilaya 4 �tait un acte pr�m�dit� permettant � l�arm�e fran�aise de se livrer � des tentatives de manipulation dans le but de semer la zizanie dans les rangs de l�ALN.� Le contenu de la lettre de Si Lakhdar Teguia, reprise dans le livre intitul� Les fr�res contemplatifs en zone de combat/ Alg�rie 1954/1962, conforte la th�se du Dr Khattib avec, cependant, une importante information suppl�mentaire. Le colonel Bougara aurait �t� bless� et captur� avant d��tre tortur� par les services sp�ciaux fran�ais. Dans cette lettre est d�plor�e la perte de ce chef exemplaire. �La disparition du colonel Si M�hamed, au sens propre et au sens figur�, car son corps ne fut pas trouv�, fut un coup rude pour l��tat-major de la Wilaya, dont il repr�sentait l��l�ment d��quilibre, celui qui se conformait le plus aux principes d��quit�, de sagesse� � L�auteur fait cas, par la suite, du retour des survivants sur le champ de bataille pour enterrer leurs compagnons morts durant l�accrochage. Ils ne trouv�rent pas le corps de leur chef. Ensuite, la lettre revient sur la manipulation insidieuse de la propagande de l�arm�e fran�aise avant de conclure : � Lorsque la temp�te passera, deux mois apr�s, les �l�ments d�information que poss�dait le conseil de wilaya compos� de deux membres de grade �gal � les commandants Si Salah et Si Mohamed � permettaient de mettre fin aux sp�culations de l�ennemi et aux questions que se posaient les combattants de l�ALN. Un tract fut �dit� expliquant que Si M�hamed avait �t� fait prisonnier le 5 mai 1959 � Ouled-Bou-Achra alors qu�il �tait bless� dans un combat contre les troupes de Challe dont les grandes op�rations couvraient � cette �poque tout le territoire de la Wilaya 4. Si M�hamed, disait ce tract, �tait rest� vivant mais bless� et serait mort sous la torture. Ce crime a �t� d�nonc�.� Il est ais� de conclure que la France s�questre la d�pouille du chef de la Wilaya 4 Le nom et les actes h�ro�ques de ce chef politico-militaire et de tous les autres chefs r�volutionnaires appartiennent � la m�moire du peuple alg�rien. La d�pouille du colonel Si M�hamed Bougara, chef de la Wilaya 4, qui a sacrifi� toute sa vie pour l��mergence de la nation alg�rienne, doit �tre sous bonne garde de la R�publique. Porter atteinte � ces symboles constitue une offense au peuple alg�rien. La France acceptera-t-elle un tel acte contre un r�sistant ? D�s lors, le simple citoyen, qui est redevable pour son droit de porter une carte nationale d�identit� et un passeport alg�riens, est en droit d�interpeller le chef de l�Etat protecteur des attributs de l�Etat et de l�application de la Constitution pour mettre fin � cette s�questration d�autant plus que le pr�sident r��lu arborait, au grand dam de l�opposition, pendant la campagne pour l��lection pr�sidentielle du 9 avril, les portraits des chefs de la R�volution afin de s�attirer la sympathie des �lecteurs.
A. L.
BIOGRAPHIE
D�une braise naquit le volcan
Le 5 mai 2009, l�Alg�rie comm�more le cinquanti�me anniversaire de la mort de l�un de ses h�ros de la guerre de Lib�ration. Il s�agit du colonel Si M�hamed Bougara, chef de la Wilaya 4.
�A l�heure o� l�on se plait � dire que la r�bellion a perdu la partie, parce qu�elle est �trangl�e aux fronti�res tunisiennes et marocaines, incontestablement, le djoundi souffre dans le maquis physiquement et moralement, nous assistons � un ph�nom�ne d�concertant. Au beau milieu du territoire alg�rien, la Wilaya 4 fait montre d�une vitalit� et d�un dynamisme extraordinaires. Elle s�est toujours singularis�e par rapport aux autres Wilayas. Cela tient � la personnalit� rayonnante du Colonel Si m�hamed, un v�ritable chef de maquis. Gr�ce � lui, la flamme r�volutionnaire br�le dans la Wilaya 4 ; une R�volution qui se veut pure et qui s�affermit m�me par opposition au rel�chement relatif r�gnant dans les autres Wilayas.� Il s�agit-l� du colonel Si M�hamed Bougara, chef de la wilaya IV historique, vu par son pire ennemi le g�n�ral Massu qui, dans son livre Le Torrent et la digue (1959), t�moigne du caract�re r�solu de ce chef politico-militaire de l�ALN.
UNE �DUCATION TRADITIONNALISTE ET EXEMPLAIRE
Le chef de la Wilaya 4, Ahmed Bougara de son vrai nom, est n� le 2 d�cembre 1928 � Khemis Miliana, wilaya de A�n Defla, rue du Maroc, dans une partie de l�agglom�ration qui est loin d��tre le lieu des d�favoris�s. Il est le troisi�me d�une famille de 7 enfants issus du second mariage de son p�re Larbi (1885/1964). Le papa est originaire de Titest, petite commune de la r�gion des Ath Yala, dans la Petite-Kabylie, dans le Nord s�tifien. Celui-ci a fait d�couvrir � ses enfants, sa r�gion natale d�s leur jeune �ge quand ils les emmenait en vacances. Mais ayant acquis une aisance par son labeur au sein des P et T et devant la pauvret� qui r�gnait dans cette localit� montagneuse, Larbi s�est d�sist� par g�n�rosit� de la part des terres qui lui revenaient de droit, et ce, au profit du reste de la famille. Il �tait technicien r�parateur du r�seau t�l�phonique. Il a �t�, en effet, mut� dans la ville d�Affreville o� est n� ce chef de l�ALN. �C��tait un travailleur dur, tr�s exigeant qui ne se plaignait jamais�, nous confie Yamina, l�une des s�urs du chahid qui nous a re�us pour nous parler de l�enfance de Ahmed Bougara. Le nom r�el des Bouraga � Titest est Benmessaoud. Le nom de Bougara aurait �t� attribu� par l�administration coloniale en r�f�rence � Bouga� (ex-Lafayette) dont d�pendait � l��poque Titest. Grand traditionaliste, le p�re, dont la jeunesse fut certainement forg�e par la duret� des montagnes de la Kabylie, est un homme de labeur. Il ne badinait pas avec l�enseignement des principes de droiture et de dignit� dans sa famille. Il a, par cons�quent, inculqu� une �ducation exemplaire � ses enfants. �Nous ne manquions de rien. Il nous obligeait � suivre des cours par correspondance. Il veillait �galement � l�accomplissement des rites de l�Islam et nous recommandait la discr�tion�, dira Yamina. C�est dans ce climat familial rigoureux mais serein que Ahmed passa son enfance. Il n�avait pas de probl�mes sociaux, par contre la situation de son pays et les injustices subies par les Alg�riens le perturbaient grandement. Elles ont fini par forger son caract�re de rebelle inv�t�r� tout en le rendant tr�s attentionn� vis-�-vis des faibles.
LA BRAISE
C�est au sein des Scouts musulmans qu�il a �t� confront� aux id�es r�volutionnaires. Mais c�est le carnage du 8 mai 1945 qui l�a profond�ment marqu�. Le choc a constitu� s�rement un tournant dans sa vie de r�volutionnaire, totalement engag� pour son id�al. En outre, son enthousiasme politique pr�coce lui a valu des d�boires avec l�administration coloniale. Sa s�ur t�moigne de l�engagement avanc� pour la lib�ration de son peuple : �Il partait tous les dimanches t�t le matin. A chaque fois, il rentrait tard et ses v�tements �taient un peu sales. Ma m�re avait insist� une fois pour en savoir plus. Il s�est content� de lui r�pondre ; je m�entra�ne pour la R�volution.� Ahmed Bougara devait alors avoir 16 ou 17 ans, �ge o� l�on se soucie plut�t de bien-�tre que de r�volution. La m�re nota �galement l�acharnement de son fils dans l��criture. Un jour qu�il remplissait des bouts de papier`, elle osa une question. Elle eut cette r�ponse : �Je r�dige des bons pour redonner la terre des colons aux paysans alg�riens apr�s l�ind�pendance.� Dans le contexte des ann�es quarante, r�ver de l�ind�pendance de l�Alg�rie �tait compl�tement insens�. Mais pas pour les id�alistes. Il s�engage au sein du PPA. Son activisme lui a valu une premi�re arrestation, chez lui devant les membres de sa famille, par les services sp�ciaux fran�ais. Il a �t� transf�r� � Tizi-Ouzou pour y subir, pendant 11 jours, un interrogatoire muscl�. En 1946, il part en Tunisie pour int�grer la Zitouna. A son retour, en 1947, il int�gre le centre de formation professionnel de Kouba (Alger). Lors de sa formation pour laquelle il obtint un dipl�me d��lectricien, il a c�toy� des stagiaires qui deviendront plus tard des chefs militaires de l�ALN. Il a travaill� comme cheminot tout en poursuivant son militantisme dans le PPA. A la cr�ation de l�OS (Organisation sp�ciale), il fait partie de l�effectif de cette organisation clandestine. Apr�s le d�mant�lement, en 1950, de cette structure paramilitaire, il a �t� arr�t� en compagnie d�une cinquantaine de militants. Son p�re, qui croyait bien faire, avait contact� un certain ma�tre Papillon qui, disait-on, �tait le meilleur au pr�toire. Ahmed le r�cuse. Il avait uniquement confiance en sa foi pour la justesse de son combat. D�fait, l�avocat dit au p�re : �Votre fils est un irr�ductible. Je ne peux pas le d�fendre.� Il a �t� condamn� � la prison ferme avec interdiction de s�jour dans son d�partement d�origine. Apr�s 2 ann�es pass�es en prison, il est mis en libert� provisoire. Il reprend ses activit�s politiques dans la clandestinit� dans le quartier de Belcourt. C�est peut-�tre le second tournant d�cisif de la vie de ce v�ritable grand moudjahid.
LE VOLCAN
En 1953, entour� d�une garde de militants, il fait une visite impromptue � sa famille � Affreville. �Son aspect externe �tait dans un �tat lamentable. Il avait pris un bain et avait chang� de v�tements. Avant de nous quitter, il nous a dit de ne plus le chercher et que d�sormais, il appartient � l�Alg�rie. Depuis, nous ne l�avons plus jamais revu�, nous r�v�le Yamina. Deux mois apr�s le 1er Novembre, il a fait une rencontre d�terminante. Son chemin et celui de Amar Ouamarane se croisent. C�est une autre �tape majeure de la vie de Bougara le r�volutionnaire. Ouamrane qui a la responsabilit� de la zone de combat allant de Maison Carr�e � Bouira et une partie du sud d�Alger jusqu�� Tablat charge Bougara de l�explication des objectifs du FLN/ALN � la population de la r�gion du Zaccar, d�Orleansville et de Thenit El Had. L�organisation politique de ces populations, le recrutement des djounouds et la collecte des fonds font aussi partie des t�ches de Si M�hamed. Fin 1955, l�id�aliste de Khemis Miliana fait partie d�sormais des principaux chefs de la R�volution qui aboutira � l�ind�pendance du pays. Il int�gre le quatuor Amar Ouamrane, Sadek Dhiles, et Salah Za�moum qui dirige la zone 4. Ce comit� est plac� sous l�autorit� de Ouamrane. A ce titre, Si M�hamed participe au Congr�s de la Soummam (20 ao�t au 5 septembre 1956). Faut-il rappeler que ce conclave auquel a pris part Bougara a pris des d�cisions strat�giques pour l�avenir de la R�volution et celui du pays ? Au lendemain du congr�s d�Ifri, la zone 4 devint la Wilaya 4 dirig�e de mani�re coll�giale par les 4 responsables cit�s plus haut. Bougara a �t� charg� d�abord de l�organisation politique. Il veille � l�application des r�solutions du congr�s de la Soummam. Avril 1957, il est d�sign� � la t�te de la Wilaya 4 avec grade de colonel. Inlassablement, il s�est employ� � structurer et � moderniser cette importante Wilaya. �Vous qui venez des villes, vous avez des dipl�mes, vous disposez d�une �ducation acquise au banc de l�Universit� ou du lyc�e. Vous serez �tonn�s de ce que vous apprendrez aupr�s de votre peuple, car l�enseignement acquis � l��cole du peuple n�est dispens� par aucune universit�. Apprenez leur ce que vous savez, mais apprenez aussi tout ce qu�ils savent ! Vous serez �tonn�s�, disait-il aux lettr�s citadins qui rejoignaient le maquis de l�ALN. Il entretenait une relation suivie avec le colonel Amirouche. Il �tait totalement en phase avec chef de la Wilaya III au sujet de la situation politique du pays et de la R�volution. Ils conjuguaient leurs efforts pour mettre � nu les faiblesses dans les structures du FLN/ALN et la mise en pratique des r�solutions du congr�s de la Soummam. Comparer Bougara � un volcan n�est pas synonyme de violence. Bien au contraire. C�est sa foi en son peuple et ses capacit�s de donner l�exemple et de commander aux hommes d�aller mourir pour un r�ve qui font sa force devant l�ennemi. �Au cours d�une mission qui m�avait �t� confi�e, je tombais un jour sur un commando de la Wilaya 4. Tout le jour durant, je me trouvais dans l�impossibilit� de conna�tre le chef de ces trois compagnies. Je dormis m�me avec elles sans que ma curiosit� fut satisfaite. Le lendemain au r�veil, le commando, au grand complet, pr�senta les armes � celui-l� m�me qui avait refus� de partager ma petite natte pr�f�rant se coucher sur le sol. Ce fut ainsi que je connus le colonel Si M�hamed�, t�moigne Si Mohand Arav Bessaoud. La tol�rance de Si M�hamed �tait une l�gende dans les monts de la r�gion qu�il commandait. Elle n�a jamais �t� d�mentie. Pour l�exemple, il a veill� � ce qu�une petite congr�gation religieuse chr�tienne install�e dans les monts de Bissa soit prot�g�e. Il ne manquait pas de dire ce qu�il pensait � ce propos. Madoui R�my, d�serteur de l�arm�e fran�aise, lui a pr�t� ces propos : �Il ne faut pas oublier un instant que notre R�volution n�est pas une guerre de religion. Le peuple alg�rien est musulman, chr�tien, juif, agnostique ou croyant non pratiquant tout simplement.� Ahmed Bougara avait, dans un contexte o� m�me le r�ve pour l�ind�pendance de l�Alg�rie relevait de l�insens�, cru au destin de son peuple. Grandement convaincu, il avait milit�, combattu puis p�ri pour une cause juste. Alors r�vons en 2009 que notre pays soit dirig� par des hommes et des femmes de la trempe de Si M�hamed.
Abachi L.
SOURCES
- Fondation de la Wilaya 4 historique
- D�clarations s�ur du martyr
- Livre Les fr�res contemplatifs en zone de combat Alg�rie 1954/1962, Wilaya 4


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