Par Boubakeur Hamidechi [email protected] A l��vidence, les c�l�brations nationales sont bien plus que des rites m�moriels. Elles agissent au nom de la coh�sion et fonctionnent par cons�quent comme des vaccins de rappel pour pr�venir le d�litement. En somme, les dates historiques, en se chargeant de la fonction de sanctification des valeurs fondatrices de la Nation et de l�Etat, p�rennisent l�une et l�autre en les mettant � l�abri des d�rives aventureuses. En clair, il n�y a pas de Nation sans symboles de m�me qu�un Etat devient �ind�finissable� quand il �gare ses rep�res historiques. Parmi la cohorte des soci�t�s martyris�es dans le pass�, l�Alg�rie est s�rement l�une qui porte les plus ind�l�biles stigmates dans sa m�moire collective. Souvenirs marqu�s au fer et vis-�-vis desquels l�adh�sion collective a longtemps �t� sans �quivoque. C�est-�-dire qu�ils �taient indiscutablement reconnus comme le tribut commun pay� pour recouvrer une dignit�. Ce sont ces dates bornant le destin du pays qui ont pr�cis�ment constitu� les rep�res g�n�riques d�une identit� nationale jamais al�atoire et pourtant soumise de temps � autre � la tourmente de politiciens illumin�s. Parfois travers�e par des doutes sournois quand la stigmatisation d�signait � la vindicte primaire certaines populations, elle parvint, cependant, � surmonter toutes les suspicions de s�paratisme sciemment pr�fabriqu�es. Dans ce calendrier identitaire, le 1er Novembre et le 5 Juillet n�ont jamais cess� de repr�senter les moments majeurs. Ceux illustrant la r�surrection d�une Nation s�culairement ni�e et l�acte de naissance d�un Etat moderne sans commune grandeur par rapport aux minuscules mythes qui lui furent l�gu�s par l�histoire. Or, le 1er Novembre, d�cr�t� tr�s t�t (1963) et en bonne logique, f�te nationale, continue � �tre charg� de sens au moment o� le 5 Juillet, initialement baptis� f�te de l�ind�pendance, se voit lui vid� de toute signification. Une �rosion subrepticement entreprise d�s la d�cennie 1970 et qui m�rite a post�riori une explication. A cette �poque, les doctrinaires du parti unique, plac� sous le contr�le des putschistes du 19 Juin, se chargeront de l�gitimer �leur� date en lui attribuant ce qui �tait le �qualifiant� du 5 Juillet, � savoir : �le r�tablissement de l�Etat alg�rien� ! Sauf que cette manipulation par son �normit� pouvait heurter l�opinion si elle venait � passer par l�abrogation pure et simple. L�on recourut alors au subterfuge de �f�te de la jeunesse � pour designer le d�barquement de Sidi-Fredj en 1830 et son contre-point, la signature de la souverainet� en 1962. Un triste tour de passe-passe destin� � d�placer les rep�res m�moriels afin d�intercaler celui qui n��tait rien d�autre qu�un avatar de la gu�guerre des clans autour du pouvoir. Ainsi, si le 1er Novembre demeurait inalt�rable et inali�nable dans le domaine historique, il a �t� en revanche possible de s�attaquer � la symbolique incarn�e par le 5 Juillet en le d�mon�tisant au profit de la nouvelle id�ologie du pouvoir. R�duit � ne signifier qu�une transition entre le statut de d�pendance et celui du libre arbitre, l�on transf�ra vers le 19 juin la paternit� de l�Etat tout en gardant (par ruse �videmment) son caract�re festif au 5 Juillet. Sachant que la r�alit� de l�Etat ne trouve son expression que dans les institutions qu�il se donne, l�on parvint alors � r��crire le cat�chisme du pays en qualifiant la p�riode allant de 1962 � 1965 de �non-Etat�. Celui du chaos. La suite allant de soi, �l��lan r�volutionnaire� (sic) pris un certain 19 juin 1965, se chargera alors d�encadrer sa propre l�gitimit�. D�s lors, il s�autoproclamera comme la r�f�rence essentielle en de�� de laquelle l�Etat n��tait qu�une virtualit� que seule la ferveur collective c�l�brait irrationnellement au nom de quelques grandioses souvenirs. A quelques pr�cisions pr�s, c�est ainsi que l�on est parvenu � �vacuer une date matricielle. Toujours pr�sente, certes, parmi nos jours f�ri�s, elle est par contre quasi interdite de solennit�s officielles sauf celles qui consistent � �galonner� quelques grands k�pis et, accessoirement, envoyer un message sibyllin. Il a fallu pourtant attendre 40 ann�es avant que ne disparaisse cette scorie historique que repr�sentait le r�f�rent du 19 juin. La R�publique semblait s��tre r�concili�e avec les fondamentaux de notre histoire en abrogeant en 2005 celui-ci. Seulement, elle h�site encore de nos jours � restaurer ce 5 Juillet en lui redonnant les couleurs d�une f�te nationale et pas celles d�une kermesse pour potaches. Peut-�tre se rattrapera-t-elle cette ann�e en le dotant d�une somptuosit� dont il fut priv� longtemps au nom d�un d�suet oukase id�ologique. L�occasion d�un festival panafricain s�ouvrant le m�me jour sera-t-il l�amorce d�une r�habilitation future ? Une sorte de r�p�tition g�n�rale devant servir de mod�le � tous les 5 Juillet � venir. M�me si l�on sait qu�une telle manifestation rel�ve du marketing politique de l�actuel pouvoir et que le probl�matique 5 Juillet n�est que secondairement concern� ; pourquoi ne devrait-on pas prendre au mot les demi-mensonges du r�gime afin de le contraindre � investir autant de moyens � l�avenir dans ce jour nodal de notre calendrier afin qu�il redevienne v�ritablement le rend-vous de notre identit� nationale ? Notre ch�re et co�teuse ministre des festivit�s se d�fend mal lorsqu�elle relativise le caract�re on�reux d�un remake de 1969. Car s�il est indiscutablement vrai que la culture n�a pas de prix, elle a cependant un co�t prohibitif lorsqu�elle ne s�adresse pas � ceux qui en ont le plus besoin. Ces Alg�riens en perte de rep�res � force de manipulation de leur histoire et de leur culture plurielle ne sont-ils pas prioritairement �ligibles � la sollicitude de l�Etat ? Qu�� partir d�El-Djaza�r, le g�nie artistique et culturel de l�Afrique soit revisit� est certes louable encore fallait-il commencer par faire l�inventaire de notre d�sastre national en la mati�re et y apporter les rem�des avant d�aller au-devant de l�autre. Des autres, nos semblables dans la d�tresse. Et puisque ce 5 Juillet 2009 est plac� sous le signe de notre incontestable africanit� pourquoi ne pas exiger, d�ores et d�j�, que les suivants le soient sous le label national et pour le m�me tarif, comme il s��crit trivialement. Le 5 Juillet 2010 co�tera 100 millions de dollars � l�Etat o� alors il ne sera qu�un ersatz de la bonne foi des dirigeants de ce pays.