A l�autre bout du fil, Roma�ssa, que l�on appelle d�sormais �Romy� � Paris, me parle. �Merci�, articule-t-elle sans difficult�s. Elle vient d�obtenir une prise en charge d�une ann�e sous forme d�aide m�dicale de l�Etat. Samia est cet ange alg�rien volant au-dessus de la Seine pour venir au secours de tous les Alg�riens en d�tresse, et notamment ceux frapp�s par les maladies graves, avec un penchant pour les bambins qui, contre vents et mar�es, se battent chez nous pour survivre ! Dans notre pays, domin� par des gens qui oublient qu�ils ont des m�decins et des structures sanitaires de qualit� ici et qui s�en vont �l�-bas� pour se soigner une dent aux frais de la princesse, dans ce pays o� le brave Boumediene a choisi de mourir dans un pavillon de l�h�pital Mustapha-Pacha, alors que tous ses successeurs sont partis � l��tranger pour se soigner ; dans ce pays qui n�en finit pas de crouler sous le poids de la mis�re humaine, des gosses frapp�s par des maladies rares, voire tr�s rares, meurent en silence ! �L�h�pital a d�cid� de la sortir� Samia a lu l�appel de la m�re de Roma�ssa, une petite Ch�lifienne courageuse comme il y en tant dans ces contr�es o� l�on apprend � vivoter d�s son jeune ; Samia a r�agi avec sa passion coutumi�re, elle et d�autres concitoyens de Paris, habitu�s � venir en aide aux jeunes malades alg�riens. D�s qu�elle a pris connaissance du cas de Roma�ssa qui venait d�obtenir sa prise en charge pour l�op�ration d�licate de �d�connexion d�une moiti� du cerveau�, � seule chirurgie connue pour all�ger les souffrances du patient et arr�ter une lente et inexorable d�g�n�rescence de tous les membres avec perte de la parole �, elle se mobilisa nuit et jour. En effet, r�pondant � l�appel de Nadia, la maman de Roma�ssa, le ministre du Travail et le directeur g�n�ral de la Cnas ont donn� des instructions fermes pour que la prise en charge de la patiente soit effectu�e dans les meilleurs d�lais et les meilleures conditions. Seulement, pour la r��ducation postop�ratoire que l�on ne peut effectuer chez nous (cette maladie est tr�s rare : on compte seulement 35 cas depuis 1987), les choses ont �volu� autrement. Il n�y avait personne pour �couter les pleurs de Nadia et de sa petite fille : nos administrations, d�j� inhumaines, sombrent totalement dans le coma durant l��t� ! Quant � l�h�pital parisien o� la petite a �t� op�r�e, que l�on nous permette de douter de l�humanit� de ceux, parmi ses dirigeants, qui sont rest�s en poste. En l�absence des professeurs ayant op�r� la petite et dont on dit qu�ils sont d�une g�n�rosit� exemplaire, certains bureaucrates n�ont pas trouv� mieux que de chasser Roma�ssa, sans aucune autre forme de proc�s ! Samia t�moigne : �L'h�pital a d�cid� de la sortir, nous l'avons fait vers 18h 30 mais � peine arriv�e � la maison que les vomissements ont commenc� ! J�ai appel� le Samu : elle a �t� �vacu�e vers l'h�pital Rothschild.� Roma�ssa est pourtant alg�rienne � 100 % Il faut dire que Samia est une battante comme on en conna�t peu. Tous les jours, elle sillonne Paris et sa banlieue, sensibilisant les mairies, les associations, les partis, etc. Alors que la maman de Roma�ssa rentre � Alger pour frapper � sans r�sultat ! � � toutes les portes, Samia ne se d�courage pas. On ne va pas laisser tomber la petite Ch�lifienne en si bon chemin ! D�autres Alg�riens et un Fran�ais � le brave Georges Londiche, qu�il m�excuse de froisser sa modestie l�gendaire � inondent la France et le monde de messages de sensibilisation. Sans r�sultat ! Et puis, d�courag�e, pein�e de voir une si belle �uvre de solidarit� mal finir, Samia s�isole chez elle et l�, elle se dit : �Je vais tenter le tout pour le tout !� Elle �crit alors une lettre �mouvante � la s�curit� sociale fran�aise qu�elle fait signer par Nadia. Il y a deux jours, alors que je contemplais le ciel richement �toile de mes hautes plaines madauriennes, me demandant pourquoi, l� haut, certaines pri�res �taient prises en consid�ration et pas d�autres, une sonnerie de portable me r�veille de mes r�veries nocturnes. J��tais en train de penser � la petite Roma�ssa, surgissant de l�anesth�sie op�ratoire, trouvant le courage de parler pour nous demander : �Priez pour moi !� Au bout du fil, Samia avait les larmes dans la voix. Mais des larmes de joie. De bonheur. �Ma�mar ! Roma�ssa a obtenu une prise en charge d�une ann�e ! Une ann�e pour se r�tablir compl�tement ! Nous avons r�ussi !� Je ne sais si c��tait de la poussi�re d��toile me tombant dans les yeux o� si c��tait le faute � ce vent qui faisait lever les restes d�une moisson g�n�reuse, mais j�ai senti une larme couler sur mes joues. Je pensais � Nadia, � mes amis ch�lifiens, avec � leur t�te Boudia et Mejdoub, po�tes qui tissent des arc-en-ciel d�amour et de solidarit� dans la hideur de la cit� r�gurgit�e par la grande El- Asnam, sorte de bouillon de culture de n�importe quoi, fauchant les arbres et b�tissant la grisaille � grands coups de milliards. Samia parlait. J��coutais le vent siffler au ras des bouts de pailles �pargn�es par la moissonneuse. J��coutais la voix profonde de mon pays fredonner un vieil air chaoui chahut� par le tir d�un baroud. Un mariage f�te les retrouvailles avec la vie dans ces contr�es o� la musique �tait interdite. Comme � Chlef. Samia parlait : �Romy, c�est ainsi que l�appellent les m�decins parisiens, b�n�ficie d�sormais d'une aide m�dicale d'Etat pour une ann�e qui sera bien s�r renouvelable apr�s. Maintenant, on va se battre pour l'attestation de s�jour, ce n�est pas facile avec la pr�fecture mais nous allons continuer � nous battre !� Nous avons gagn� ! Totalement gagn� ! Merci � l�Etat alg�rien d�avoir pris en charge l�op�ration chirurgicale et merci � l�Etat fran�ais d�en avoir fait autant pour la r��ducation. Roma�ssa est pourtant alg�rienne � 100% ! �Yes ! We can�� Mais l�essentiel est que nous avons gagn�, contre vents et mar�es, tous ensemble. Vous verrez, si nous sommes encore de ce monde, on ira faire une grande f�te � Chlef et j�invite d�ores et d�j� Romy, ses parents (son p�re est un grand malade), Boudia, Mejdoub, Samia, Khedidja, notre correspondante � Paris, qui a r�veill� les consciences, Georges et nos amis de l�-bas � venir ici, sous le ciel �toil� de mes hautes plaines, pour f�ter la victoire des faibles et des opprim�s contre la grande machine de l�indiff�rence et de la marginalisation ! Je termine par ces mots de Roma�ssa � que j�ai pu avoir hier au t�l�phone. Samia l�a invit�e ainsi que sa maman et d�autres amis � un grand couscous pour f�ter � d�j� � cette victoire ! La petite parlait ! Elle m�a dit de sa voix suave : �Merci !� A travers moi, elle s�adressait � vous tous, amis lecteurs. Je sais que vous n�avez jamais dout� de l�issue de cette extraordinaire aventure humaine d�s le moment o� vous avez lu mon premier appel intitul� : �Yes ! We can��