Dans deux ans, l�Alg�rie f�tera un demi-si�cle de souverainet�. Un anniversaire hautement symbolique que nous ne pourrons pas, pourtant, c�l�brer �entre-nous�. Comme on le sait, les histoires tourment�es et violentes s��crivent diff�remment selon les prismes de l�ancien opprim� ou alors de l�inconsolable oppresseur. En cons�quence, l�on doit s�attendre � ce que, � partir de l�autre rive de la M�diterran�e, l�on fasse notre bilan global � notre place, de la m�me mani�re que l�on �tablit actuellement celui des ind�pendances africaines (1960-2010). Anticiper sur les critiques parfois sp�cieuses tout en nous pr�munissant d�excessives glorifications mensong�res par d�finition, ne serait pas une pr�caution de trop. La question n�est pas pr�matur�e dans la mesure o� nous ne souhaitons pas �tre pris de court par le temps en �tant au rendez-vous de 2012 � travers des publications de travaux historiques sur la p�riode (1962-2012). De celles qui sachent �viter � la fois les �cueils de la d�magogie mais aussi la censure et les d�sirs de falsification du pouvoir politique. Jadis Mostefa Lacheraf nous mettait justement en garde contre la propension � la �sentimentalit� parfois b�lante � qui tourne le dos � la v�ritable d�cantation historique. Celle qui est destin�e � �survivre et perdurer�, ajoutait-il. Dans le fil de sa pens�e, il posait la question du rapport des g�n�rations actuelles � l�histoire du pays. Il proposait, entre autres, d�en finir avec la �d�mesure pseudo-h�ro�que et le recours aux seuls mythes avantageux � qui agacent plus qu�ils n��difient la jeunesse et la d�tourne, une fois pour toutes, de son pass� qu�il soit proche ou lointain. Le constat, datant de 1985 d�j�, demeure � ce jour ignor� par nos dirigeants qui, tout en s�accommodant des momifications historiques, recourent aux subterfuges afin de s�approprier des r�les et de se construire des postures au d�triment des v�ritables rep�res. C�est ce qui est advenu � ce �5 Juillet� que l�on a pernicieusement d�mon�tis� jusqu�� n��voquer que des rendez-vous de kermesses scolaires. En l�espace de 48 ann�es, cette journ�e est pass�e de l�exub�rance populaire � l�indiff�rence la plus ennuyeuse. De r�clusion m�morielle en enfouissement d�lib�r�, elle n�est d�sormais c�l�br�e qu�en petit comit�. Pis, dans les cercles du r�gime, elle est consid�r�e comme un pensum protocolaire auquel il faut se plier. C�est dire, qu�en mati�re de respect des symboles, ce n�est pas du c�t� des chaumi�res populaires qu�il faut aller tisonner pour ranimer la flamme identitaire mais plut�t au c�ur de la maison du pouvoir et ses d�pendances qu�il faut trouver une explication � cette ti�deur. En somme, chercher le pourquoi d�une telle d�su�tude et � qui celle-ci a �t� profitable. Car enfin, ce sont avant tout les peuples qui sont attach�s au culte de la m�moire et � la c�l�bration de tout ce qu�elles �voquent au nom du pass�. Per�ues comme les antidotes � la dissolution et la perte, les dates leur servent de vigies. Elles leur d�signent les socles sur lesquels se sont b�tis leurs sentiments d�appartenance. En clair, il n�existe pas de nation sans r�f�rences � l�id�e, f�t-elle t�nue, d�un destin commun. Or parmi la cohorte des soci�t�s martyris�es par l�histoire, l�Alg�rie est de celles qui poss�de le potentiel de m�moire le plus marqu� pour lui �viter le d�litement ; et ce quelles que furent les �preuves douloureuses qu�elle eut � subir. Autant souligner qu�elle a moins de droit que d�autres de solder les combats du pass� au pr�texte que les pages de l�histoire sont uniquement �crites pour �tre tourn�es par la suite ! Ce sont ces dates comm�moratives qui constituent les rep�res g�n�riques d�une identit� nationale s�culairement contest�e et, par la suite, travers�e par des doutes et d�odieuses exclusions. Souvent malmen�es, certaines r�f�rences peinent � demeurer festives quand d�autres r�sistent mieux au temps et aux id�ologies. Il en est ainsi du 5 Juillet et du 1er Novembre : ces moments ind�passables qui d�signent la restauration de l�Etat et la naissance de la nation. Alors que le 1er Novembre d�cr�t� d�s 1963 f�te nationale, continue � �tre charg� de sens, en revanche, la f�te de l�Ind�pendance a �t� patiemment vid�e de toute signification. Bien que les non-dits soient longtemps demeur�s plus forts que toutes les explications fournies, l�on ne peut comprendre la �d�classification� de cette date qu�en nous repla�ant dans le contexte des premi�res ann�es de l�ind�pendance. Ind�niablement, elle fut une victime du processus violent � l�origine de la course au pouvoir entre 1962 et 1965. La crise de l��t� 1962 allait implicitement en faire un mort-n� d�s l�instant o� l�arm�e des fronti�res n�attendait que son heure pour prendre le contr�le total du pouvoir. La suite des �v�nements annoncera le d�clin de cette c�l�bration. En effet, au lendemain du coup d�Etat, il fallait inscrire dans la l�gitimit� historique la date du 19 juin et rel�guer progressivement celle du 5 Juillet parmi les indicateurs secondaires du calendrier officiel. Aussi, a-t-il fallu attendre 36 ans (1968-2004) avant que ne soit abrog�e la date du 19 juin sans pour autant que celle du 5 Juillet retrouve sa pr��minence initiale ! Sur ce sujet, deux questions demeurent sans r�ponses. Pour quelle raison persiste-t-on toujours � r�duire la manifestation festive du 5 Juillet ? Et comment s�y prendra-t-on en 2012 pour marquer solennellement un demi-si�cle apr�s le changement de drapeaux (3 juillet pr�cis�ment) alors que la date est tomb�e presque dans l�oubli ? � deux ans du grand bilan, voil� donc un Etat qui h�site presque sur sa date de naissance !