Rarement une �preuve de force d�clench�e dans la l�galit� n�a eu, par le pass�, un aussi juste retentissement dans l�opinion comme celle que vient d�engager le corps enseignant. Partie d�une modeste revendication de certains droits, d�ailleurs reconnus et admis par le pass� r�cent, elle est en passe de mobiliser autour d�elle la totalit� des agents de la Fonction publique. Bient�t l�on verra se multiplier les d�brayages dans les secteurs de celle-ci et il ne sera alors pas exclu que l�on s�achemina vite vers la gr�ve g�n�rale. Face � l�impuissance de l�Etat d�encourager le dialogue, de convaincre du bien-fond� de ses r�solutions ou m�me de renoncer � certaines d�entre elles l�arme de la gr�ve devient in�vitablement appropri�e. Et c�est pr�cis�ment au moment o� celle qui affecte l��cole se durcit et s�engouffre dans l�impasse que le Premier ministre se rappelle au souvenir de l�opinion du pays en diffusant un dr�le de communiqu�. Une notification quasi officielle significative de la nouvelle �m�thode� qu�il s�est choisi pour se d�fendre. D�sormais monsieur Ouyahia, refusant de d�battre devant les micros, s�exprime par la plume. Il ne cause plus, il �crit. Sauf que sa copie est trop obscure ou alors trop cod�e pour la comprendre au pied de la lettre. En effet, il vient de s�inventer une singuli�re opportunit� pour s�auto-encenser en l�intitulant : �Bilan semestriel des r�alisations du gouvernement�. �Bizarre� Bizarre !... Vous avez dit bizarre ?� Cette c�l�bre r�partie d�acteurs ne s�appliquerait-elle pas parfaitement � son innovation dans les us politiques ? Car il n�est pas dans les traditions gouvernementales de se laisser juger sur son action tous les six mois et de surcro�t plaider par le canal d�un simple courrier d�agence de presse. Pour cela, il y a habituellement une �ch�ance rigoureusement dat�e et une tribune (le Parlement) pour convaincre apr�s d�bat contradictoire. Or, s�il a choisi de le faire de cette mani�re, c�est qu�il a s�rement senti le vent du boulet siffler sur son poste. Plus que par le pass�, son action (ou plut�t sa r�signation actuelle) serait fortement contest�e lui que l�on donnait, il n�y a pas si longtemps, pour un incontestable commis de la gouvernance. Le fait d�avoir opt� pour une pareille riposte qui rompt avec la norme et les r�gles ne visait-il pas finalement � couvrir ses arri�res ? Mais de qui et de quoi ? De ceux, et ils sont nombreux, qui lui imputent seul le formidable gaspillage du potentiel de l�Etat. De fait, cela renseigne globalement sur le climat d�l�t�re qui r�gne au sein de l�Ex�cutif. H�las pour sa gouverne, il semble s�y �tre mal pris en recourant � l�audit par l�inventaire. Car non seulement celui-ci est truff� de contrev�rit�s facilement v�rifiables, mais encore, il est incoh�rent dans sa forme. En clair, son document ressemble � un �inventaire � la Pr�vert� : celui que qualifient les dictionnaires comme une ��num�ration burlesque d��l�ments sans rapport entre eux�. Un path�tique proc�d� d�auto-d�fense qui ne peut que le rabaisser un peu plus dans la rare estime que lui vouent encore ses coll�gues ministres. De moins un moins sujet � consid�ration de la part des subalternes du gouvernement ne vient-il pas de s�illustrer du plus d�testable silence face � la gr�ve scolaire ? Ayant �t� le r�dacteur de la circulaire � l�origine de la col�re des enseignants, il aurait �t� plus cons�quent avec ses convictions de gestionnaire d�en assumer sa part de responsabilit� sur la question en se mettant en premi�re ligne. Il ne l�a pas fait en s�abstenant m�me de s�exprimer sur le sujet livrant ainsi en p�ture � la critique le ministre concern�. Pour n�avoir pas �t� exemplaire en termes de solidarit� gouvernementale l�on peut finalement imaginer que tout, un chacun dans l�Ex�cutif se m�fiera dor�navant de ses directives et de ses ordres. C�est peut-�tre l�oubli de la vieille sagesse qui met en garde contre l�usage abusif de la ruse (�l�on ne peut tromper tout le monde tout le temps�) qui lui co�te, de nos jours, cette panne d�intelligence politique. Honteusement, ce premier des ministres est dramatiquement nu. Pas la moindre feuille de vigne ne pourra encore cacher les errements de sa mauvaise gestion. Rattrap� chaque fois par les retomb�es n�gatives de ses approximations dans la d�cision de quoi pourra-t-il arguer, � l�avenir, afin de convaincre le premier cercle qu�il est toujours en mesure de bien superviser les affaires publiques ? L�aplomb et l�assurance que ce ministre mettait � nier les inqui�tudes qui enflaient dans le pays arrangeaient l�establishment tant que la soupape sociale tenait bon. Mais quand l�exasp�ration se propagea � toutes les strates et qu�il se r�v�la sous les traits d�un commis sans grande imagination et notamment d�nu� de remords politiques pour admettre le bien-fond� des critiques qui lui sont adress�es. Car rien dans les fondamentaux de sa d�marche n�a �t� exempt de morgue et de m�pris des cons�quences � tel point qu�il en devint un interlocuteur non grata aupr�s de bons nombres de partenaires sociaux. Parmi ceux-l�, il y a les syndicats autonomes, partageant unitairement le mot d�ordre de la gr�ve, qui le disent clairement. Ne souhaitant que l�arbitrage exclusif du pr�sident de la R�publique pour d�nouer la situation de blocage dans l�enseignement, ils le d�signent implicitement comme l�auteur de ce conflit. A travers ses foucades du pass�, quand il avait le statut de chef du gouvernement, et son mutisme actuel que lui impose le r�tr�cissement de ses pr�rogatives, Ouyahia donne une image d�sastreuse de l�autorit� et de la rectitude de l�Etat. Et ce sont, pr�cis�ment, les d�l�gu�s de nos �marchands d�alphabets� qui aujourd�hui, insistent sur cette perversion. �Lorsque, disent-ils en substance, la haute administration renie ses engagements et ignore sa propre signature n�engage-t-elle pas l�Etat sur la pente du non-droit et par voie de cons�quence alimente � ses d�pens la contestation ?� Coupable et responsable � la fois, c�est donc le gouvernement qui est � l�origine de ce huis clos dans les �coles et lyc�es. Or, pour les rouvrir � nouveau, n�est-il pas temps de d�signer � celui-ci la porte de sortie ?