Par Boubakeur Hamidechi [email protected] Le vertige du vide politique. Le p�ril annonc� d�une grave vacuit� institutionnelle. Rarement par le pass�, la voix officielle ne s�est faite aussi rare lors de la rentr�e sociale. Pis, elle se tait peureusement ces jours-ci au moment o�, justement, les impatiences dans la soci�t� se font plus expressives, elles, et m�me bruyantes. Pas un seul pompier de l�Etat ne veille � son poste afin de rassurer au nom de la puissance publique. Etrange Etat frapp� de torpeur et qui laisse enfler, sans r�agir, la critique jusqu�� montrer des signes de d�mission. Une incompr�hensible posture d�fensive mais inqui�tante d�abord pour le chef de l�Etat. Lui, qui est retenu par ses n�cessaires et utiles p�r�grinations protocolaires, comment serait-il satisfait du manque de r�activit� de son entourage ? Et quand bien m�me il ne lui reprocherait pas son frileux absent�isme de la sc�ne publique, il l�accablerait au moins de la maladresse dans la communication. Un Premier ministre dont la loquacit� l�gendaire fait �tonnamment d�faut et quelques rares ministres qui s�agitent d�une mani�re inaudible, cela devrait l�inviter � �tre plus attentif au thermom�tre du pays. Car c�est d�j� un euph�misme que de parler de d�robade collective dans les instances du gouvernement. Face � la contestation, fortement soutenue, des enseignants d�non�ant une ann�e scolaire catastrophique, l�on continue � faire le dos rond en �vitant le moindre arbitrage. Devant l�exigence du patronat d�avoir de meilleures clarifications sur l�application de la LFC, le ministre des Finances se contente de r�agir par des notes d�rogatoires. Et enfin en pr�vision d�une hypoth�tique tripartie, aucun partenaire ne sait encore dans quelle fourchette va-t-on n�gocier le rel�vement du salaire minimum l�gal. Tout cela ne signe-t-il pas express�ment l�impasse actuelle justifiant le mutisme ambiant ? Un cul-de-sac qui, certes, plombe les rouages de l�Etat mais � travers lequel on ne peut pas tout expliquer. En clair, l�embourbement global du pays tient � plusieurs causes dont celle-ci en est seulement une. La d�liquescence chronique de l�Etat, dont le diagnostic est s�v�rement affin� par les sp�cialistes, ne peut pas �tre r�duite � la mauvaise qualit� des commis. D�autres param�tres plus d�terminants ont en acc�l�r� le processus. Leur aspect id�ologique notamment ne rappelle-il pas un certain contexte du pass� qui a d�bouch� sur une cassure violente que l�on avait cru qu�elle constituait la premi�re rupture �pist�mologique avec les pr�suppos�s h�rit�s de l��re primaire de la d�colonisation ? C�est forc�ment � Octobre 88 qu�il est fait r�f�rence. Bien que ce tournant, � ce jour contradictoirement analys�, demeure en attente d�une mise en perspective historique, aucune volont� politique ou appareil partisan ne peut en ignorer son influence sur la totalit� des m�urs de nos pouvoirs. A l�origine de la premi�re grande mutation du pays, cet �v�nement, dont on esp�rait qu�il serait refondateur de la R�publique, est sciemment �vacu� du discours officiel actuel. Et quand parfois il l�est, c�est pour en contester le caract�re nodal de ces journ�es dans l��mergence d�un esprit et d�une culture de la contestation tout au moins. En clair, la mystique du pouvoir a, pour la premi�re fois, �t� balay�e et d�boulonn�e le 5 octobre. H�las, l�histoire avec ses terribles coups d�acc�l�rateur fera beaucoup dans notre amn�sie g�n�rale. Les forfaits du terrorisme islamique et l�insoutenable tension pour survivre au c�ur d�une quasi-guerre civile ont fini par rel�guer leur souvenir dans les lointaines cases de l��vocation. Vaguement, il en sera question et approximativement ou en re-d�crira les faits. Evoqu� selon les prismes doctrinaux de chacun, il a fini par tomber dans une sorte de d�su�tude r�f�rentielle comme si l�on avait � traiter d�une trop lointaine insurrection tout juste int�ressante pour les th�sards en histoire. Car, apr�s les �crits factuels publi�s � chaud et, plus tard (1998 et 2008), les tentatives intellectuelles de donner du sens � ce tsunami politique � gr�ce d�ailleurs aux travaux r�alis�s sur la base de t�moignages s�rieux et analyses � la chape de plomb s�est chaque fois referm�e apr�s les c�l�brations. A bon escient, de leur point de vue, les officines de la d�cision ont chaque fois estim� que ce 5 Octobre �tait une redoutable bo�te de Pandore. L� o� est enfoui le pire de la �raison d�Etat� notamment. Celle qui justement a mis en col�re la rue alg�roise. Il posa par cons�quent, tr�s t�t (d�s 1991) le probl�me de la r�cup�ration politicienne pour au moins une raison : celle des ob�diences revendiquant chacune pour soi une forme de tutorat actif quand dans les faits elles n�ont fait que l�accompagner �filialement�. A sa suite en d�autres termes. Son occultation du d�bat comme le souhaitaient les appareils ne tire-t-elle pas son explication de la volont� de r�- insertion dans les nouvelles r�gles constitutionnelles (1996 et 2008) qui �taient destin�es � r�activer le mod�le d�avant-88. Pour bon nombre de personnalit�s et de relais, l�impasse sur octobre 1988 �tait la contre-partie du r�alisme, afin �d�aller de l�avant�, disait-on, avec une na�ve satisfaction pour certains et un cynisme froid pour d�autres. La reconstruction du syst�me et de son �esprit� s��tait patiemment impos�e gr�ce � des agr�gats id�ologiquement diff�renci�s mais n�anmoins solidaires dans le partage de la rente r�nov�e. Que l�on soit appareil impliqu� dans la gestion des affaires de l�Etat ou chapelle pantouflant confortablement dans l�opposition l�gale, le b�n�fice est identique. Sauf que, plus de vingt ans apr�s ce premier coup d�arr�t, la m�canique, qui en avait broy� alors l�esp�rance, se grippe � son tour. De toutes parts, le pays voit sourdre le m�contentement alors que la nomenklatura observe avec apathie le ph�nom�ne. Mais enfin comment peut-elle ignorer que cette grogne s�adresse � toute sa composante ? Aussi bien celle qui applaudit que celle qui feint l�indignation dans les reposantes buvettes du Parlement.