Par Abdelmadjid Bouzidi [email protected] Les analyses aujourd�hui convergent : la crise financi�re et �conomique de cette fin d�ann�e 2008 est bien la crise de la mondialisation. C�est m�me la premi�re crise de la mondialisation lib�rale de l��conomie. De nombreux �conomistes ont d�j� d�nonc� cette globalisation b�n�ficiant davantage au capital qu�au travail, aux riches qu�aux pauvres. Mais, aujourd'hui, ce sont les moteurs de la mondialisation qui sont mis � mal : ouverture des march�s, cha�nes d�approvisionnement mondiales, entreprises int�gr�es au niveau mondial, capitaux priv�s ont produit l�apparition et la diffusion de la crise. Et c�est bien pour cela que l�esprit du protectionnisme souffle � nouveau et que les multinationales, qui n�avaient pas de drapeau, renouent avec leurs racines nationales (cf. Jean Pisani - Ferry). Et ce ne sont pas l��chec de la r�glementation des march�s et l�absence de surveillance des institutions financi�res qui expliqueraient toute la crise. Et la preuve, l� aussi, en est qu�il n�y a pas eu de �d�couplage� attendu par les sp�cialistes qui pensaient voir les pays �mergents et � leur t�te les BRIC (Br�sil, Inde, Chine et Russie) passer entre les gouttes. Les pays �mergents sont eux aussi touch�s par la crise pour deux raisons au moins : 1) Les flux de capitaux priv�s qu�ils recevaient ne vont atteindre que quelque 165 milliards de dollars en 2009 en baisse de 82 % par rapport � 2007. 2) Le commerce international a �t� un vecteur de contagion de l�Asie de l�Est et pour cause : la valeur des exportations est-asiatiques vers l�Am�rique du Nord et l�Europe repr�sente 12 % du PIB de la r�gion. Le commerce a propag� la crise. A fin 2008, les �changes et la production ont chut� de 10 % et, dans plusieurs pays d�Asie, les exportations ont recul� de 10 � 20 % sur douze mois (cf. �Remodeler l��conomie mondiale� Jean Pisani - Ferry et Indhira Santos - Finances et D�vt. mars 2009). Le remodelage de l��conomie mondiale a-t-il commenc� ? Quatre moteurs de la mondialisation rapide de ces derni�res ann�es sont affect�s par la crise : 1) Les difficult�s des capitaux priv�s : Les participations de l�Etat dans le secteur priv� ont beaucoup augment� ces derniers mois. Sont concern�s : les banques, les assurances, le secteur automobile. 2) L�int�gration des entreprises � l��chelle mondiale est remise en question. Les aides publiques risquent de transformer les entreprises internationales en champions nationaux. Les d�clarations du patron de Continental (pneus allemands), �j�ai des devoirs envers mes 80 000 salari�s de par le monde�, ne sont plus � propos. L�Etat aide les entreprises mais en exigeant d�elles de sauver d�abord les activit�s et les salari�s nationaux. La pr�f�rence est pour l��conomie nationale : �Achetez am�ricain� est la clause du plan de relance des Etats- Unis, �Des emplois britanniques pour les travailleurs britanniques � est le slogan de Gordon Brown et le Fran�ais Nicholas Sarkozy adosse le plan fran�ais de l�automobile � des emplois nationaux. 3) Les ripostes nationales � la crise comportent les risques d�une fragmentation �conomique et financi�re. 4) Les droits de douane augmentent dans plusieurs pays depuis le d�but de la crise : �De l�Inde et de la Chine jusqu�� l�Equateur et l�Argentine� (Jean Pisani Ferry - d�j� cit�). Est-ce que ces �volutions ne sont que conjoncturelles et des r�actions imm�diates � la crise ou constituent-elles des pr�mices � une sorte de d�mondialisation de l��conomie ? Les analystes, pour l�instant, observent. Une chose est, en tout cas, certaine : la question des fronti�res entre l�Etat et le march� est � nouveau pos�e. Il est vrai que personne ne pr�conise le retour � la planification centrale et l�implication massive de l�Etat dans l�activit� �conomique, mais la conception keyn�sienne des liens entre les march�s et l�Etat, qui a pr�valu dans la plupart des pays occidentaux de l�apr�s-guerre jusqu�aux ann�es 1980, refait surface. Est-ce la revanche de Keynes sur Milton Friedman, qui louait la rationalit� et l�efficacit� du march� et d�non�ait l�Etat irrationnel et souvent inefficace, un Etat qui, de surcro�t, disait-il, n�agissait pas toujours dans l�int�r�t g�n�ral et pouvait �tre min� par la corruption ou instrumentalis� par des groupes de pression ? La r�gulation contre la d�r�glementation. La pr�sence de l�Etat contre la main invisible. Mais la d�mocratie contre le totalitarisme et l��conomie de march� solidaire contre l��conomie administr�e � gestion centralis�e. Les d�bats �conomiques, les d�bats des �conomistes sont, d�cid�ment, un �ternel recommencement !