Une halte dans un petit estaminet du Hodna, appel� El- Djour, s'impose depuis une ann�e aux voyageurs qui empruntent le tron�on routier reliant la da�ra de Djebel Messa�d � la RN 46. El Djour, c�est aussi le nom donn� � une for�t situ�e en contrebas de Djebel Messa�d, � 120 km de M�sila et � quelque 1 600 m d�altitude. La for�t, qui re�oit chaque ann�e plus de 300 mm de pluie favorisant un couvert v�g�tal typiquement m�diterran�en, s��tend sur une superficie de 33 500 ha o� des plantes telles que le gen�vrier de Ph�nicie (araar) et le romarin se disputent un tapis sur lequel des pins d'Alep se dressent, d�fiant la nature aride de la r�gion. El-Djour, c�est encore et surtout l�appellation d�une boisson typique de cette r�gion qui attire de plus en plus d�adeptes venant souvent de contr�es voisines, notamment d�El-Hamel, de Bousa�da et m�me de Tamsa et qui n'h�sitent pas � faire des kilom�tres pour venir en siroter quelques verres, pr�textant un week-end au calme, � l'ombre des pins d'Alep. Une habitude d�sormais ancr�e chez ces partisans du Djour, au point o� elle a cr�� des �mules dans les rangs des voyageurs de passage qui s�arr�tent bien volontiers pour d�guster ce breuvage auquel on attribue des vertus de �bien-�tre�. Le th�, boisson reine de la r�gion du Hodna, semble aujourd�hui s�incliner humblement devant El Djour, ce nectar dont la couleur rappelle le sirop de grenadine et que l'on sert chaud. Un breuvage qui est m�me parvenu � d�tr�ner le fameux caf� de la �djezoua� (ustensile traditionnel pour la pr�paration du caf�), lui aussi tr�s pris� dans les r�gions rurales de M�sila, conduisant le propri�taire du �caboulot� � en faire la t�te d�affiche de son menu. Un �secret� de fabrication bien gard� En fait, la �formule� du djour et ses secrets de fabrication sont jalousement gard�s par le ma�tre de c�ans. Aucun stratag�me, aussi �labor� soit-il, ne lui fera �cracher le morceau�. De nombreux clients s�y sont pourtant essay�s comme ce jeune homme qui, s'adressant au propri�taire du caf�, lance �innocemment� que le djour a une �saveur bien cors�e qui �voque le cassisa�, ou cet autre qui prend le discours au vol pour estimer, s'humectant les l�vres, que cela rappelle plut�t le go�t du �ara�r�. Un autre encore, prenant l�air c�r�monieux d�un sommelier, prom�ne le liquide rouge�tre dans sa bouche ferm�e, avale puis claque la langue avant de d�cr�ter : �araar, oui, mais avec un je-ne-sais- quoi de plus cors�. Du coup, au caf� El Djour, tous les d�bats tournent autour de la composition de ce breuvage. Mais ni questions directes, ni encore moins les �pi�ges� n'arrivent � �branler le d�tenteur du �secret� qui, pour toute r�ponse, prenant un ton emphatique, proclame qu�il s�agit d�un �h�ritage familial, l�gu� de p�re en fils� et qu�il �tait inutile d�insister. �Marque d�pos�e� de la r�gion Cette solide assurance semble conf�rer au propri�taire du caf� le statut �d�explorateur intr�pide� des ressources v�g�tales dont regorge la for�t d�El Djour. Il se compla�t dans son r�le �central� et ne rechigne pas, apr�s avoir feint de s�en lasser, de remettre sur le tapis ses connaissances herboristes, �h�ritage familial transmis gr�ce aux traditions orales du Hodna�. Se faisant le d�fenseur de la m�decine traditionnelle, selon lui �menac�e� par l'abus de m�dicaments, �l'herboriste� se met � �noncer une multitude de recettes traditionnelles, toutes � base de plantes, issues de Djebel Messa�d et de la for�t de El-Djour avec, toutefois, un brin d'�l�ments entrant dans leur constitution. S'extasiant � l'�vocation de leurs multiples vertus th�rapeutiques, r�elles ou suppos�es, il semble prendre un malin plaisir � toujours laisser son auditoire sur sa faim. �C'est un secret�, clame-t-il invariablement, suscitant moult soupirs r�sign�s. Intarissable o� ce qui est plut�t �tonnant pour quelqu�un qui s��vertue � taire ses secrets o� il remet inlassablement le d�bat dans son contexte �naturel� en questionnant ses clients sur ce qu'ils pensaient de son �djour� et en les assurant des bienfaits de son infusion qu'il dit �radicale� contre les ballonnements et autres crises de l'appareil digestif. Encourag� par les hochements de t�te qui n�en finissent pas d�approuver son discours, il repart de plus belle dans des explications sur les �miracles� du breuvage-vedette de son caf�, mais en mettant un point d�honneur � ne rien laisser filtrer de sa composition. �C�est la marque d�pos�e de notre r�gion et le fruit de notre m�re nourrici�re, la for�t�, se contente-t-il de dire avec un sourire entendu.