Me voil� contraint � r�appara�tre pour me d�fendre encore une fois. La rumeur est que je suis romain et non berb�re et pourtant je l'ai pr�cis�ment dit a Sebratha durant ma d�fense que je suis numide. N� a M'daourouch, j'ai �tudi� le latin, le grec, j'ai �crit en latin mais �a ne me rend pas n�cessairement un Romain de naissance. Je suis romain de nationalit� comme vous avez �t� fran�ais pendant bien des ann�es, et qui sait que sera la nationalit� des futures g�n�rations. Beaucoup de vous ont �tudi� dans des pays lointains, la France, l�Angleterre ou les Etats-Unis ; ils ont peut-�tre pris la nationalit� du pays o� ils sont, mais ils restent alg�riens dans le fond. Beaucoup parmi vous �crivent en arabe, fran�ais anglais ou autre langue �trang�re, �a ne vous donne pas la nationalit�. Alors pourquoi insistez-vous � me nier mon droit de naissance ? Je ne vous fais pas honte pourtant, je suis un �crivain c�l�bre et de bonne r�putation, vous devriez en �tre fiers. Alors pourquoi ? Je me le demande. Est-ce que vos esprits ont tellement �t� manipul�s qu'on rejette un compatriote qui ne peut vous nuire de sa tombe. Je suis indign� par ce rejet et je prie mes compatriotes alg�riens, et surtout mes proches les citoyens de Madauros, de me d�fendre et combattre tous ceux qui veulent changer ou effacer l'histoire telle qu'elle a �t�, et de me redonner ma place dans l'histoire de mon pays natal. J'ai �t� accus� de sorcellerie, de magie et bien d'autre chose, et je me suis bien d�fendu contre des jaloux qui voulaient me nuire. Mais aujourd'hui, je me d�fends contre qui ? Contre les miens qui viennent de mon pays. Ils ne veulent pas me reconna�tre ni nommer une b�tisse en mon nom, et pourtant Madauros et Carthage ont �rig� une statue dans le pass� en mon honneur. Je n'arrive pas � comprendre le mal que j'ai fait pour m�riter ce m�pris, Je suis honor� dans le monde entier, seul mon pays refuse de me reconna�tre, il y a bien des gens qui donneraient cher pour m'avoir comme confr�re. J'ai bien voyag� et �tudi� la rh�torique et la philosophie. J'ai appris les langues de l'�poque, le grec et le latin et parmi les choses que j'ai apprises celle d'avoir l'esprit ouvert et de ne pas se retourner contre soi-m�me, car c'est ce que vous faites mes enfants. Renier les v�tres est une chose f�cheuse, renier vos meilleurs atouts et votre h�ritage est une chose inexplicable. Honorez-moi et tous ceux qui sont venus apr�s moi, soyez fiers de cette glorieuse histoire, le fait que le pays ait �t� colonis� � plusieurs reprises lui donne, paradoxalement, sa richesse et vous devriez lutter contre ceux qui veulent le d�figurer. Maintenant vous �tes libres, il n�y a plus de colons, regardez dans votre histoire pour retrouver votre v�ritable identit�, cherchez bien. Je ne suis plus rien qu'un tas de cendre, mais mon �me est encore l�, je fl�ne autour de ma ville natale et je vois mes descendants qui me ressemblent tant. J'entends une anecdote ici et l�, dont je reconnais l'humour qui est bien � moi. La t�te bien dure et d'arguments solides, vous vous sentez fiers devant votre ennemi comme je l'ai fait jadis. Je me reconnais bien dans vos enfants, le corps solide et l'�me tenace, je n'ai aucun doute que nous sommes d'une m�me souche. Si vous ne le savez pas encore, si vous doutez et vous vous posez des questions, lisez mes �crits et suivez les traces de ma vie, et si vous ne trouvez aucune ressemblance avec moi, ni mon humour, mon sarcasme, ni la fa�on d'utiliser les arguments de mes ennemis pour ma propre d�fense, alors rejetez-moi comme vous le voulez, mais je vous implore de lire d'abord. Vous rejetez le fait que je sois l'un des v�tres, mais vous savez bien que je suis n� ici, c�est un fait que vous ne pouvez me nier. Bien des gens ont honor� du savant rien que pour le fait d'�tre n� dans leur pays. J'ai mis cette ville sur la carte du monde, bien des gens veulent conna�tre les lieux o� j'ai grandi. Ils viendront de loin pour visiter les terres o� je suis n�. Je vous ai laiss� un h�ritage que vous devriez utiliser, invitez ceux qui veulent en savoir plus sur moi, traitez-les bien car avec l'argent qu'ils am�neront, vous pourrez r�parer vos toits et l'endroit sera c�l�bre encore une fois. Le temps passe trop vite m�me s�il est immortel, le temps ne s'inqui�te pas de nous, qui sommes des passagers et bient�t nos traces vont �tre effac�es et l'on doutera m�me de notre existence qui nous paraissait si importante. J'ai v�cu � Madauros, j'ai �tanch� ma soif avec l'eau de votre village, je me suis r�gal� de fruits provenant de vos arbres. Ce village, ces terres �taient les miens dans un pass� lointain, entre votre pr�sent et le mien, il y a eu bien d'autres qui ont v�cu dans ce village, qui eut divers noms ( M�daourouch , Montesquieu...) et une multitude de gens qui, comme vous et moi, ont eu le temps d'appr�cier de bons moments sur cette terre qui restera toujours l�, � recevoir d'autres apr�s vous. L'histoire est une fen�tre sur le pass�, il faut y jeter un coup d'�il pour contempler les anc�tres d'un autre temps, pour apprendre une le�on ou deux et comprendre que la vie n�est pas immobile, qu'elle avance toujours pour retrouver d'autres g�n�rations, d'autres religions et d'autres nationalit�s. Tout �a n'est pas important. Ce qui importe, c'est d'�tre heureux et de se rappeler de vivre un peu, quelles que soient la langue, la religion ou la nationalit�.