Sans la positive curiosit� de quelques journalistes, l�information serait pass�e inaper�ue. Une nouvelle aux cons�quences f�cheuses pour la libert� d�expression en g�n�ral et le magist�re des historiens en particulier. Les rares journaux � en avoir rendu compte et surtout comment� s��taient d�ailleurs arr�t�s sur son caract�re fonci�rement antid�mocratique (1). Mais tout d�abord que l�on se rassure. Si la presse dans sa majorit� n�en avait pas parl�, la faute �tait imputable au pouvoir qui, communiquant tellement mal, est devenu ind�cryptable. M�me son agence de presse officielle n�est pas en reste qui r�percute sur son �fil� une litt�rature bureaucratique compass�e sans m�me se donner la peine professionnelle de l��clairer par des exergues de soutien. Glissons donc sur cette insignifiance notoire de sa communication et arr�tons nous sur la proposition quasi ind�cente que vient de faire le chef de l�Etat au ministre des Moudjahidine lors de son r�cent �oral�. Ainsi a-t-il �t� question d�affecter � ce d�partement et � sa filiale, l�ONM, le monopole de la supervision de travaux historiques relatifs au mouvement national. Autrement dit, le sceau exclusif de l�imprimatur sur un domaine relevant de la recherche universitaire. Une �norme atteinte � la fois au pr�-carr� acad�mique et un d�tournement du domaine immat�riel de la m�moire collective qui, dans tous les cas de figure, rel�ve de la propri�t� publique. Pour peu qu�en haut lieu l�on parvienne � mettre en place cette singuli�re institution censitaire alors il faudra craindre, comme autrefois, pour le destin du moindre opus. En commen�ant par le r�examen du pass�, dont on sait qu�il est une source in�puisable de controverses, le pouvoir ne pourra qu��tendre sa tentation de l�auto-dat� � toutes les �uvres de l�esprit. Alors que l�on pensait, au lendemain d�octobre 1988, qu�il allait devenir enfin possible de s�interroger sans passion sur le pass� de ce pays et que les pr�suppos�s id�ologiques allaient s�effacer et lib�rer l�histoire de son carcan mystificateur, nous revoil� revenus aux inqui�tudes d�antan parce que les r�gles que l�on pr�pare ont tout simplement �t� exhum�es des vieux placards de la pens�e unique. Contraindre les historiens es-comp�tences � devenir des faussaires et, au mieux, � passer sous silence les moins h�ro�ques des �v�nements du pass�, c�est ce qui constituera la ligne rouge de leurs futurs travaux. Finis, bient�t, les scrupules du chercheur soumettant � la �question� le moindre document avant de l�authentifier. Place, bient�t, aux notaires de l�Histoire plus dispos�s � verser dans la geste �pique qu�� d�livrer des messages sobres et objectifs. Ces clercs qui s�emp�cheront d�interpr�ter par euxm�mes et pr�f�reront transcrire et, pis encore, transfigurer les faits. Ainsi l�on s�efforcera de brider les travaux les plus compromettants relatifs � des m�faits d�acteurs que l�on a pourtant �panth�onis�s� pour le bon usage du r�gime. Car enfin de quelle autorit� intellectuelle pourrait se pr�valoir l�ONM au point de se voir investir de cette mission ? Elle dont la r�putation est politiquement sulfureuse, de quelle nature est son onction �thique pour attendre d�elle qu�elle se hisse au-dessus de contingences du pr�sent et �conduire les pr�pos�s � l�instrumentation ? A son sujet, son long, tr�s long, compagnonnage avec tous les pouvoirs a fini par la discr�diter. Peupl�e de g�rontes � comment peut-il en �tre autrement ? �, n�a-telle pas exerc� les pressions les moins justifiables contre la moindre critique atteignant le pouvoir du moment ? De Boumedi�ne � Bouteflika en passant par Chadli, Boudiaf, Kafi et Zeroual, elle monnaya au prix fort sa disponibilit� avec la morgue patriotique en prime. Prompte � t�moigner � d�charge dans tous les proc�s mettant en cause le r�gime en place, elle les gratifia finalement de tous de superlatifs patriotiques. Maintes fois aussi, elle d�signa � la vindicte des opposants qu�elle n�eut aucun �tat d��me � qualifier d�aventuriers antinationalistes. Par ob�dience sectaire, elle n�h�sitera pas � jeter la suspicion sur le pass� de v�ritables compagnons d�armes tout � la fois pour demeurer dans les bonnes gr�ces du r�gime qui le lui a demand� et dans le m�me temps �tuer� politiquement un t�moin de leurs turpitudes. Le propos est sans aucun doute f�roce mais est-il pour autant injuste dans sa signification globale ? L�immunit� attach�e au pass� de ses sympathisants n�est pas �trang�re � son �loignement des pr�occupations du pays pour ne s�y int�resser qu�� sa proximit� avec les pouvoirs. Abus�e jusqu�� s�organiser en �soci�t� � responsabilit� illimit�e �, au sein m�me de la communaut� nationale, n�estelle pas plut�t semblable � une �loge ma�onnique� qu�� une amicale des rescap�s de l�enfer, uniquement soucieuse d�entretenir le grand souvenir ? Et cela loin des calculs et des app�tits de pouvoir. H�las, ce devoir de m�moire qui lui �choit depuis une quarantaine d�ann�es n�a-t-il pas �t� mis au service des pouvoirs politiques qui sanctifi�rent qui ils voulaient et ratur�rent les noms de certains autres. Pour l�anecdote, demandez � Ali Kafi, son ex-secr�taire g�n�ral, qui tout au long de ses mandats ignora superbement Boudiaf jusqu�au jour o� il se retrouvera parmi ses assesseurs au HCE puis devint son successeur, demandez-lui donc si une seule fois il a eu � �voquer le nom de ce commandeur de 54 lors des multiples c�l�brations qu�il pr�sida auparavant ! C�est dire que l�ingratitude m�me dans le souvenir y �tait une r�gle. D�mon�tisant ce qui restait, apr�s octobre 1988, de rectitude morale encore attach�e � sa vocation peut-elle aujourd�hui, en l�an 2009, s�autoriser un autre viol de la m�moire historique de ce pays en pr�tendant savoir la promouvoir ? Certes ce n�est d�abord pas � elle d�adresser la question et qu�il faudra se tourner vers le chef de l�Etat pour le questionner sur ses retentions, mais enfin l�on pouvait bien imaginer que le premier mandataire des anciens combattants fit enfin preuve d�humilit� (patriotique celle-ci) pour d�cliner une telle mission. Rien de cela n�a eu lieu au cours de cet oral de Ramadan. Le ministre a pris simplement acte de la proposition pr�sidentielle. A leur tour, les chercheurs doivent en r�futer par avance les arri�re-pens�es qui sous-tendent la promotion d�une histoire officielle. C�est-�- dire le retour � l�exaltation sans retenue et � l�instruction civique �triqu�e avec pour unique souci de gommer les asp�rit�s peu convenables pour le r�gime. Ainsi donc, les manuels d�histoire de nos petits enfants attendront encore longtemps avant de devenir des sources de connaissance du pass�. B. H. (1) Seul El-Watanlui consacra un article en derni�re page o� l�on pouvait lire les avis de deux historiens : Omar Carlier et Daho Djerbal.