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Mahfoud Ferroukhi. Archéologue : « Les rois numides étaient de grands mécènes »
Publié dans El Watan le 26 - 12 - 2009

De Gaïa à Ptolémée, en passant par Massinissa, Jugurtha ou Juba II, la saga d'une dynastie prestigieuse et pourtant méconnue.
Vulgariser l'histoire met parfois en balance l'intérêt culturel et la rigueur scientifique. Comment avez-vous géré cet équilibre dans votre ouvrage* ?
Je n'aime pas beaucoup le verbe « vulgariser », souvent entendu, à tort, comme « rendre vulgaire ». Je me suis efforcé d'être didactique. Il s'agit d'un beau livre et non d'un essai, et il fallait que la lecture soit aisée et agréable au possible pour toucher le public le plus large. Cela fait 25 ans que je travaille sur Juba II et son fils Ptolémée, et ce travail m'a amené à m'intéresser à la dynastie à laquelle ils appartenaient. Mon plus cher vœu est, qu'à travers ce livre, le grand public puisse découvrir ces rois et leur époque, mais surtout que cela suscite des vocations de recherche chez de jeunes Algériens pour approfondir sans cesse notre connaissance.
Vous affirmez que les rois numides ont été occultés par le « romano-centrisme ».
Le romano-centrisme a touché de nombreux peuples, dont les Numides. C'est une branche de l'européocentrisme. Notre histoire a été longtemps produite dans un cadre colonial. Les archéologues et historiens avaient alors une idéologie qui les rapprochait du monde dit civilisé et les éloignait du monde dit barbare. Il y avait une politique et une volonté de tout ramener à Rome alors que les Numides avaient une civilisation distincte.
Vous évoquez aussi une manie algérienne de réinterpréter l'histoire à partir de faits récents...
D'abord, on prend de moins en moins le soin de vérifier les sources. Je ne généralise pas, mais certains faits, traités durant la colonisation, sont repris tels quels aujourd'hui, sans s'assurer de leur véracité. Beaucoup d'éléments de l'historiographie coloniale ne reposent que sur de simples hypothèses. Stéphane Gsell dit par exemple que Juba I a été traîné dans les rues de Rome, attaché au char de César. Ce n'est pas vrai mais certains Algériens le reprennent pourtant. Très peu d'Algériens ont écrit sur cette période. Et aujourd'hui, il s'en trouve certains pour penser que Massinissa était un traître. Il s'est effectivement allié aux Romains à un moment donné, mais c'était stratégique. Il était amoureux, en tout cas prétendant, de Sophonisbe, princesse de Carthage, que son père a finalement mariée à Syphax. Et Massinissa s'est trouvé, par cette alliance, pris en étau entre le royaume de Carthage et celui de Syphax qui rêvait d'annexer Cirta.
Selon vous, les rois numides étaient attachés à « la liberté de pensée de leur peuple » et à l'indépendance de leur royaume, n'est-ce pas un peu idyllique et généralisateur ?
Quand on se penche sur Gaïa, le père de Massinissa, sur Hiempsal, Jugurtha, Juba I, puis Tacfarinas… ce sont des gens qui étaient contre l'occupation romaine et se sont toujours battus pour l'intégrité de leurs territoires.
Mais la plupart les grandes figures de résistance étaient hors du pouvoir, comme Tacfarinas, ou en avaient été évincés, comme Jugurtha…
Pour le premier, oui, mais pour Jugurtha, non. Certaines sources avancent qu'il était le fils d'une concubine. Il n'empêche, il état de sang royal par son père. Quand Micipsa est mort, il a lutté contre ses deux cousins, inféodés à Rome, pour prendre le pouvoir. Il est parti à Rome négocier avec le Sénat. Quant à Massinissa, sa stratégie s'inscrivait fondamentalement dans une optique d'indépendance et de recherche d'un certain bien-être de son peuple.
On trouve des faits curieux et amusants dans votre livre, comme cette histoire de profil gauche des rois sur les monnaies, puis, à partir de Juba I, le passage au profil droit…
Je n'ai pas encore trouvé d'explication. Cela peut-être un simple phénomène de mode comme quelque chose de profond. Je ne suis pas numismate, et il faudrait aller plus en détails dans la recherche. Mais ce n'était pas le but de ce travail. J'ai tenu à signaler ce point comme d'autres demeurés inexpliqués et qui peuvent s'avérer ensuite seulement anecdotiques. Que voulez-vous, les lignes de l'histoire sont en pointillés et non en lignes continues !
Vous relevez plusieurs fois le haut niveau culturel de ces rois, en tout cas, leur rôle actif de mécènes…
Absolument, mon premier chapitre s'intitule Entre le glaive et la plume, le glaive pour la liberté et la plume pour le savoir et l'art. Ils ont été de grands mécènes. Micipsa avait fait venir à Cirta des musiciens et des philosophes, pour la plupart grecs, et il avait constitué une immense bibliothèque. Elle comprenait une grande partie du fonds de la bibliothèque de Carthage qui équivalait, selon certaines sources, à celle d'Alexandrie. Et c'est finalement Juba II, par son grand-père Hiempsal II, puis son père Juba I, qui a récupéré ce fonds qui devait être à Cherchell et dont on a perdu la trace.
Plusieurs rois numides ont écrit, comme Hiempsal, avec les Libri Punici, les Livres Puniques. Juba II a, pour sa part, énormément écrit dans tous les domaines, faisant preuve d'un esprit scientifique et littéraire brillant et reconnu. Il écrivait en grec. Tenez, Auguste l'empereur est réputé pour avoir renforcé l'héritage grec de Rome et on avance que Juba II l'imitait. Mais tandis qu'Auguste ne faisait que copier Athènes, Juba II était un créateur et un auteur qui écrivait en grec. Micipsa et lui, principalement, ont été de grands mécènes de l'art et je dirai de l'art numido-grec.
En allant vers l'héritage grec, n'avaient-ils pas la volonté de se placer symboliquement d'égal à égal avec Rome qui se targuait d'être légataire de ce patrimoine ?
Probablement. Ils entretenaient des relations fournies, très intimes mêmes avec le monde grec. Il y a eu des alliances et aussi une entraide entre le monde hellénistique et le monde numide. Pourquoi par exemple Alexandre le Grand n'est pas venu en Afrique du Nord après l'Egypte et a préféré aller vers l'Asie ? On se le demande. On retrouve en Grèce, à Athènes, Rhodes, etc. de nombreuses dédicaces aux rois numides, des statues, des inscriptions, qui parlent de Massinissa, Micipsa, Jugurtha... On y a même trouvé des statues de Juba II et de son fils Ptolémée. Qu'est-ce qui aurait bien pu pousser les Grecs à leur accorder un tel intérêt sinon des relations très fortes et un prestige certain ?
Vous parlez d'un « art spécifique aux royaumes de Numidie » ? En quoi l'était-il ?
Les Numides ont repris beaucoup de l'art grec, mais pour ce qui est des styles et des touches visuelles disons, on voit bien qu'elles ne sont pas gréco-romaines et apparaissent comme autochtones. Les techniques différaient. Mais ce sont des points qui mériteraient d'être approfondis à travers des programmes de recherches soutenus en histoire de l'art.
Vous parlez des femmes de cette dynastie : la tragique Sophonisbe, Cléopâtre de Séléné la prestigieuse, Glaphyra la méconnue… Toutes les reines étaient étrangères ?
On ne sait pas avec qui était marié Massinissa ou Micipsa. Jugurtha avait épousé la fille de Bocchus, celui qui devait le trahir, mais on ne sait rien d'elle. Et on connaît celles que vous avez citées parce que les chroniqueurs grecs et romains les connaissaient déjà. C'est pourquoi toutes les femmes de la dynastie numide peuvent paraître étrangères. Cela dit, c'était peut-être la réalité, car dans l'Antiquité comme plus tard, chez nous et ailleurs, les rois épousent des reines et recherchent ainsi des alliances stratégiques.
Vous terminez sur le dernier de la lignée, Ptolémée de Maurétanie, fils de Juba II. Il était pressenti pour être empereur de Rome. Vous écrivez : « Le monde aurait-il été différent ? ». Je vous le demande…
J'ai la conviction intime que oui. Ptolémée a été assassiné parce qu'il avait de fortes chances de devenir empereur. Il était le petit-fils de Marc Antoine tandis que son ennemi, Caligula, n'en était que l'arrière-petit-fils. Il tenait par son père le royaume de Maurétanie, de Sétif jusqu'à l'Océan Atlantique. Il aurait pu devenir empereur de Rome, soit d'un empire encore immense qui couvrait la Méditerranée et l'Europe avec Carthage annexée, ce qui lui aurait permis de rattacher tous les morceaux de l'actuel Maghreb. Héritier, de plus, de la lignée pharaonique par sa grand-mère maternelle, Cléopâtre, il était donc potentiellement, avec cette triple filiation, le maître du monde.
Comme on dit, du « monde connu » à cette époque…
S'il était monté sur le trône à Rome, l'histoire aurait pu connaître d'autres évolutions. Mais ce ne sont là que supputations et, là, je dois rappeler l'adage si sage qui veut que l'histoire ne s'écrit pas avec des « si ».
Nos ancêtres les rois numides ou les Aguellids des Imazighen (du 3e siècle av J.C. au 1er siècle). Mahfoud Ferroukhi. Ed. Dalimen, Alger. 2009. 150 p.
Repères :
Né en 1953 à Alger, Mahfoud Ferroukhi a étudié l'histoire de l'art et l'archéologie à l'université Aristote Thessaloniki (Grèce) avant de soutenir en 2001 un doctorat dans les mêmes disciplines à l'université Paul Valery de Montpellier. Depuis 1991, il est chargé de mission pour la coopération internationale (Maghreb) à l'Institut national de recherches archéologiques préventives (France) et responsable scientifique d'opérations. Il a longtemps travaillé au ministère de la Culture avec des responsabilités relatives à l'archéologie et aux musées. Son ouvrage sur les rois numides a été illustré par sa nièce, Nadia Ferroukhi, photographe internationale, avec un magnifique dessin de son frère, le peintre Noureddine Ferroukhi, représentant le suicide de Sophonisbe. Mahfoud Ferroukhi prépare actuellement un ouvrage sur Juba et Cléopâtre.


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